Les derniers mois ont fait apparaître plus que jamais l'urgence climatique. Dans ce contexte, le secteur du bâtiment est porteur d'enjeux primordiaux.
D'abord, face au changement climatique et aux coûts de l'énergie en hausse, des bâtiments publics énergétiquement performants amélioreront notre capacité à affronter les chocs climatiques ou géopolitiques, mais aussi le confort des usagers et agents publics.
Ensuite, le secteur du bâtiment dans son ensemble représente en France 44 % de la consommation d'énergie finale et un quart des émissions de dioxyde de carbone. Les bâtiments de l'État et des collectivités locales n'occupent pas moins de 380 millions de mètres carrés, soit 37 % du parc tertiaire national ; dans les communes, les bâtiments publics sont responsables de 76 % de la consommation énergétique.
La proposition de loi concourt à l'atteinte d'un double objectif : le respect du décret dit tertiaire du 23 juillet 2019, qui impose de réduire la consommation d'énergie des bâtiments à usage tertiaire de 40 % d'ici à 2030, de 50 % en 2040 et de 60 % en 2050 par rapport à 2010 ; et, plus globalement, l'objectif de neutralité carbone à l'horizon 2050.
Les contrats de performance énergétique (CPE) sont des outils particulièrement adaptés aux rénovations énergétiques de grande ampleur. Ils permettent en effet de garantir une diminution des consommations énergétiques du maître d'ouvrage, mesurée par rapport à une situation de référence sur une période donnée, grâce à un investissement dans des travaux, fournitures ou prestations de service. Les acheteurs publics peuvent conclure des CPE sous deux formes juridiques distinctes qui, pour des raisons différentes, ne sont pas forcément à même de répondre au besoin d'une vaste rénovation énergétique.
La première est le marché global de performance. Il semble le vecteur le plus adapté, car il contient un engagement de résultat de l'opérateur en matière de gains énergétiques après les travaux : si les économies d'énergie prévues ne sont pas au rendez-vous, l'opérateur doit dédommager la puissance publique du montant de la différence. Ce type de marché est donc peu risqué pour les collectivités. Mais, conformément aux règles de la commande publique, la puissance publique doit s'acquitter du coût des travaux avant de bénéficier des économies d'énergie. Or les sommes à fournir par l'ensemble des collectivités territoriales, notamment pour se mettre en conformité avec le décret tertiaire, représentent un véritable mur d'investissements.
La seconde forme juridique possible est le marché de partenariat, anciennement partenariat public-privé (PPP). Ces marchés ont une très mauvaise image auprès des élus en raison de la complexité de leur mise en œuvre et parce qu'ils obligent à confier la maîtrise d'ouvrage à un opérateur tiers. Les chiffres de l'Observatoire national des contrats de performance énergétique (ONCPE) sont éloquents : sur les 380 contrats signés entre 2008 et 2021, seuls 20 ont été conclus sous la forme d'un contrat de partenariat.
Les marchés publics globaux de performance sont ainsi le véhicule juridique le plus adapté, mais leur mise en œuvre est entravée par le fait qu'à la différence des marchés de partenariat, ils n'autorisent pas le paiement différé. La présente proposition de loi vise par conséquent à adapter le régime de ces marchés pour permettre un paiement différé. Elle ne concerne que les CPE passés sous la forme d'un marché global de performance et présente un caractère expérimental, pour cinq ans. À mi-parcours de l'expérimentation, le Gouvernement remettra un rapport sur l'efficacité du dispositif.
L'objectif est de faciliter le recours au tiers financement dans le cadre de la rénovation énergétique de nos écoles, collèges, lycées, hôpitaux et de l'ensemble des bâtiments publics. L'État, les établissements publics et les collectivités territoriales pourraient ainsi payer les travaux après leur exécution. Le remboursement de la somme est alors partiellement financé par les économies d'énergie déjà réalisées : on peut investir immédiatement et lisser le coût de l'investissement dans le temps. En outre, ces contrats, à la différence des marchés de partenariat, permettent à l'acheteur public de garder la maîtrise d'ouvrage.
En l'état de la proposition de loi, une partie du régime de ces contrats reste adossée à celui des marchés de partenariat. Au cours des auditions, nous avons pris conscience du risque de confusion que cela entraîne. Je défendrai donc des amendements pour clarifier ce point en dissociant du marché de partenariat le dispositif que nous proposons et en le simplifiant. En particulier, la preuve d'un bilan plus favorable, notamment financier – condition d'un marché de partenariat –, ne sera plus nécessaire, non plus que l'étude du coût global de l'opération. Je proposerai également que les seuils minimaux requis pour la passation des marchés de partenariat et maintenus par la proposition de loi ne soient plus applicables au dispositif qui vous est soumis, ce qui permettra aux plus petites communes, mais aussi aux PME, d'accéder à ces contrats. Pour conclure ces derniers, l'État, ses établissements publics et les collectivités territoriales devront naturellement toujours démontrer la soutenabilité budgétaire de leur opération, mais surtout son efficacité énergétique – car c'est bien de cela qu'il est question.
J'ai auditionné un grand nombre d'acteurs – associations d'élus, administrations, juristes, acteurs du secteur de la rénovation énergétique ; je tiens à les remercier de s'être rendus disponibles dans une période un peu particulière. Il en est ressorti plusieurs interrogations auxquelles je souhaite répondre.
D'abord, la dette contractée dans le cadre des contrats prévus par la proposition de loi sera traitée comme une autre dette sur le plan comptable. Il n'est pas question de la déconsolider ou de la cacher, ne serait-ce qu'eu égard à la sincérité de nos comptes publics. Nous avons parfois ressenti chez les élus une grande réticence à s'engager dans ce type d'opération à cause de l'obligation d'afficher le montant de la dette ; nous devons poursuivre notre réflexion sur la bonne dette, la dette verte, indispensable si nous voulons atteindre nos objectifs climatiques.
Le concours des services de l'État, notamment de la Banque des territoires et de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), aux collectivités pour instaurer le dispositif sera crucial, en particulier pour les petites collectivités. Il faudra également être attentifs à l'accès des PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire) au mécanisme ; ce sera le sens de l'un de mes amendements.
Je forme le souhait que cette proposition de loi permette d'accompagner l'indispensable rénovation énergétique des bâtiments publics, et je vous appelle bien évidemment à la voter.