La réponse est non, car votre proposition tend à créer un échelon supplémentaire de juridiction qui complexifiera encore l'action judiciaire et la rendra illisible pour les victimes comme pour tous les partenaires des juridictions. Vous affirmez, monsieur Pradié, que tout le terrain réclame cette mesure ; c'est faux !
Le texte promeut à mon sens une vision restrictive de l'action judiciaire limitée à la seule phase de l'instruction et de la condamnation, excluant de facto tout le champ de la détection des violences, qui est pourtant indispensable. Telle qu'elle est rédigée, cette proposition de loi complexifie encore le parcours des victimes. J'en donnerai un seul exemple : une fois l'ordonnance de protection prononcée par le juge spécialisé que vous souhaitez instituer, la victime devra se rendre au tribunal judiciaire de droit commun, devant un autre juge aux affaires familiales, pour obtenir un jugement de divorce au fond. Pensez-vous qu'il s'agisse d'un progrès ?
Enfin, le texte n'atteint pas l'objectif recherché d'une meilleure spécialisation : la composition de la juridiction spécialisée est illisible, notamment en cas de sous-effectif, où il faudra avoir recours à un magistrat non spécialisé. Si une juridiction comporte cinq magistrats dont trois sont spécialisés et que, parmi ces trois magistrats, deux sont indisposés, qui jugera les affaires ? Plus personne !