Tout à l'heure, j'entendais dire que la majorité avait fait beaucoup de choses pour l'hébergement d'urgence et citer, entre autres initiatives, le plan « logement d'abord ». Même si c'est très discutable puisque, cet hiver, vous avez supprimé 14 000 places d'hébergement d'urgence alors qu'il n'y a jamais eu autant de monde – y compris d'enfants – à la rue, admettons l'argument. Il reste que cela coûte tous les ans 2 milliards d'euros et qu'il n'y a pas cinquante solutions pour que ce budget baisse. Il n'y en a qu'une : réduire le nombre des expulsions locatives grâce à la prévention. Il ne faut pas attendre que les gens se retrouvent finalement à la rue, obligés, matin après matin d'appeler le 115 pour obtenir une des places d'hébergement disponibles durant trente à quarante-cinq minutes avant sept heures du matin – après, il n'y a plus rien et on doit passer la nuit dehors puis rappeler le lendemain matin.
On sait aussi que, même lorsque le 115 trouve une solution, il y en a pour des années avant qu'on puisse retrouver un véritable logement.
Le seul moyen d'éviter cela, c'est d'empêcher les expulsions. Elles avaient un peu diminué avec le confinement et la crise sanitaire, et nous comptons aujourd'hui à peu près 8 500 expulsions locatives par an. François Piquemal l'évoquait, toutes les associations qui ont pu évaluer un peu sérieusement les effets de votre texte estiment qu'il provoquera un triplement, voire un quadruplement du nombre des expulsions locatives.
Monsieur le rapporteur, savez-vous comment se passe une expulsion locative ? Vous expliquez depuis un moment que, pour résoudre le problème, il suffit que le locataire se manifeste, qu'on ne lui demande pas grand-chose, qu'il n'a en quelque sorte qu'à lever la main… En fait, quand vous commencez à ne plus payer votre loyer, il faut que le propriétaire le signale, ce qui prend souvent du temps. Il y a fréquemment ensuite quelques mois de dettes à payer et, comme l'expliquait Cyrielle Chatelain, le locataire cherche à se faire aider, il part quelques jours chez un ami. Sa situation devient intenable psychologiquement et il ne rentre plus chez lui. S'il rentre, il n'ose plus ouvrir son courrier ; il a la boule au ventre devant la boîte aux lettres.
Vous voyez bien que tout cela est long. Il peut s'écouler des mois avant que la situation soit prise en considération par le travailleur social et par le juge. Un…