Revoilà l'une des arlésiennes du débat sur l'école : l'uniforme lutterait contre les inégalités, mettrait fin aux discriminations liées aux apparences, imposerait de manière ferme et définitive la laïcité dans les établissements, serait enfin l'outil magique pour renouer avec la discipline et la rigueur dans les écoles, mettant fin à des années de laxisme et de pédagogisme éloignant nos chers enfants des vraies valeurs et de l'apprentissage.
Depuis le début de la législature, trois propositions de loi ont été déposées : par le nouveau chef des Républicain Éric Ciotti, par la non-inscrite Emmanuelle Ménard et par le Rassemblement national. Je n'ai aucune confiance dans un groupe politique qui prône la fin de l'école gratuite pour les enfants de personnes étrangères afin de régler les problèmes à l'école, qui suggère de mettre des gamins qui ne seraient prétendument pas faits pour l'école au travail dès 14 ans, ou qui insulte depuis des dizaines d'années l'Éducation nationale, qualifiée de repaire de gauchistes en proie au pédagogisme.
Vous poussez des cris d'orfraie à la moindre mention de l'enseignement d'une langue étrangère à l'école primaire, ou, pire, de l'éducation sexuelle. Vous préférez voir dans l'uniforme une solution miracle, masquant les inégalités au lieu de les combattre. Mais, pour une raison mystérieuse, vous vous arrêtez à l'école publique : pourquoi ne pas aussi l'imposer à l'école privée sous contrat, alors que cette dernière, de moins en moins mixte et pourtant financée à 75 % par l'argent public, perpétue les inégalités ?
La question de l'uniforme, posée dans une démarche globale de lutte contre les inégalités scolaires, pourrait présenter un intérêt. Cependant, son instrumentalisation empêche de l'aborder sereinement.
Le groupe GDR, lui, a bataillé pour augmenter dans le projet de loi de finances les crédits de l'Éducation nationale. Nous avons déposé des propositions de loi pour revaloriser la situation des professeurs, pour réformer l'orientation des élèves et mettre fin à l'injustice de Parcoursup. Nous avons multiplié les événements pour donner l'alerte sur la situation des lycées professionnels et de ses élèves, en majorité issus des classes populaires. Nous nous sommes mobilisés avec la NUPES sur la question des AESH et de la réforme de la carte scolaire. C'est un projet global pour l'école que nous dessinons, luttant réellement contre la reproduction sociale et le mythe de la méritocratie entretenu depuis des années pour justifier les inégalités.
Les inégalités de performance se traduisent dès le primaire et s'approfondissent par la suite. Les élèves dont les parents appartiennent aux catégories socioprofessionnelles les moins favorisées sortent plus souvent du système éducatif sans diplôme. Parmi les élèves entrés en sixième en 2007, 19 % des enfants d'ouvriers non qualifiés n'ont pas obtenu de diplôme du secondaire dix ans plus tard ; 38 % des enfants de parents sans emploi sont dans ce cas, mais seulement 4 % des enfants de cadres, professions libérales et chefs d'entreprise.
Voilà ce qui devrait mobiliser toute notre énergie. Nous ne voterons pas cette proposition de loi car elle s'inscrit dans un discours qui ne nous paraît pas bénéfique pour les enfants de ce pays.