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Intervention de Aurélien Pradié

Séance en hémicycle du jeudi 1er décembre 2022 à 15h00
Juridiction spécialisée dans les violences intrafamiliales — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélien Pradié, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Autant dire que cette mesure n'est quasiment jamais appliquée. Telle est la véritable raison pour laquelle notre pays doit se doter d'une juridiction spécialisée. Nous n'avancerons pas davantage si nous ne disposons pas d'un tribunal spécialisé qui associe les pouvoirs du juge civil et du juge pénal. Nous avons besoin de magistrats spécialement formés, totalement dédiés à ces violences spécifiques, qui pourront agir vite et fort. La clé est là. Nous disposons d'outils pour mieux protéger, mais il nous manque l'essentiel : les acteurs qui les utiliseront plus largement. C'est l'objet fondamental de notre proposition de loi : nous proposons de confier à un tribunal spécialisé la mission de protection des femmes, des hommes et des enfants victimes de violences au sein de la famille. Ce tribunal sera présidé par un juge aux violences intrafamiliales spécialisé, formé à ce type de contentieux si singulier. Cette juridiction spécialisée s'appuiera sur des référents au sein de chaque parquet. Dans les faits, les procureurs connaissent déjà une spécialisation ; je proposerai donc que nous actions, dans la loi, leur mobilisation dédiée à la lutte contre les violences intrafamiliales.

Cette juridiction spécialisée sera d'abord une juridiction de proximité. Il est impératif qu'elle soit proche des justiciables : j'ai déposé un amendement pour prévoir la présence d'un tribunal des violences intrafamiliales au sein de chaque tribunal judiciaire. Une victime de violences conjugales ne doit pas avoir à parcourir 200 kilomètres pour se rendre au tribunal – c'était une préoccupation exprimée par plusieurs groupes politiques, et nous avons veillé à y répondre positivement.

Une juridiction spécialisée, c'est aussi une juridiction qui renforce la nécessaire formation des magistrats et leur périmètre d'intervention : je donnerai un avis favorable à un amendement déposé par le groupe Socialistes et apparentés sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, ainsi qu'à un amendement du groupe Écologiste – NUPES qui apporte des précisions sur la formation que doivent suivre les magistrats exerçant au sein des tribunaux spécialisés.

Lors de l'examen de la proposition de loi en commission, je vous ai dit, au nom du groupe Les Républicains et en mon nom personnel, notre volonté d'avancer avec intelligence : la gravité du sujet l'impose. Nous sommes plusieurs, dans cette assemblée, à mener inlassablement ce combat depuis de nombreuses années. Plusieurs propositions issues de différents groupes ont permis de préciser notre texte. Il a été rejeté en commission, sans véritable raison. Aussi, rappelons une dernière fois ce dont nous parlons : nous parlons de 102 femmes mortes depuis le premier jour de l'année 2022 ; nous parlons d'un retard important de la France ; nous parlons de la création d'un outil qui a fait ses preuves dans d'autres pays ; nous parlons d'un engagement pris par le Président de la République durant la campagne présidentielle ; nous parlons de la création d'une juridiction que vous-même, madame la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, avez appelée publiquement de vos vœux ; nous parlons d'un outil qui manque terriblement aux femmes, aux hommes, aux enfants et à la France pour mieux les protéger ; nous parlons d'une juridiction qui recueille l'assentiment général. Alors, pourquoi attendre ? Pourquoi s'y opposer ? Est-ce par dogmatisme, par sectarisme ou par fuite politique ? Je ne veux pas le croire, car le sujet est trop important. Détourner le regard, procrastiner, ce n'est pas manquer une occasion, c'est commettre une faute.

Nous ne pouvons plus attendre : avançons, votons ce texte, engageons la navette parlementaire et enclenchons le processus. Face au fléau des violences faites aux femmes et aux enfants, le plus grand danger est celui de l'habitude ; le plus grand danger, c'est de banaliser ; le plus grand danger, c'est de penser qu'on fait le maximum, alors qu'on n'agit que partiellement. Cette habitude, comme vous, je la refuse. Défendre la juridiction spécialisée que nous prônons, c'est combattre cette habitude et franchir une nouvelle étape qui n'est pas secondaire pour le pays. Ce débat et ce combat n'ont rien de secondaires : la création d'une juridiction spécialisée est l'essentiel de l'action que nous devons engager pour mieux protéger les femmes, les hommes et les enfants victimes de violences au sein de leur propre famille.

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