En déclenchant le 49.3 en moins de trois minutes, jeudi dernier, vous vous êtes comportés en Hybris, arrogants et péremptoires, mais vous finirez en Pyrrhus, car il est des victoires qui sonnent comme des défaites : victoire au Parlement, grâce à l'anomalie démocratique qu'est l'engagement de la responsabilité du gouvernement, déclenché huit fois déjà sur les textes budgétaires – le 49.3 étant la condition de la motion de censure, et non le contraire –, mais défaite dans le pays, car vous mesurez mal la colère qui monte : celle du boulanger qui n'en peut plus de voir ses factures d'énergie tripler ou quadrupler ; celle des salariés modestes qui voient arriver une période de fêtes où l'insouciance fait place à l'angoisse de ne pouvoir garnir le pied du sapin ; celle de l'aide-soignante qui court de chambre en chambre et n'accepte plus la logique comptable qui sacrifie le système de soins ; celle, enfin, des millions de femmes et d'hommes qui s'apprêtent à se lever contre votre contre-réforme inique des retraites.
Ne vous y trompez pas : les attentes sont immenses, et le passage en force que vous comptez faire pour imposer vos options politiques – qui ne dérogent pas à des règles libérales de plus en plus honnies – ne fait qu'agrandir les fractures qui gangrènent notre pays. Pendant que la majorité de nos compatriotes tire le diable par la queue, une petite caste continue de faire bombance, gavant les actionnaires au détriment des salariés, et accroissant les patrimoines des ultrariches.