Il est des textes qui, loin de se réduire aux mesures qu'ils contiennent, en disent bien plus long. Ainsi, ce projet de loi a beau nous être présenté comme la simple transposition technique ou la mise en œuvre de directives et de règlements européens, ce serait une erreur que de le considérer ainsi. En réalité, il traduit une nouvelle fois le mépris avec lequel le Gouvernement traite le débat parlementaire et la démocratie représentative.
Votre texte ne contient pas moins de cinq demandes d'habilitation à légiférer par ordonnance. À l'automne, vous avez utilisé par dix fois l'article 49, alinéa 3, de la Constitution pour faire passer en force les textes budgétaires. Nous nous apprêtons également à examiner une réforme des retraites dont vous avez méthodiquement organisé le verrouillage et le passage en force, garantissant l'impossibilité du débat et le recours à un énième 49.3 ou à l'article 47-1 qui permet de mettre en œuvre les dispositions du texte par ordonnance. Aujourd'hui, vous nous demandez d'acter tranquillement que nous n'aurons pas voix au chapitre. Vous considérez que le Parlement ne doit être qu'une chambre d'enregistrement qui, octroyant les pleins pouvoirs à l'exécutif, laisse se faire la loi dans la plus totale opacité, derrière les portes closes des cabinets ministériels.
Que les choses soient bien claires : il est tout à fait normal de retranscrire en droit français les dernières avancées du droit européen. Mais en République, c'est l'Assemblée nationale et non le Gouvernement qui fait la loi. En proposant de transposer par voie d'ordonnance ces directives et ces règlements, vous cherchez à faire oublier que ce gouvernement est minoritaire, à l'Assemblée nationale comme dans le pays. S'il souhaite que les directives soient transposées, qu'il laisse donc le Parlement en débattre et amender le texte ! Qu'il s'occupe plutôt de trouver un moyen élégant de retirer sa réforme des retraites, dont les Français ont montré jeudi et samedi derniers qu'ils n'en voulaient pas !