Publié le 6 octobre 2022 par : M. Bayou, Mme Garin, M. Peytavie, Mme Rousseau, Mme Arrighi, Mme Belluco, M. Ben Cheikh, Mme Chatelain, M. Fournier, M. Iordanoff, M. Julien-Laferrière, Mme Laernoes, M. Lucas, Mme Pasquini, Mme Pochon, M. Raux, Mme Regol, Mme Sas, Mme Sebaihi, M. Taché, Mme Taillé-Polian, M. Thierry.
I. – À titre expérimental, pour une durée de trois ans, l’État peut autoriser sur le territoire de la Polynésie française la production, la fabrication, l’importation, le transport, l’exportation, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi et, d’une manière générale, les opérations agricoles, artisanales, commerciales et industrielles relatifs au cannabis et aux produits du cannabis dont la teneur en tétrahydrocannabinol n’excède pas un taux fixé par arrêté du ministre chargé de la santé.
II. – Les conditions de mise en œuvre de l’expérimentation sont définies par voie réglementaire. Elles précisent les modalités et l’encadrement de la production, de l’exploitation, de la vente et de la consommation de cannabis sur le territoire de la Polynésie française.
III. – Dans un délai de six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport portant notamment sur les résultats de l’expérimentation menée sur le territoire de la Polynésie française et sur une possible généralisation à l’ensemble du territoire national.
Cet amendement propose la mise en place, pour une durée de trois ans, d’une expérimentation visant à légaliser le cannabis sur le territoire de la Polynésie française.
Cet amendement s'inscrit dans la droite ligne de la proposition de loi relative à l’expérimentation de la régulation sociale du cannabis en Polynésie française présentée par le député Moetai BROTHERSON. La proposition de loi vise "à apporter des solutions plus sécurisantes pour enrayer la tendance à la consommation des plus jeunes et des consommateurs vulnérables" en Polynésie francaise qui fait face, tout comme la métropole, à des taux de consommations très élevés.
De manière générale, la légalisation de l’usage du cannabis récréatif est un moyen de reprendre le contrôle de son utilisation dans la population française et d’avoir les possibilités de mettre en place une réelle politique de prévention des risques à destination de l’ensemble de la population et plus particulièrement des mineur-e-s. Au même titre que l’alcool ou le tabac, les campagnes de prévention et de sensibilisation sont des outils de politique publique de la santé essentiels pour réduire les risques d’addiction et éviter des effets secondaires néfastes qui constituent une charge financière importante pour la Sécurité sociale.
La France a besoin de manière urgente d’une meilleure politique de santé relative au cannabis récréatif. Malgré une répression pénale forte, le taux d’addiction chez les mineur-e-s français-es de 14ans est la plus forte d’Europe. Un peu plus de 30% des moins de 16 ans ont déjà fumé selon un rapport de Santé publique France. D’après le rapport de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies de 2020, 45% des français-es âgés entre 15 à 64 ans ont consommé du cannabis au moins une fois dans leur vie. 21,8% des 15-34ans ont consommé dans les 12 derniers mois, ce qui en fait le taux le plus élevé d’Europe, bien loin devant les Pays-Bas avec 17,1% ou le Portugal avec 8%. Les niveaux de consommation observés sont très supérieurs à ceux mesurés dans le reste de l’Europe, en particulier chez les jeunes.
Les risques liés à la consommation du cannabis sont nombreux et ont été rappelés par l’Assemblée nationale dans le rapport d’étape sur le cannabis récréatif établi par la mission d’information commune sur la règlementation et l’impact des différents usages du cannabis, présidée par le député M. Robin REDA. Le rapport présenté par M Jean-Baptiste Moreau et Mme Caroline Janvier fait état d’un large consensus scientifique autour des effets néfastes du principe actif (THC). Les risques sont d’abord de l’ordre des troubles psychiatriques avec un risque accru de mener les consommateurs vers la schizophrénie, les troubles anxieux ou dépressifs. Au-delà de l’impact sur le cerveau des consommateurs, et en particulier des plus jeunes, la santé générale est également touchée avec des risques cardio-vasculaires : « la consommation de cannabis a un effet direct sur l’augmentation de la fréquence cardiaque, due à l’effet psychoactif du THC. Une augmentation immédiate du risque d’infarctus est désormais avérée, dans l’heure suivant la consommation » (page 77 du rapport d’étape). Ces effets néfastes sont d’autant plus inquiétants que la France cumule les records tant sur des niveaux de consommation élevées que sur l’usage problématique des plus jeunes : « Si, à seize ans, 4 % des jeunes européens seraient susceptibles de présenter un risque élevé d’usage problématique, cette proportion – la plus importante d’Europe) est presque deux fois plus élevée chez les jeunes Français (7,3 %) ». (page 53 du rapport d’étape).
Il est clair que la politique de répression choisie par la France pour prévenir et lutter contre les risques du cannabis est un échec. La pénalisation et les sanctions n’ont aucunement endigué la consommation de cannabis, en particulier chez les plus jeunes. Ces choix politiques datés ont mené à une situation que l’on peut résumer ainsi : la France s’est dotée de la politique pénale la plus répressive d'Europe et finit avec le taux d'addiction chez les mineurs parmi le plus élevé. Et c’est sans mentionner les impacts des trafics en matière de sécurité ou d’embolie des services publics de la justice et de la police.
Il est temps de doter la France d’une réelle politique de santé publique relative à l’usage du cannabis récréatif. La légalisation, telle que portée par cet amendement, est une réponse efficace et exhaustive au problème de santé publique que nous venons d’exposer. Les Français-es s’ont d’ailleurs majoritairement en faveur d’une telle action publique. L’enquête du rapport d’étape précité montre que 80,80% des répondants (177 175 participations) sont en faveur d’une légalisation de la consommation et de la production de cannabis (page 259 du rapport d’étape).
Même si cela parait contre-intuitif, la légalisation permet de protéger la santé mentale et physique des mineur-e-s. Avant 18ans, et au même titre que le tabac ou l’alcool, les enfants ne seront pas autorisés à consommer du cannabis. Ils pourront être accompagnés par des campagnes de sensibilisation et de prévention des risques déployées par la Sécurité sociale. A leur majorité, ils seront ainsi informés des risques et seront en capacité de consommer de manière raisonnée et raisonnable le cannabis récréatif avec l’ensemble des informations nécessaires à leur compréhension.
La légalisation permet aussi de contrôler la qualité sanitaire du produit et sa production. Le contrôle de la qualité est un élément majeur de santé publique puisque le marché informel vend des substances qui peuvent être frelatées, coupées avec d’autres produits dangereux voire toxiques. Leur dangerosité fait peser un risque très important sur la santé du consommateur.
La légalisation permet également de soulager le budget de la Sécurité sociale. La prise en charge des consommateurs de cannabis est un poids sur l’ensemble de notre système de santé : à long terme du fait des effets sur la santé psychique ou physique ainsi qu’à court terme par l’absorbation d’un produit frelaté ou toxique qui peut mener aux services d’urgences, déjà débordés. Les dépenses de la Sécurité sociale seront davantage maitrisées si notre politique de santé repose sur des campagnes de prévention et de sensibilisation, plutôt que sur la prise en charge des effets néfastes de la consommation du cannabis, en particulier sur les mineurs.
De plus comme au Colorado et de nombreux états des Etats-Unis où la légalisation a été instaurée, les recettes provenant de la vente du cannabis pourraient permettre d’abonder le financement de la Sécurité sociale pour le déploiement des politiques de prévention et de sensibilisation en la matière. C’est un cercle vertueux, tant en termes de santé publique que de finances publiques.
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