Publié le 26 février 2024 par : M. Peytavie, Mme Rousseau, Mme Garin, M. Lucas, Mme Arrighi, M. Thierry, M. Bayou, Mme Belluco, M. Ben Cheikh, Mme Chatelain, M. Fournier, M. Iordanoff, Mme Laernoes, Mme Pasquini, Mme Pochon, M. Raux, Mme Regol, Mme Sas, Mme Sebaihi, M. Taché, Mme Taillé-Polian.
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa du I de l’article L. 162‑16‑4 est ainsi modifié :
a) La deuxième phrase est ainsi modifiée :
– les mots : « ainsi que » sont remplacés par le signe : « , » ;
– sont ajoutés les mots : « , de la sécurité d’approvisionnement du marché français que garantit l’implantation des sites de production ainsi que des informations mentionnées à l’article L. 162‑17‑4‑3 » ;
b) La dernière phrase est supprimée ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 162‑17‑4‑3 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Les entreprises mettent également à la disposition du comité économique des produits de santé les informations concernant l’état de la propriété intellectuelle, la liste des structures de recherches publiques et privées impliquées dans la découverte du principe actif et l’origine de leur financement, le montant de leurs dépenses annuelles en recherche et développement, le montant de leurs dépenses annuelles liées à la promotion des médicaments qu’elles exploitent ainsi que les informations relatives aux prix pratiqués, aux conditions de remboursement et aux volumes de ventes constatés dans les autres pays européens. Ces données sont rendues publiques dans le rapport annuel du comité économique des produits de santé. »
La principale justification des industriels à un prix élevé du médicament est le fort coût de recherche et développement (R&D) mis en œuvre pour pouvoir développer un nouveau médicament. Or, comme le rappelle l’Assurance maladie dans son rapport « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses », une part non négligeable des dépenses de R&D provient de financements publics, et le manque de transparence rend difficilement distinguable la part des investissements publics et privés pour le développement d’une nouvelle molécule. Cela « rend plus difficile encore l’évaluation du fondement des demandes de prix avancées par les industriels ».
En cohérence avec la résolution sur la transparence du marché des médicaments, vaccins et produits de santé votée par la France à l’Assemblée Mondiale de la Santé en mai 2019, cet amendement propose de renforcer la transparence dans le domaine du médicament. Il vise à obliger les laboratoires, au-delà d’un certain niveau de prix revendiqué pour le médicament, à transmettre au CEPS les informations concernant l’état de la propriété intellectuelle, la liste des structures de recherches publiques et privées impliquées dans la découverte du principe actif et l’origine de leur financement, le montant de leurs dépenses annuelles en recherche et développement, le montant de leurs dépenses annuelles liées à la promotion des médicaments qu’elles exploitent ainsi que les informations relatives aux prix pratiqués, aux conditions de remboursement et aux volumes de ventes constatés dans les autres pays européens. Cet amendement propose également que les négociations sur les prix des médicaments prennent systématiquement en compte ces informations.
Aujourd’hui, dans le marché du médicament, l’opacité est une ressource : au nom du secret industriel, il est impossible de savoir quelles sommes ont été investies pour la recherche, les essais cliniques, la mise sur marché ou encore le marketing. Une aubaine pour les industriels puisqu’en résultent des prix très élevés, sans qu’il soit possible pour la représentation nationale et la société civile de déterminer ce sur quoi ils se fondent.
La transparence n’est pas uniquement une mesure de bonne gestion des fonds publics. Elle est aussi une mesure de santé publique. En contraignant les acteurs privés, largement dépendants des financements publics ou du moins socialisés, à apporter un certain nombre d’éléments sur les conditions financières, cliniques et relatifs à la propriété intellectuelle, la France et les acteurs de santé se donnent la possibilité de trancher en pleine connaissance sur leurs choix en matière de santé et à combler l’asymétrie informationnelle dans laquelle, parfois au nom de la défense d’intérêts industriels, ils se placent volontairement.
Cet amendement envisage ainsi d’apporter une réponse à l’une des causes structurelles de la pénurie de médicament : le manque de transparence sur les dépenses effectivement engagées par les entreprises pharmaceutiques, qui vient ensuite parasiter la fixation des prix des médicaments. Comme le rappelle le rapport du Sénat « Pénurie de médicaments : Trouver d’urgence le bon remède » de juillet 2023, l’explosion -injustifiée- des prix des thérapies innovantes a mené à une baisse des prix sur les produits matures, dans un contexte d’enveloppe dédiée aux médicaments contrainte. Appeler à davantage de transparence sur les dépenses effectives de recherche et développement est nécessaire afin de faire du prix négocié avec les industriels un outil de sécurisation de l’approvisionnement des médicaments, en particulier des médicaments essentiels et en proie à des ruptures fréquentes.
A cet effet, cette disposition complémentaire pourrait ainsi trouver sa place dans le dispositif, dès lors qu’elle présente un lien, même indirect avec le texte. Si la notion de lien indirect n’est pas strictement définie par le Conseil constitutionnel, le contrôle qu’il exerce s’explique par l’exigence de la sincérité du débat parlementaire et de la cohérence législative. Ce nécessaire contrôle est ainsi justifié et légitime tant qu’il est appliqué avec sérieux et raison. L’article 45 ne peut pas, au contraire, être utilisé dans le but de limiter excessivement le débat parlementaire, d’écarter des remarques légitimes sur un projet de loi ou une proposition de loi ou d’esquiver un débat pertinent.
Tel est l’objet du présent amendement, issu d’une proposition déposée lors de l’examen du PLFSS 2024.
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