Au groupe Socialistes et apparentés, nous sommes conscients de ne pas avoir abouti à des solutions satisfaisantes : nos propositions sont fragmentées et ne relèvent pas d'une vision globale. Je tiens néanmoins à énoncer les principes qui ressortent de nos débats ; certains correspondent à des lignes déterminantes pour la suite de la discussion en séance publique et pour le vote du texte.
Le marché seul, c'est la jungle. Il faut oublier cette option. Nous sommes dans une logique de planification, qui suppose une péréquation, pour prévenir les inégalités et les frustrations dont a parlé Mme Guetté. Il faut donc définir des espaces de péréquation. Trois nous paraissent pertinents.
Le premier est celui de la nation. La péréquation nationale peut se faire au moyen de diverses contributions et modulations tarifaires. Le présent projet de loi n'épuisera pas le débat à ce sujet ; les lois de financement de la sécurité sociale et la programmation pluriannuelle de l'énergie donneront l'occasion d'y revenir.
La péréquation peut aussi être territoriale : une communauté ou des groupes de communautés développent les énergies renouvelables et se partagent les bénéfices.
Enfin, la péréquation peut se faire à l'échelle des citoyens et des acteurs privés qui entrent au capital des projets et s'y intéressent. En l'espèce, notre modèle est celui de l'économie sociale et solidaire – et rien qu'elle ; il n'y a pas d'autre forme possible.
Selon moi, avec ces trois types de péréquation, on assurerait peu ou prou un équilibre. En revanche, nous sommes opposés à toute forme de retour pour les particuliers : c'est pour nous une « ligne rouge ». Ce serait n'importe quoi : le ferment de la jalousie, un nid à contentieux.
Comparaison n'est pas raison, Madame la ministre, le parallèle avec les réseaux de chaleur ou d'eau potable n'est pas fondé. Soyons sérieux, la proximité avec une source d'eau potable n'a jamais entraîné de réduction sur la facture d'eau ! C'est bien aux collectivités qu'il revient de percevoir le bénéfice des énergies renouvelables, puis de le redistribuer, le cas échéant, en tenant compte des villages ou des citoyens les plus affectés par une gêne visuelle ou le trafic des camions.
Par ailleurs, nous raisonnons comme si l'enjeu était le rendement de l'Ifer ou la rentabilité du capital. On oublie la rente foncière ! Considérons une circonscription législative moyenne de 100 000 habitants. D'après les chiffres de l'Ademe, dans une telle circonscription, environ 100 hectares de sols privés sont mobilisés par les énergies renouvelables, notamment par le photovoltaïque et l'éolien. Cela rapporte alors 3 000 euros l'hectare aux dix heureux propriétaires de ces sols ; la rente foncière s'élève donc au total à 30 000 euros. Or, avec 100 000 habitants, le retour par l'Ifer est seulement de 3 euros par habitant. La rente foncière est insupportable. Nous n'avons jamais abordé ce sujet majeur. Il faut rétablir le partage de la valeur, en repartant du sol.