Depuis 2018 environ, les agressions contre les élus et les dépositaires de l'autorité publique augmentent de façon très inquiétante. C'est une bonne chose que la proximité, qui permet d'avoir des élus locaux « à portée d'engueulade ». C'est vrai au sens figuré, mais ça l'est aussi au sens littéral et, de plus en plus, les élus sont à portée de coups.
Certes, les associations d'élus réagissent. L'AMF s'est saisie du sujet. Le Sénat aussi, notamment grâce à Philippe Bas. Je m'en étais inquiété, avec d'autres, pendant la législature précédente, auprès de notre présidente Yaël Braun-Pivet. Avec Naïma Moutchou, nous nous étions penchés sur cette question, au printemps 2021, dans le cadre d'une mission flash consacrée aux pouvoirs de police des maires et à la reconnaissance de leur autorité. Le sujet est loin d'être clos, d'autant que les agressions connaissent une progression exponentielle. De quelques centaines en 2015-2016, les cas ont commencé à se multiplier avec les gilets jaunes – qui ne s'en prenaient pas qu'aux ronds-points, mais aussi aux élus, il faut le dénoncer – pour atteindre le nombre de 1 276 en 2020. Même dans un département comme la Manche, considéré comme tocquevillien et « violemment modéré », de violentes agressions visent parfois les élus. Or les condamnations qui ont suivi n'ont pas toujours été à la bonne hauteur. En 2021, les chiffres ont augmenté de 35 %, peut-être en raison de l'énervement lié aux confinements, mais, pour les dix premiers mois de 2022, l'étude du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) fait tout de même état de 1 835 agressions. C'est terrible et glaçant !
L'État n'est pas resté inerte, avec la loi « engagement et proximité » de 2019 et deux circulaires du garde des sceaux renforçant le suivi judiciaire des auteurs d'infraction ; les préfectures et les représentants de l'État dans les départements ont accordé une attention particulière au sujet. Il fallait malgré tout aller plus loin, et cette proposition de loi va dans le bon sens. Elle permettra aux assemblées et aux associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir davantage les victimes d'agressions, dans un champ élargi. Nous saluons cette avancée, qui s'inscrit dans la continuité du rapport que nous avons élaboré avec Naïma Moutchou.
Pour autant, il reste beaucoup à faire, à commencer par une plus grande appropriation des pouvoirs de police des maires et par la reconnaissance de leur autorité. S'en prendre à un élu de la République, c'est s'en prendre à la République même.