Il ne nous appartient pas, en effet, de nous prononcer sur l'opportunité de cette proposition de résolution. Nous devons uniquement évaluer sa recevabilité au regard des trois conditions cumulatives prévues par les articles 137, 138 et 139 du règlement de notre assemblée et par l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
La proposition de résolution remplit la condition de recevabilité prévue à l'article 138, alinéa 1, puisqu'elle ne porte pas sur des faits sur lesquels une autre commission d'enquête aurait conclu ses travaux depuis moins d'un an.
Aux termes de l'article 139, une commission d'enquête ne saurait porter sur des faits qui font l'objet d'une procédure judiciaire. Le garde des Sceaux, en réponse à un courrier de la présidente de l'Assemblée nationale, ayant indiqué que le périmètre de la commission d'enquête envisagée était susceptible de recouvrir pour partie plusieurs procédures judiciaires en cours, il conviendra de ne pas faire porter les investigations sur des questions relevant de la compétence exclusive de l'autorité judiciaire. Je souligne ce point, car la rédaction quelque peu approximative de cette résolution ne doit pas mener au grand n'importe quoi.
L'article 137 du règlement, quant à lui, prévoit que les propositions de résolution « doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion. » Par ailleurs, l'alinéa 2 de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 prévoit que les commissions d'enquête sont formées pour recueillir « des éléments d'information […] sur des faits déterminés ». À cet égard, la rédaction du premier alinéa de l'article unique de la proposition de résolution appelle plusieurs remarques.
D'une part, les faits d'ingérence auxquels il est fait référence ne sont pas explicitement avérés. Leur existence suscite des doutes, puisqu'il est indiqué que la commission « sera chargée d'établir s'il existe des réseaux d'influence étrangers (…) ». L'incertitude qui entoure la réalité des faits sur lesquels la commission d'enquête devra conduire ces travaux, si elle peut en partie s'expliquer par la nature de l'objet, impliquera cependant de définir avec une grande rigueur le champ et la méthode des investigations.
D'autre part, le périmètre des travaux est particulièrement étendu. Dans l'article unique, les faits mentionnés renvoient à « des réseaux d'influence étrangers qui corrompent des élus, responsables publiques, dirigeants d'entreprises stratégiques ou relais médiatiques dans le but de diffuser de la propagande ou d'obtenir des décisions contraires à l'intérêt national. » L'intitulé de la proposition de résolution et l'exposé des motifs ne facilitent pas non plus la délimitation du périmètre, puisque les personnes physiques ou morales ciblées sont multiples – « États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées », mais encore « relais d'opinion, […] dirigeants, […] partis politiques » –, les actes et les comportements mentionnés nombreux et les matières diverses – diplomatie, politique économique et fiscale ou encore traités commerciaux.
La commission d'enquête devra donc circonscrire ses travaux à un cadre suffisamment délimité pour se conformer pleinement au règlement. J'ose la métaphore marine pour rappeler que les commissions d'enquête ne doivent pas être considérées comme des filets dérivants, jetés au hasard, au gré des vents et du courant, et dont on ignore à l'avance ce qu'ils pourront bien attraper. Si l'on devait procéder ainsi, cela ressemblerait à l'Inquisition, ce serait le règne du soupçon, et nous serions bien loin de l'esprit du règlement.
Sous ces réserves, de taille, je considère la proposition de résolution comme juridiquement recevable.