Publié le 15 octobre 2022 par : Mme Battistel, Mme Pires Beaune, M. Baptiste, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Hajjar, M. Naillet, M. Potier, M. Delautrette, les membres du groupe Socialistes et apparentés.
L’éligibilité aux aides, subventions et primes versées par l’agence mentionnée à l’article L. 321‑1 du code de la construction et de l’habitation pour le financement de travaux et dépenses en faveur de la rénovation énergétique des logements est subordonnée à la réalisation d’un gain énergétique minimal de 35 % et à l’atteinte de la classe D au sens de l’article L. 173‑1‑1 du même code. Les modalités d’évaluation et de contrôle du respect de cette obligation sont précisées par décret.
Le présent amendement des députés Socialistes et apparentés vise à rendre plus exigeantes, sur le plan de la performance énergétique, les conditions d’accès aux aides de l’Anah en matière de rénovation énergétique et notamment à MaPrimeRenov’, en imposant un gain énergétique minimal de 35 % et l’atteinte de la classe D pour les logements moins bien classés.
Avec 318 429 logements rénovés et 1,2 milliard d’euros d’aides distribuées au premier semestre 2022 (hors MaPrimeRénov Copropriétés et MaPrimeRénov Sérénité), le déploiement de MaPrimeRenov est un succès indéniable. Ce n’est cependant pas surprenant pour un programme accessible à la quasi-totalité des propriétaires, sans condition de gain énergétique minimal. Cette absence de conditionnalité a d’ailleurs un effet majeur sur le type de travaux financés.
Ainsi l’isolation n’a représenté que 21 % des travaux subventionnés soit à peine plus que l’acquisition de poêles à granulés (20 % des travaux subventionnés), les changements de mode de chauffage représentant au total près de 70 % des travaux subventionnés. Or, si ces évolutions de mode de chauffage contribuent certes à réduire la consommation énergétique des ménages et leurs émissions, elles sont beaucoup moins efficaces que l’isolation. En effet, selon l’ADEME, une isolation et une ventilation performantes contribuent à eux-seuls à réduire de 60 % la consommation énergétique en moyenne. Et même si on s’attache aux travaux d’isolation financés par l’Anah, ceux-ci concernent en premier lieu le remplacement des fenêtres dont le gain ne représente que 10 % à 15 % de consommation énergétique contre 25 % à 30 % pour l’isolation des combles et 20 % à 25 % pour celle des murs.
En outre, le bilan du 1er semestre 2022 publié par l’Anah fait apparaître une forte disparité dans la nature des travaux financés selon les revenus des ménages. Ainsi pour les ménages très modestes, modestes et intermédiaires, l’isolation des murs et toitures n’apparaît parmi les trois principaux gestes de rénovation réalisés. En revanche pour les ménages aux revenus supérieurs, il s’agit des deux principaux postes de travaux avant le changement de fenêtres. Ainsi seuls les ménages les plus aisés bénéficient des travaux les plus performants quand les autres catégories se retrouvent avec des travaux peu performants alors même que la précarité énergétique touche d’abord les ménages les plus modestes.
En outre, faute d’obligation de gains de performance énergétique, le dispositif se traduit essentiellement par la réalisation de mono-gestes. La Fédération française du bâtiment estime à seulement 3 % le nombre de rénovations financées avec MaPrimRenov’ comportant au moins 3 gestes de rénovation. Comment s’étonner alors que seulement 2 500 « passoires thermiques » aient perdu ce statut en 2021. L’objectif fixé par le Gouvernement était de 80 000... Avec 4.8 millions de passoires thermiques restantes en 2020, la tâche est immense.
Comme le relève la Cour des comptes, « MaPrimeRénov’ répond à des travaux simples et souvent uniques, tels que le changement de chauffage ou l’isolation de fenêtres, ce qui ne favorise pas le bouquet de travaux complémentaires qui permettrait souvent d’éliminer les passoires thermiques (logements en étiquettes F et G). »
En clair, la massification a échoué, c’est pourquoi nous proposons de changer de modèle et de devenir exigeants, en faisant en sorte que MaPrimeRenov devienne un véritable outil de rénovation énergétique, plutôt qu’un programme de saupoudrage permettant aux propriétaires, surtout aisés, de réaliser quelques travaux de confort.
Cet alignement est d’autant plus nécessaire qu’à l’inverse, le dispositif Habiter mieux sérénité (devenu MaPrimRenov’ sérénité) de l’ANAH impose lui un gain énergétique d’au moins 35 %, justifié par une évaluation énergétique (sauf pour les logements situés dans un département d’Outre-mer) et d’atteindre un niveau de consommation énergétique correspondant au moins à une étiquette D incluse. Alors que ce dispositif est réservé aux ménages modestes et très modestes le Gouvernement donne aujourd’hui le sentiment que la conditionnalité en matière de gain de performance s’applique aux pauvres mais que les riches peuvent se contenter de mono gestes sans contraintes en la matière.
Alors qu’en Île-de-France près d’un logement sur deux du parc privé serait interdit à la location à l’horizon 2034 en l’état actuel car disposant d’une performance énergétique inférieure à l’étiquette D, l’heure n’est plus à l’autosatisfaction de faire mieux qu’avant mais à l’urgence de décupler les efforts.
Il est donc urgent de réaligner ces exigences et de les étendre pour rendre cohérentes les différentes aides de l’Anah. Cet amendement s’accompagne d’amendements visant, en cohérence, à proposer une augmentation importante des crédits dévolus au programme pour des rénovations performantes et, pour les ménages modestes, avec zéro reste à charge.
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