La présente proposition de loi vise à permettre aux assemblées d'élus et aux différentes associations d'élus de se constituer partie civile lorsqu'une personne investie d'un mandat électif est victime d'une agression. Il s'agit un petit dispositif juridique, mais d'un grand sujet. Nous sommes trop nombreux dans cette salle à avoir été témoins ou victimes de ce type d'agression, verbale ou physique. Et pourtant, les députés ne sont pas les plus touchés : ce sont le plus souvent les maires et leurs adjoints qui font les frais de cette violence. Ils sont les plus proches de nos concitoyens, doivent gérer les problèmes du quotidien et sont parfois amenés à dire non, ce qui peut conduire à des situations de violence.
Cette violence a d'ailleurs eu tendance à augmenter au cours des dernières années : en 2021, on a dénombré 1 720 atteintes aux élus, soit une hausse de 35 % par rapport à l'année 2020 – il est vrai que les contacts avec nos concitoyens avaient alors été fortement réduits. L'augmentation du nombre des actes va de pair avec leur aggravation. Nous échangeons tous régulièrement avec les élus locaux présents dans nos territoires. Pour ma part, j'ai également rencontré, dans le cadre de mes auditions, plusieurs associations d'élus qui ont unanimement partagé ce double constat de l'augmentation et de l'aggravation des violences. Nous avons tous encore en mémoire le drame qui a valu à Jean-Mathieu Michel, maire de Signes, dans le Var, d'être mortellement renversé par une camionnette qui déposait illégalement des gravats sur le bord de la route.
Ces actes et ces drames sont totalement inacceptables. Ils sont condamnables comme tout acte de violence, mais ils le sont d'autant plus qu'ils prennent pour cible des femmes et des hommes au service de la collectivité. Ce faisant, c'est notre République qu'ils prennent pour cible.
Nous avons déjà adapté notre droit pénal pour sanctionner plus durement les actes de violence visant des personnes dépositaires de l'autorité publique ou en charge d'une mission de service public, y compris les personnels hospitaliers, ceux de l'éducation nationale, de la sécurité civile, ou encore les membres des forces de l'ordre. De ce point de vue, notre arsenal juridique est satisfaisant.
Le texte que nous examinons s'inscrit dans une logique pragmatique et une approche réaliste. Son objet est d'étendre un dispositif qui existe déjà dans notre code de procédure pénale, dont l'article 2-19 permet, depuis une vingtaine d'années, aux associations départementales de maires de se porter partie civile en cas d'agression d'un élu. La plupart d'entre elles interviennent en appui financier des élus victimes, et se porter partie civile leur accorde le droit d'obtenir compensation en justice. En revanche, les associations nationales, comme l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), qui remplissent cette même mission de soutien et d'accompagnement des élus victimes, ne peuvent pas se constituer partie civile. L'objectif premier de cette proposition de loi, déposée par la sénatrice Nathalie Delattre, est de corriger cette incohérence. Nous l'examinons à peine deux mois après qu'elle a été inscrite à l'ordre du jour de sa niche du 15 novembre dernier, au Sénat, par le groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE). C'est dire l'importance que notre Assemblée accorde à ce sujet.
Le texte originel, qui visait, je l'ai dit, à étendre le dispositif de l'article 2-19 du code de procédure pénale aux grandes associations nationales, en particulier l'AMF, l'Assemblée des Départements de France (ADF) et Régions de France, a ensuite été enrichi par nos collègues sénateurs, en commission puis en séance, dans une démarche que mon homologue Catherine Di Folco et l'auteure de la proposition ont qualifiée de coconstruction avec le Gouvernement.
D'abord, l'élargissement a été étendu à l'ensemble des associations, sous réserve de certains critères, notamment d'ancienneté. La rédaction retenue par le Sénat permet, en outre, de n'oublier aucun élu – il est fondamental que tous nos élus et tous nos territoires bénéficient de la même protection.
Ensuite, les assemblées d'élus et les collectivités territoriales pourront, elles aussi, se constituer partie civile en cas d'agression d'un de leurs membres. Cette mesure figurait dans la première version de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, déposée en mars dernier sur le bureau de l'Assemblée nationale.
Enfin, le champ des infractions concernées par cette procédure a été élargi à l'ensemble des crimes et délits contre les personnes et contre les biens, aux atteintes à l'administration publique commises par les particuliers et aux infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Seront également couvertes les agressions à l'encontre des proches d'élus – c'est un progrès important.
La proposition de loi a été cosignée par quatre-vingt-dix sénateurs et votée à l'unanimité par nos collègues du Sénat. Je sais qu'au sein de notre commission et de l'Assemblée, nous dénonçons fermement les agressions que subissent les élus dans notre pays, et souhaitons leur offrir un accompagnement approprié. J'espère que nous garderons à l'esprit cet objectif commun durant nos débats.