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Intervention de Marie-France Lorho

Séance en hémicycle du jeudi 1er décembre 2022 à 15h00
Juridiction spécialisée dans les violences intrafamiliales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-France Lorho :

Le nombre de femmes et d'hommes battus ou tués par leur conjoint augmente continuellement depuis des années. En 2020, on dénombrait 102 femmes victimes de ces violences. En 2021, elles étaient 122. Et, depuis le début de cette année, ce sont 120 femmes qui ont succombé sous les coups de leur conjoint. N'oublions pas les enfants qui, eux aussi, subissent ces violences. Des associations comme L'Enfant bleu enfance maltraitée constatent même que depuis 2019, les témoignages de maltraitance et les appels de victimes ont augmenté de 45 %. Aujourd'hui, un enfant est tué tous les cinq jours dans notre pays. Ces chiffres terribles rapportés par l'Unicef sont glaçants. Il est de notre responsabilité de prendre ces constats macabres à la hauteur de leur gravité et de proposer des solutions viables pour les victimes.

Nous débattons de la création de juridictions spécialisées aux violences intrafamiliales. Le texte que nous avons étudié en commission des lois n'était pas suffisant. Celui qui arrive en séance publique ne l'est pas non plus. Il prévoit, en somme, la création d'un étage supplémentaire dans le millefeuille administratif français, qui n'apporterait rien de concret ni de nouveau en faveur des victimes : créer une juridiction spécialisée pour les violences intrafamiliales relève surtout de l'habillage, puisque les acteurs du procès pénal resteraient les mêmes. Les mêmes greffiers, le même procureur, le même juge, les mêmes lois seraient mobilisés. La seule chose qui changerait, c'est l'appellation.

Je l'ai dit, dans sa version initiale, le texte présentait déjà des limites. Il proposait la création d'un nombre infime de juridictions spécialisées dans le ressort de chaque cour d'appel. Ainsi, une victime de violences conjugales ou infantiles à Fréjus aurait dû faire plusieurs heures de route pour contacter la juridiction spécialisée, installée à Aix-en-Provence ! Le texte prévoyait donc un éloignement considérable entre la justice et les justiciables. De plus, il était prévu que les juges spécialisés exerçant au sein de ces juridictions pourraient être remplacés par des magistrats sans spécialisation. La logique même du texte n'était ainsi pas respectée, car cette disposition enlève tout intérêt à la juridiction spécialisée. En commission, nous avions donc défendu un amendement de suppression de l'article 1er , qui instaure notamment les juridictions spécialisées.

Parce que nous sommes cohérents avec notre ligne politique et notre ambition de protéger les Françaises et les Français, nous avons également défendu des solutions pour améliorer le texte. Nous avons ainsi proposé que les juridictions spécialisées en question soient prévues dans tous les tribunaux judiciaires, ce qui aurait sensiblement rapproché la justice des ayants droit, qu'une fonction de juge spécialisé soit créée et que de tels magistrats soient présents dans tous les tribunaux judiciaires, par collège de trois. Au travers de ces amendements, nous avons cherché à corriger, à améliorer ce texte.

Nous n'étions et ne sommes toujours pas favorables à cette proposition de loi. Cependant, les amendements que M. le rapporteur a déposés sur sa proposition de loi après notre discussion collective en commission tendent à instaurer des mesures très proches de celles que nous proposions. Les députés du groupe Rassemblement national sont ravis de voir que leurs critiques ont payé et que les modifications nécessaires, quasiment calquées sur nos amendements, sont proposées par le rapporteur.

Si nous ne défendrons pas d'amendement de suppression sur ce texte dans l'hémicycle, nous répétons tout de même qu'il est urgent de procéder à une réforme profonde de la justice dans notre pays. Il est urgent de se doter de moyens humains et matériels supplémentaires. Les victimes de ces violences méritent des améliorations concrètes. Elles méritent des effectifs supplémentaires de police, une réduction des délais de traitement et d'application des mesures de protection. Elles méritent davantage de moyens d'alerte, comme les bracelets électroniques auxquels on a trop peu souvent recours actuellement.

Il est également indispensable de porter à 20 000 le nombre de magistrats en France. La demande n'est pas exorbitante, car cet effectif placerait notre pays dans la moyenne européenne en matière de nombre de magistrats par habitant. Les pistes sont nombreuses, les actes sont maintenant nécessaires. Si les amendements du rapporteur sont adoptés pendant la discussion, le groupe Rassemblement National votera pour ce texte.

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