À l'heure où la France compte 4 millions de mal-logés, 2,2 millions de demandeurs de HLM, 77 000 ménages à reloger au titre de la loi Dalo, et alors que notre pays compte 3,1 millions de logements vides, votre texte se trompe de cible. Il eût été utile que la morale républicaine – évoquée par certains –, la solidarité et l'humanité inspirassent davantage ce texte et vos amendements.
Votre article 1er tend à durcir la répression contre les occupants dits sans droit ni titre et à aligner la peine encourue pour le délit de violation du domicile sur celle encourue par les propriétaires expulsant eux-mêmes les squatteurs sans le concours et la protection de la force publique et hors du cadre légal, en la portant d'un an à trois ans de prison et de 15 000 à 45 000 euros d'amende, alors même que ces infractions ne sauraient être considérées comme équivalentes, nonobstant l'avis du garde des sceaux.
Dans votre article 2 et les suivants, la confusion entre domicile et bien immobilier subsiste, malgré des amendements censés clarifier les choses, et pourrait malheureusement conduire à une augmentation démesurée et dangereuse du nombre d'expulsions administratives.
La loi actuelle, que le rapporteur a rappelée à plusieurs reprises, prévoit, en cas de squat d'un domicile ou d'une résidence secondaire, que la mise en demeure doit être prise par le préfet dans un délai de quarante-huit à compter de la réception de la demande d'expulsion. Si la mise en demeure n'est pas suivie d'effet, le préfet doit alors procéder sans délai à l'évacuation forcée du logement. Cette procédure fonctionne et, comme l'a également rappelé le rapporteur, sa rapidité et l'impossibilité pour les squatteurs de bénéficier d'un jugement ne se justifient que par l'atteinte à un bien très particulier : le domicile, le lieu de vie.
Quelle urgence impérative justifierait-elle l'extension de ce dispositif à tous les biens immobiliers, notamment des multipropriétaires ? Tant que seul le domicile était concerné, seuls les squatteurs pouvaient être visés par cette procédure, mais dès lors que tous les biens – meublés ou non, vides ou non –, sont visés, le risque que ces mesures expéditives concernent également les locataires rencontrant des difficultés à payer leur loyer grandit. Par définition, un locataire n'habite pas le domicile de son bailleur, mais l'un de ses biens immobiliers : cela a été rappelé, mais vous n'avez pas voulu l'entendre. La définition du domicile comme le lieu d'habitation effectif supposant, pour cette raison, une plus grande protection, tend à être vidée de son sens par votre proposition de loi.
J'ajoute que deux anciennes ministres chargées du logement, Mmes Cosse et Wargon, ont signifié leur opposition au texte initial. Lors de la discussion générale, les ministres eux-mêmes se sont inquiétés du manque d'équilibre de la proposition de loi. Or je ne suis pas certain que Mmes Cosse et Wargon soient désormais rassurées car, de notre point de vue, l'examen du texte n'a justement pas permis de le rééquilibrer. Son inspiration très libérale et punitive ne correspond ni à l'urgence sociale, ni à notre vision apaisée de la nécessaire cohésion sociale dans notre pays.
La concertation parlementaire, que les ministres et que le rapporteur ont saluée, n'a finalement réuni que les groupes de droite autour, je le répète, d'une logique punitive. À ce stade, votre proposition de loi nous paraît donc inutile et dangereuse.