Publié le 10 mai 2024 par : Mme Belluco, Mme Pochon, M. Fournier, Mme Arrighi, M. Ben Cheikh, Mme Chatelain, Mme Garin, M. Iordanoff, Mme Laernoes, M. Lucas-Lundy, Mme Pasquini, M. Peytavie, M. Raux, Mme Regol, Mme Rousseau, Mme Sas, Mme Sebaihi, M. Taché, Mme Taillé-Polian, M. Thierry.
Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Le cinquième alinéa du II de l’article L. 1 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « à », sont insérés les mots : « assurer la gestion durable, la valorisation et » ;
b) À la fin, sont ajoutés les mots : « , afin d’atteindre à compter du 1er janvier 2030, par rapport à 2023, une augmentation du linéaire de haies de 100 000 kilomètres et un linéaire de haies en gestion durable, au sens de l’article L. 611‑9 du présent code, de 450 000 kilomètres, et à compter du 1er janvier 2050, un linéaire de haies de 1,5 millions de kilomètres, géré durablement » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les documents de programmation stratégique nationale prévus par le droit de l’Union européenne et élaborés en vue de la mise en œuvre de la politique agricole commune sont compatibles et contribuent à atteindre les objectifs prévus par la stratégie définie à l’article L. 126‑6. » ;
3° Le chapitre VI du titre II du livre Ier est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Stratégie nationale de reconquête de la haie
« Art. L. 126‑6. – I. – Une stratégie nationale de reconquête de la haie, fixée par décret, définit la marche à suivre pour conduire la politique de gestion et de développement durables du linéaire de haies sur le territoire.
« Cette stratégie définit une trajectoire chiffrée et un plan d’action national afin d’atteindre les objectifs mentionnés au cinquième alinéa du II de l’article L. 1.
« Le plan d’action national définit des objectifs chiffrés en termes de plantations et des mesures en faveur du développement de la reconstitution de haies par régénération naturelle.
« Il définit également les mesures permettant d’atteindre une mobilisation, en 2030, de 3 millions de tonnes de matière sèche par an issues de haies gérées durablement au sens de l’article L. 611‑9 du présent code, en articulation avec la stratégie mentionnée à l’article L. 211‑8 du code de l’énergie.
« Il établit un inventaire des pratiques de gestion des haies favorisant leur bon état écologique ainsi que la liste des financements publics et des mesures destinés à la recherche, à la formation et au soutien des acteurs publics et privés et, en particulier, des exploitations agricoles, en vue d’atteindre les objectifs précités et notamment le développement de la gestion durable des haies au sens de l’article L. 611‑9 du présent code.
« Le plan national d’action est doté d’une instance de concertation et de suivi. Cette instance comprend notamment des représentants des filières et des organisations professionnelles concernées, des organismes publics intéressés, des représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements, des associations nationales de protection de l’environnement agréées, l’ensemble des organisations syndicales représentatives, des organismes nationaux à vocation agricole au sens des articles L. 820‑2 et L. 820‑3, des organismes de formation et de recherche compétents et des associations nationales de défense des consommateurs agréées. Sa composition est fixée par décret. Elle est présidée par les ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement.
« Cette stratégie est actualisée au moins tous les cinq ans. »
Les haies, dont les alignements d'arbres et les trames bocagères, constituent des éléments importants des continuités écologiques, et contribuent à la qualité de l'air, aux fonctionnalités écologiques des sols, au cycle de l'eau, et à la qualité paysagère.
Ils abritent également une biodiversité importante, source de résilience pour nos territoires et contribuent à apporter une réponse aux aléas climatiques, de plus en plus importants, violents et fréquents. Leurs bénéfices agronomiques (effet brise-vent, ombre et alimentation pour le bétail, lutte contre l'érosion, abri pour les prédateurs des nuisibles...) et services écosystémiques (stockage de carbone, régulation de l'eau, préservation de la biodiversité...) pour l'agriculture et la société ne sont plus à démontrer.
Autre bénéfice, le bois bocage est une ressource durable et locale, notamment en termes de bois énergie, potentiellement génératrice de revenus pour les agriculteurs. Cette ressource permet également une autoconsommation du bois sur l'exploitation, que ce soit en litière animale ou en bois énergie. Les haies, les alignements d'arbres et les trames bocagères constituent ainsi un formidable levier pour atteindre nos objectifs en matière de climat et de biodiversité, et permettent le développement du bois énergie durable, vertueux pour l'économie locale.
Malgré l'urgence à agir contre le changement climatique et leur caractère pourtant clairement indispensable, le rythme annuel de disparition des haies a plus que doublé en France entre 2017 et 2021.
La France a perdu 23 500 kilomètres de linéaire tous les ans au cours de cette période, contre 11 500 kilomètres par an entre 2006 et 2014, comme le constate le rapport « La haie, levier de la planification écologique », publié par le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER ) le 26 avril 2023.
Ce rapport appelle ainsi à remédier à ce constat alarmant de destruction du paysage agricole français malgré des programmes de plantation qui restent malheureusement marginaux face au phénomène : la politique de plantation permet de créer « environ 3.000 km » de haies par an mais une importante partie des haies replantées ne sont pas gérées et « l'agriculteur perçoit souvent la haie comme une charge nette directe liée à la plantation et à l'entretien, sans en voir les bénéfices ».
En effet, l'histoire des politiques publiques agricoles, marquée par le remembrement et par une Politique Agricole Commune longtemps défavorable à la haie les ont fait disparaître, ancrant cette mauvaise image de la haie auprès des agriculteurs. L'inversion de la tendance des politiques publiques depuis 30 ans reste encore insuffisante pour casser cette perception négative des haies qui persiste pour de nombreux agriculteurs.
Certaines régions travaillent à inverser la tendance. Comme la Bretagne, où le programme Breizh Bocage permet de créer et de restaurer des haies bocagères, en travaillant sur l'entretien des haies plantées, dans l'esprit des préconisations du CGAAER, qui estime que « si l'accent est souvent mis sur la création de nouvelles haies, il convient avant tout de mieux protéger le linéaire existant ».
Dès lors, replanter des haies sans s'attaquer sérieusement aux causes structurelles de leur destruction, et sans travailler à leur gestion durable revient au mieux à se donner bonne conscience, au pire à nuire à la bonne utilisation des finances publiques.
En réaction à ce constat alarmant, le ministère chargé de l'agriculture a lancé une concertation pour construire un Pacte en faveur de la haie pour nos territoires.
Selon le chiffrage de l'Afac-Agroforesteries, 250 millions d'euros par an pendant sept ans sont nécessaires pour répondre avec la filière aux objectifs de la Planification écologique. La crise écologique et climatique impose une réelle planification pour doubler le linéaire de haies d'ici 2050 et restaurer leur bon état écologique.
C'est dans ce contexte que s'inscrit la présente proposition de loi. Elle propose plusieurs mesures législatives visant à donner un niveau d'ambition suffisant au Pacte en faveur de la haie pour nos territoires, pour être à la hauteur des enjeux climatiques, de biodiversité, et de développement agricole et local portés par ce sujet. Il s'agit de définir un cadre législatif qui permettra d'apporter au-delà du réglementaire, de l'économique et du changement de comportement, un environnement incitatif au développement, à la gestion et la restauration des haies, les alignements d'arbres et trames bocagères.
Cet amendement prévoit d'inscrire dans la loi des objectifs chiffrés de développement et de gestion durable des haies, et d'établir, pour atteindre ces objectifs, une stratégie ainsi que l'élaboration d'un plan d'action national. Il prévoit également que le plan stratégique national prévu par l'Union européenne contribue à l'atteinte des objectifs fixés. Cette planification vient compléter et mettre en cohérence les actions qui se retrouvent partiellement ou totalement dans les différents dispositifs qui se sont progressivement mis en place au niveau des territoires : l'aide à la plantation de haie, l'appui à l'ingénierie et au montage de projets de plantations, les paiements pour services environnementaux, la stratégie biomasse, l'animation et l'information transversale du public, l'inscription dans les documents de stratégie ou de planification territoriale (schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDET), stratégie régionale pour la biodiversité), afin de mobiliser tous les atouts de la haie : climat, biodiversité, protection de la ressource en eau, énergie, résilience et performance de l'agriculture, développement des territoires.
Cet amendement est tiré des travaux réalisés par le sénateur Daniel Salmon.
Sur la recevabilité : cet amendement a été déclaré recevable en Commission des Affaires économiques (CE2458).
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