Donnez-nous les noms alors ! Je reprends seulement ce qui est indiqué dans votre rapport. Nul ne doute que vous vous intéressiez au sujet depuis longtemps ; vous le dites suffisamment pour qu'on l'ait retenu. Pardon toutefois de vous dire que dans le cadre de la mission qui leur a été confiée, Mmes Chandler et Vérien – je rappelle d'ailleurs que ces deux parlementaires ont des sensibilités politiques différentes, Mme Vérien étant plus proche de vous – ont déjà auditionné quatre-vingts personnes. Comment pouvez-vous imaginer changer l'organisation des juridictions sans avoir consulté les conférences des magistrats, la Conférence nationale des premiers présidents, celle des procureurs généraux, celles des présidents, celle des procureurs de la République ?
Tout à l'heure, vous nous avez proposé de chambouler les juridictions administratives en un claquement de doigts ; vous le proposez de nouveau dans le cadre de cette proposition de loi, mais cette fois pour tout spécialiser.
Nous avons fait en sorte que le traitement des victimes soit effectué dans le même trait de temps et dans le même lieu, alors que vous, vous comptez les contraindre à de longs déplacements qui compliqueront considérablement la situation déjà dramatique dans laquelle elles se trouvent.
Vous évoquez les féminicides, mais la création d'une juridiction spécialisée influera-t-elle sur leur nombre ? En la matière, quand la justice est saisie, il est trop tard. Nous travaillons donc sur un autre volet, la prévention, afin que la justice intervienne avant que le drame ait eu lieu. Vous dramatisez une situation qui est déjà dramatique – nous en convenons tous –, pour en tirer argument en faveur d'une réforme des juridictions. Mais c'est un non-sens, ce n'est pas la création d'une juridiction spécialisée qui fera diminuer le nombre de féminicides !
Venons-en à l'Espagne, votre référence suprême, comme l'Allemagne l'était pour vos camarades tout à l'heure. Nous avons déployé le bracelet antirapprochement en trois fois moins de temps que les Espagnols – il nous a fallu trois ans quand il leur en a fallu dix.
Même si vous ne le dites jamais, il s'agit d'abord d'une question sociétale, celle de l'attitude générale des hommes envers les femmes. Puisque le nombre de féminicides était important en Espagne, le gouvernement espagnol est intervenu. Toutefois, en dépit des mesures qu'il a prises – et dont nous nous sommes inspirés, je vous rejoins sur ce point – il a fallu sept ans avant que les féminicides commencent à diminuer dans ce pays ; vous devriez le dire. Sept ans !