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Intervention de Hélène Laporte

Séance en hémicycle du mardi 24 janvier 2023 à 15h00
Discussion après engagement de la procédure accélérée d'un projet de loi adopté par le sénat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHélène Laporte :

« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » Comme vous le savez, c'est sur le fondement de cette règle inscrite au premier alinéa de l'article 3 de la Constitution que l'Assemblée nationale est autorisée à siéger, au nom du peuple français et de lui seul, et partage avec le Sénat la prérogative de voter la loi. Le texte que nous examinons, s'il répond aux conditions formelles d'élaboration de la loi, ne peut être tenu pour une manifestation de la souveraineté nationale. En effet, il s'agit de traduire dans notre droit des dispositions édictées par des instances auxquelles nous avons sciemment abandonné des pans entiers de notre souveraineté.

En application de l'article 260 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la France pourrait être condamnée par la CJUE si notre Parlement ne se conforme pas aux textes européens. En d'autres termes, nous pouvons techniquement rejeter ce projet de loi, mais nous n'en avons pas réellement la liberté. Selon la logique des institutions européennes, notre liberté s'arrête à la question du comment : par quelle adaptation de notre droit mettrons-nous en œuvre ce qui nous est commandé ? Nous ne sommes guère qu'un sas juridique entre Bruxelles et le citoyen, une chambre d'enregistrement de normes conçues par des instances non élues.

Si technique que soit le contenu du texte et si consensuels que puissent être certains de ces articles, il me semblait important de rappeler les conditions dans lesquelles nous devons nous prononcer. Elles ne conviennent pas à un parlement représentant un peuple libre, mais plutôt à une instance de ratification opérant sous contrainte. Nous ne faisons qu'exécuter, sous peine d'engager la responsabilité financière de la France, des mesures décidées par des instances supranationales auxquelles nous avons par avance accordé un blanc-seing.

Nous voici donc devant un texte dont la seule cohérence d'ensemble consiste à mettre en conformité des portions du droit français avec le droit européen. Il comporte des dispositions économiques et surtout financières, des règles de droit social concernant aussi bien la protection des salariés que la santé publique, des règles relatives aux transports, qu'ils soient routiers, ferroviaires ou maritimes, ou encore des normes agricoles. En contemplant l'inventaire hétéroclite de cette loi fourre-tout, nous pouvons dénombrer les domaines supplémentaires que nous abandonnons à la compétence supranationale de l'Union européenne, tout comme nous lui avons abandonné notre souveraineté en matière de politique agricole, de commerces de biens ou de services, de circulation des personnes, de politique monétaire, d'autorisation des produits pharmaceutiques, d'encadrement du marché énergétique, et j'en passe. Les implications de cette perte de souveraineté sont très concrètes ; nous en avons eu récemment un exemple édifiant lorsque la CJUE a supprimé toute dérogation permettant l'emploi de néonicotinoïdes, décision dont nous pouvons légitimement craindre qu'elle mette à terre le secteur français de la culture betteravière et de l'industrie sucrière.

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