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Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mardi 24 janvier 2023 à 15h00
Discussion après engagement de la procédure accélérée d'un projet de loi adopté par le sénat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Fourre-tout et technique – ce sont les qualificatifs qui viennent immédiatement à la lecture de ce projet de loi dont les trente-et-un articles traitent de sujets extrêmement divers : retraite, handicap, responsabilité automobile, impôt sur le revenu des sociétés, adaptation du régime des fusions et scissions transfrontalières, droit au congé de proche aidant, conditions de travail, distribution des denrées alimentaires, taxation environnementale des poids lourds aux péages, agriculture – et j'en passe.

Des sujets techniques captés par les mains habiles du Gouvernement qui choisit, une fois encore, de légiférer par voie d'ordonnance – une mauvaise habitude à l'égard de notre représentation nationale. Pour nous faire accepter cette énième mauvaise manière, on nous explique que les navettes parlementaires sont trop longues et qu'elles entraveraient l'application rapide et efficace de certaines mesures indispensables à notre mise en conformité au droit de l'Union européenne. C'est une pirouette amusante quand on sait que certaines ordonnances ont été prises sur le fondement de textes européens validés il y a deux quinquennats.

Dès lors, on ne peut que regretter que le Gouvernement, grand et fervent défenseur d'une démocratie renouvelée et participative, ne commence pas par respecter le Parlement en choisissant de rédiger directement les mesures de la dizaine d'ordonnances que l'on nous demande aujourd'hui de ratifier.

Je pense par exemple à l'article 4 relatif à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs. Ce sujet aurait pu, ou plutôt aurait dû, ouvrir le débat sur d'autres questions, comme celle de la responsabilité pénale en cas d'accident de la circulation. Ces dernières années, la demande des associations s'est faite de plus en plus pressante pour que les victimes d'accidents de la route et leurs familles soient mieux indemnisées, notamment par la création d'un nouveau délit, celui d'homicide routier. Cela aurait aussi pu être l'occasion de réfléchir à une nouvelle façon de faire de la prévention. En somme, il aurait fallu penser de façon globale, avoir une vision, et même un horizon pour réduire efficacement le nombre d'accidents de la route qui tuent et laissent aux proches un réel sentiment d'impuissance et d'abandon.

Je déplore également le manque de temps qui nous est accordé pour amender un tel projet de loi, qui concerne pourtant des sujets cruciaux tels que l'agriculture. L'article 30 transfère en effet à FranceAgriMer la compétence réglementaire nécessaire pour la gestion du Fonds européen agricole de garantie (Feaga) pour certaines filières agricoles, soit environ 420 millions d'euros. Avec cet article, les régions qui le souhaitent pourront devenir les autorités responsables des aides à l'installation des agriculteurs comprises dans la nouvelle PAC, ce qui constitue une forme de décentralisation. Si tel est vraiment le cas, je la salue, même si elle n'est pas sans risque. Le Sénat a en effet déjà souligné une éventuelle perte de lisibilité des aides d'une région à l'autre, le danger, bien réel, d'un accroissement des disparités entre celles-ci, ainsi qu'un manque de transparence qui n'arrangera en rien le monde agricole.

Par ailleurs, on peut se demander s'il est pertinent de conditionner ces aides à une formation minimale. C'est une vraie question puisque, comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur pour avis Stéphane Travert, d'ici à 2030, un agriculteur sur deux sera parti à la retraite : est-il dès lors pertinent de compliquer l'accès à de nouvelles aides ? Rien n'est moins sûr.

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