Permettez-moi tout d'abord de contextualiser en rappelant que la Cour pénale internationale exerce sa compétence pour les crimes ayant une portée internationale, à savoir les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et d'agression. L'accord entre notre pays et la Cour qu'il nous est demandé d'approuver vise à mettre en place un cadre général fixant les modalités d'exécution en France de condamnations prononcées par la Cour et le transfèrement sur notre territoire de détenus condamnés. Rappelons les limites évidentes des compétences de la CPI : elle a certes une vocation universelle, mais elle n'est pas reconnue par tous les pays, notamment les États-Unis, la Chine et la Russie. Nous, au Rassemblement national, le regrettons car elle peut être un outil efficace.
J'en viens à certains articles de cet accord qui sont en opposition avec notre vision de la coopération internationale, à commencer par l'article 8. Il prévoit de restreindre l'action de la justice française si la CPI a déjà condamné le criminel, donc de reconnaître la suprématie des jugements de la Cour sur ceux des juridictions françaises, une mesure en pleine contradiction avec notre volonté de garantir la souveraineté de la France dans tous les domaines.
L'article 14, quant à lui, prévoit que les frais liés à la détention du condamné soient à la charge de la France, y compris l'accueil et le suivi médical du détenu. Vu la longueur des peines prononcées, cela représenterait au minimum plusieurs centaines de milliers d'euros par personne. La France, comme le rapporteur l'a rappelé, étant déjà le troisième contributeur au budget de la CPI, avec 13,3 millions d'euros en 2022, il ne serait pas déraisonnable de demander à la Cour de prendre en charge les frais de détention sur son propre budget.
Et puis, il faut le dire, cet accord semble d'une utilité purement symbolique à plusieurs égards. L'un des arguments avancés par le rapporteur est d'ailleurs sa portée symbolique et diplomatique. En d'autres termes, nous accroîtrions avec cet accord l'influence de notre pays dans le monde et dans le système juridique international. Pourquoi pas ? Mais, alors que le président Macron a supprimé par décret le statut des diplomates français, en toute discrétion et sans aucune consultation ni des personnels du ministère des affaires étrangères, ni du Parlement, il y a bien d'autres sujets, s'agissant de l'influence de la France dans le monde, qui inquiètent notre groupe.
Revenons sur le fond du texte. Notre code de procédure pénale permet déjà l'exécution en France d'une peine prononcée par la CPI mais, en l'état actuel du droit, la mise en œuvre d'une telle coopération nécessite de négocier un accord chaque fois qu'il est question de désigner la France comme lieu d'exécution de la peine. Or, depuis sa création, il y a plus de vingt ans, la CPI a prononcé seulement cinq condamnations définitives. Cinq en vingt ans ! Aux termes de l'accord que nous examinons, douze pays seraient susceptibles d'accueillir les personnes condamnées. Au vu de ces éléments, un accord ad hoc chaque fois que la France serait désignée comme lieu d'exécution ne semble donc pas un acte totalement insurmontable.
De plus, il est précisé que l'entrée en vigueur de l'accord ne créera aucune obligation d'accueil d'une personne condamnée : il faudra une approbation explicite de la France et plusieurs critères seront pris en compte, tels que l'existence de places disponibles en détention. Mais, madame la secrétaire d'État, vu l'état déplorable de notre système carcéral et les très nombreuses promesses jamais tenues en ce domaine, y compris par votre gouvernement, ce point semble un obstacle tout à fait important à l'accueil de potentiels prisonniers.
Par ailleurs, je sais que l'objectif de l'accord n'est pas de créer de nouvelles qualifications criminelles, ce qui serait pourtant nécessaire. Devant l'explosion des filières de passeurs qui amènent des personnes à risquer chaque jour leur vie en Méditerranée, il serait intéressant d'amener la CPI à se pencher sur ces véritables trafics internationaux d'êtres humains avec l'aide complice d'ONG. Pour sanctionner ces pratiques assimilables à des crimes contre l'humanité, la France pourrait jouer moteur en encourageant l'adoption d'un nouvel amendement au statut de Rome, afin de permettre à la CPI d'établir toutes les responsabilités.
Pour conclure, je dirai que cet accord, très imparfait, ne correspond pas en tout point à notre vision de la coopération internationale sur les sujets de justice. Mais, étant donné sa portée symbolique et la faible chance que la France accueille un jour un détenu condamné, notre groupe s'abstiendra sur ce texte, qui ne sera probablement jamais appliqué dans notre pays.