Publié le 26 octobre 2022 par : M. Iordanoff, Mme Arrighi, Mme Batho, M. Bayou, Mme Belluco, M. Ben Cheikh, Mme Chatelain, M. Fournier, Mme Garin, M. Julien-Laferrière, Mme Laernoes, M. Lucas, Mme Pasquini, M. Peytavie, Mme Pochon, M. Raux, Mme Regol, Mme Rousseau, Mme Sas, Mme Sebaihi, M. Taché, Mme Taillé-Polian, M. Thierry.
L’article 1er de la loi n° 86‑187 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse est complété par les huit alinéas ainsi rédigés :
« Pour les entreprises éditrices de presse disposant de plus de 10 salariés, le bénéfice du dispositif des aides publiques à la presse est réservé aux seules entreprises qui satisfont aux conditions suivantes :
« 1° la création d’une gouvernance paritaire ;
« 2° la nomination du directeur ou de la directrice de rédaction par l’organe de gouvernance paritaire ;
« 3° l’agrément de l’organe de gouvernance paritaire pour tout transfert de titre entraînant un changement de contrôle au sens de l’article L 233‑3 du code du commerce ;
« 4° le respect des obligations de transparence prévues à l’article 6 de la présente loi ;
« 5° l’emploi salarié, parmi les effectifs, d’au moins 50 % de journalistes professionnels au sens de l’article L 7111‑3 du code du travail ;
« 6° un investissement conséquent dans la qualité de l’information rapporté aux bénéfices de l’exercice.
« Un décret précise les conditions d’application du présent paragraphe. »
Cet amendement propose de conditionner l'octroi des aides publiques directes à la presse à la mise en place, par les entreprises de presse candidates, de dispositifs favorisant l'indépendance de leur rédaction, la transparence de leur gouvernance, et la qualité de l'information produite. Il s'agit d'inciter les patrons de presse à partager le pouvoir avec ceux qui produisent l'information, à respecter leurs obligations de transparence introduites par la loi Bloche de 2016 et à réduire leurs marges au bénéfice d'un investissement conséquent dans la qualité de l'information.
En l'état actuel du droit, les conditions d'octroi des aides publiques à la presse sont définies par décret, de sorte que le Parlement ne dispose d'aucun pouvoir sur l'usage qui est fait de l'argent public. Or, de nombreuses études démontrent que cet usage n'est pas du tout satisfaisant : les subventions publiques accordées aux entreprises de presse favorisent, en effet, les plus grands groupes au détriment de la liberté, de l'indépendance et du pluralisme de la presse. Plusieurs rapports parlementaires pointent l'opacité d'un système qui, au lieu de soutenir l'innovation, favorise la constitution de véritables rentes. Le syndicat de la presse d'information indépendante en ligne (Spiil) dénonce une distorision de concurrence qui nuit gravement au pluralisme avec, sur 87 millions d'euros d'aides directes à la presse accordés en 2019, 49 millions d'euros, soit près de 56% versés à dix groupes. Le cas de Bernard Arnault, patron des Echos et du Parisien-Aujourd'hui en France, est particulièrement éloquent puisqu'il a reçu, en 2021, 16,1 millions d'euros d'aides publiques de l'Etat pour ses journaux.
Cette situation n'est pas acceptable. Le rapport de la commission d'enquête sur la concentration des médias, remis au Président du Sénat le 22 mars dernier, démontre que le régime actuel des aides publiques aux médias participe des processus qui nuisent à la liberté de l'information, alors qu'il s'agit d'une condition d'exercice de la démocratie qui mérite toute notre protection.
L'information est un bien public pour reprendre le titre de l'ouvrage de Julia Cagé et de Benoît Huet, dont s'inspire très largement cet amendement. Notre proposition reste toutefois bien modeste dans la mesure où elle ne concerne pas les aides publiques indirectes à la presse fixée en première partie de ce projet de loi de finances. Nous appelons bien évidemment à une refonte générale de toutes les aides publiques accordées à l'ensemble des médias.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.