Vous donnez à votre machin un nom bien ronflant : la « Cour de sûreté de la République ». Vous vous donnez de grands airs, mais cette référence à la Cour de sûreté de l'État, juridiction d'exception instaurée pendant la guerre d'Algérie, est parfaitement déplacée – vous en conviendrez comme moi.
À cela s'ajoute un second effet de manche : vous dressez une liste de terroristes dans l'exposé des motifs du texte. L'odeur âcre se fait nauséeuse !
Chers collègues, ce texte est construit par juxtapositions, par raccourcis, sans faire en aucune manière la démonstration de son utilité.
Regardons les choses telles qu'elles sont. Notre droit prévoit trois types d'expulsions. La majorité d'entre elles sont prononcées à l'égard de personnes condamnées pour atteinte à l'intégrité physique, trafic de stupéfiants ou récidive d'infractions mineures.
Bien que les comportements liés à des activités terroristes représentent une infime partie des motifs d'expulsion, ils sont brandis ici pour justifier la réforme de l'ensemble du contentieux des expulsions.
Précisons d'ailleurs que les étrangers constituant une menace pour notre sécurité sont déjà expulsés, ou le seront après avoir purgé leur peine. La plupart du temps, leur expulsion a lieu selon une procédure dérogatoire dite d'urgence absolue, sans que les personnes concernées aient été entendues par la Commission d'expulsion, la Comex.
Leur éloignement effectif peut être immédiat et n'est pas subordonné, comme c'est le cas s'agissant des OQTF, au respect d'un délai minimal. En pratique, l'arrêté d'expulsion est notifié à la personne une fois qu'elle se trouve à bord de l'avion, de sorte qu'elle n'a pas le temps de former un recours. Dans l'hypothèse où la personne ne pourrait quitter immédiatement le territoire, elle est assignée à résidence, sans limite de durée. Quant au cas très spécifique d'une expulsion pour motif terroriste, si la personne est assignée à résidence, elle est, par surcroît, placée sous surveillance électronique mobile.
Vous le voyez donc, les outils existent déjà, et il en va de même sur le plan juridictionnel. L'idée selon laquelle la complexité du contentieux de l'expulsion freinerait l'exécution d'une expulsion est fausse. Ni la saisine des juges du fond, ni celle du Conseil d'État en cassation, n'autorise la suspension de l'exécution d'une expulsion. Seule l'activation d'une procédure d'urgence le permet, et ce de manière temporaire, dans des délais resserrés : en l'occurrence, quinze jours pour saisir le juge des référés.
Non contents de présenter un texte dénué de toute nécessité, vous faites passer les juges administratifs pour laxistes, en prétendant qu'ils feraient structurellement obstacle à l'exécution des expulsions. Vous leur reprochez de se « laisser distraire » – ce sont vos mots, cela a été pointé – par la recherche d'un équilibre entre la sauvegarde de l'ordre public et la protection de la vie privée et familiale, laquelle est pourtant consacrée par la Convention européenne des droits de l'homme – même si je sais que certains, sur ces bancs, n'en ont que faire.
Monsieur le rapporteur, vous avez choisi de marquer les esprits plutôt que de faire œuvre utile. Mais, par trop d'esbroufe et de simplification, vous êtes tombé bien bas dans l'approximation et le simplisme. Vous mettez en cause les juges et vous attaquez l'État de droit.