Publié le 10 mai 2024 par : Mme Manon Meunier, Mme Abomangoli, M. Alexandre, M. Amard, Mme Amiot, Mme Amrani, M. Arenas, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Bex, M. Bilongo, M. Bompard, M. Boumertit, M. Boyard, M. Caron, M. Carrière, M. Chauche, Mme Chikirou, M. Clouet, M. Coquerel, M. Corbière, M. Coulomme, Mme Couturier, M. Davi, M. Delogu, Mme Dufour, Mme Erodi, Mme Etienne, M. Fernandes, Mme Ferrer, Mme Fiat, M. Gaillard, Mme Garrido, Mme Guetté, M. Guiraud, Mme Hignet, Mme Keke, M. Kerbrat, M. Lachaud, M. Laisney, M. Le Gall, Mme Leboucher, Mme Leduc, M. Legavre, Mme Legrain, Mme Lepvraud, M. Léaument, Mme Pascale Martin, Mme Élisa Martin, M. Martinet, M. Mathieu, M. Maudet, Mme Maximi, M. Nilor, Mme Obono, Mme Oziol, Mme Panot, M. Pilato, M. Piquemal, M. Portes, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, M. Rome, M. Ruffin, M. Saintoul, M. Sala, Mme Simonnet, Mme Soudais, Mme Stambach-Terrenoir, Mme Taurinya, M. Tavel, Mme Trouvé, M. Vannier, M. Walter.
Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’opportunité d’une augmentation des moyens donnés aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, notamment des financements publics, pour éviter la concentration et l’accaparement des terres, prioriser l’accès au foncier de nouveaux agriculteurs porteurs de projets bénéfiques pour l’environnement et atteindre l’objectif du zéro artificialisation nette.
Cet amendement du groupe LFI-NUPES propose d'augmenter les moyens notamment d’origine publique pour les Safer (Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural) afin de favoriser l'installation d'agriculteurs aux projets alignés avec les exigences des transitions agroécologiques et climatiques.
Cette loi d’orientation doit être une opportunité d’installer de nombreux agriculteurs dans une démarche de production agricole favorable à l’environnement et à la biodiversité tout en les soutenant avec des outils de portage de foncier garanti par l’Etat.
En effet, pour satisfaire leurs missions, les Safer disposent d’un droit de préemption prévu par la loi n° 62-933 du 8 août 1962 complémentaire à la loi d’orientation agricole et codifié aux articles L. 143-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime. Ce droit permet d’acheter en priorité, dans les deux mois à compter de la notification d’une vente, un bien agricole ou rural pour le revendre à un agriculteur en vue de contribuer à son installation ou au maintien de son activité agricole. Les Safer peuvent également négocier avec des propriétaires l’acquisition de leurs biens à l’amiable. C’est d’ailleurs le mode opératoire principal des Safer : seulement 7 100 hectares ont été acquis par préemption en 2021 (soit moins de 10 % des acquisitions) alors que l’ensemble des acquisitions des Safer a concerné 109 300 hectares. Dans les deux cas, la Safer procède à un appel à candidatures pour l’attribution du bien et sélectionne l’attributaire en fonction de critères économiques, sociaux et environnementaux conformément à ses missions définies au I de l’article L. 141-1 du code rural et de la pêche maritime et aux critères déterminés par le Sdrea.
Par ailleurs, les Safer peuvent également intervenir sur le marché sociétaire. Ce marché est en plein essor depuis une quinzaine d’années : la mutation des titres de propriété des exploitations par la vente de parts de société s’est accélérée et est devenue un moyen de contourner le droit de préempter des Safer et d’échapper à leurs contrôles. En effet, les Safer ne pouvaient agir sur le marché sociétaire que de façon très limitée puisque leur droit de préemption ne pouvait s’y exercer. Depuis 2014, les Safer sont chargées d’assurer la transparence du marché et depuis 2021, de l’instruction des demandes d’autorisation des opérations sociétaires. En 2014, la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a introduit l’obligation de notifier aux Safer les cessions de parts ou d’actions de sociétés agricoles à titre onéreux en pleine propriété (7 600 notifications reçues en 2021 et 9 500 en 2022). Par ailleurs, la loi a attribué un droit de préemption aux Safer, dont elles peuvent user lorsque 100 % des parts de la société sont cédées. Ce nouveau droit de préemption est néanmoins facile à contourner avec des cessions partielles de droit. La loi n° 2021-1756 du 23 décembre 2021 portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires, dite « loi Sempastous », impose la télédéclaration des cessions de parts sociales et de toute opération donnant lieu à une modification du contrôle des sociétés possédant ou exploitant du foncier agricole, deux mois avant la date envisagée pour la cession ou l’opération. Elle instaure également une procédure d’autorisation administrative préalable de l’État lorsque l’opération conduit au dépassement d’un « seuil d’agrandissement significatif » en hectares pour le bénéficiaire (article L. 133-2 du code rural et de la pêche maritime).
Ainsi, dans un rapport publié en 2023, l’association Terre de liens exprime des doutes quant à l’efficacité de la loi dite « loi Sempastous ». Selon elle, les exemptions, le niveau de seuil de déclenchement du contrôle pour agrandissement significatif, les mesures compensatoires en cas de refus du préfet ou encore, l’impossibilité pour les Safer de vérifier la situation des demandeurs au regard du registre parcellaire graphique et du fichier des sociétés réduisent considérablement la portée de cette loi. Le rapport identifie un « accaparement » des terres agricoles par des entités sans agriculteurs mais reposant sur des salariés ou entreprises de travaux agricoles (800 hectares de terres agricoles pour Auchan ; entre 500 000 et 1 million d’euros l’hectare de terre payés par Chanel et L’Oréal). Selon le rapport, une ferme sur dix serait « financiarisée ». Ainsi, seuls 35 % des terres cultivées (9 millions d’hectares) appartiendraient aux agriculteurs qui les travaillent.
Cette accélération de la financiarisation des exploitations et la prise en compte aléatoire de la biodiversité dans les projets soumis aux Safer est très préoccupante. Les Safer devraient être en mesure de prioriser de manière systématique les projets d’installation agroécologiques présentant des bénéfices environnementaux. Il est donc nécessaire de procéder à une réforme des Safer afin de leur donner véritablement les moyens de prioriser les projets novateurs favorisant la préservation de l’environnement, et de leur permettre d’intervenir sur le marché des parts de société lorsque moins de 100 % des parts sociales d’une ferme sont cédées.
De plus, afin d’aider à l’atteinte des objectifs du « zéro artificialisation nette » (ZAN), il est également préconisé de renforcer les pouvoirs d’acquisition des Safer. En effet, les surfaces agricoles sont les premières impactées par l’artificialisation des sols et l’artificialisation est l’une des premières causes de l’effondrement du vivant. Conserver le rôle agricole et nourricier des terres est donc primordial. La régulation doit ainsi être contrôlée par un organisme comme les Safer qui a les connaissances nécessaires pour préserver l’intégrité des terres agricoles tout en permettant le développement et la pérennisation des exploitations agricoles.
Cet amendement correspond à l'une des 51 recommandations de la mission d'information sur les dynamiques de la biodiversité dans les paysages agricoles, dont le rapport a été approuvé par la commission du développement durable le 24 Janvier 2024.
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