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Proposition de loi N° 2062 visant à lutter contre les pénuries de médicaments

Amendement N° AS44 (Tombe)

Publié le 9 février 2024 par : M. Peytavie, Mme Rousseau, Mme Garin, M. Julien-Laferrière, Mme Arrighi, M. Thierry, M. Bayou, Mme Belluco, M. Ben Cheikh, Mme Chatelain, M. Fournier, M. Iordanoff, Mme Laernoes, M. Lucas, Mme Pasquini, Mme Pochon, M. Raux, Mme Regol, Mme Sas, Mme Sebaihi, M. Taché, Mme Taillé-Polian.

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II. – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation du présent article. Ce rapport évalue la pertinence des mesures proposées pour apporter une réponse efficace aux épisodes de pénurie et garantir l’accès aux soins à la population. Il évalue la possibilité de créer un pôle public du médicament, rattaché au ministre chargé de la santé et chargé déterminer la politique publique en matière de recherche publique, de relocalisation de la production, d’approvisionnement et de fixation des prix du médicament, en tenant compte des critères sociaux et environnementaux.

Exposé sommaire :

« J’ai été obligé de donner un sirop pour enfant à un homme de 45 ans, c’est vraiment du bricolage »

Ces mots d’un pharmacien en détresse exerçant dans le Lot font un bien triste écho à la situation d’urgence sanitaire à laquelle nous faisons face de façon exponentielle ces dernières années.

En 2023, plus de 4925 risques de pénurie ou rupture d’approvisionnement ont été signalés auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), contre 3761 signalements en 2022 et 2160 en 2021.

Ces pénuries, dont les industriels pharmaceutiques sont les premiers responsables, sont aujourd’hui devenues monnaie courante et concernent toutes les pathologies.

Si ces tensions en approvisionnement se font ressentir depuis plus de dix ans déjà, la crise du coronavirus a révélé la vulnérabilité de notre système de santé face à sa capacité à pouvoir garantir l’accès plein aux médicaments et aux dispositifs médicaux.

Comment la patrie de Pierre et Marie Curie en est-elle arrivée là ?

Le rapport issu de la commission d’enquête du Sénat met en cause la vulnérabilité de notre pays face à des industriels qui ont délocalisé massivement leur production en Asie pour générer des coûts de production moins importants. Aujourd’hui, 40 % des médicaments vendus dans l’Union européenne sont produits en dehors du continent. 60 % à 80 % des principes actifs pharmaceutiques sont produits en Chine et en Inde.

Cette externalisation de la production des médicaments à l’étranger n’a pourtant pas empêché les entreprises pharmaceutiques de bénéficier massivement des aides publiques françaises. Sanofi, malgré les 1,3 milliard d’euros perçus au titre du CIR ces 10 dernières années, a ainsi non seulement été incapable de trouver un vaccin à temps contre le coronavirus mais a également licencié 400 chercheurs et chercheuses. Pourtant, le montant des dividendes versés à ces actionnaires a, à nouveau, augmenté en 2022 pour atteindre 4.4 milliards d’euros.

Les entreprises pharmaceutiques dictent non seulement leur tempo en matière de distribution des médicaments mais également au moment de fixer un prix d’achat par la Sécurité Sociale.

Comme le révèle Rozenn Le Saint dans « Chantage sur ordonnance. Comment les labos vident les caisses de la Sécurité Sociale », pour une seule dose du médicament Zolgensma, un traitement contre l’amyotrophie spinale vendu par Novartis, la Sécurité Sociale débourse la somme de deux millions d’euros. Ce traitement, le plus cher de France, a pourtant été conçu par des équipes du Généthon, un laboratoire financé par de l’argent public. Malgré des millions d’euros économisés grâce au crédit d’impôt recherche, l’entreprise Novartis ne s’est contenté ici que de racheter le traitement au laboratoire.

Cette opération de racket à grande échelle table sur la détresse des patients et des familles pour négocier à des prix indécents des médicaments considérés comme « innovants » grève chaque année un peu plus notre budget. Mais surtout, elle constitue une menace directe sur l’accès plein de la population aux médicaments essentiels. Le manque de régulation du secteur du médicament est directement responsable de ces tensions en matière d’approvisionnement, les industriels imposant à la population leur tempo en matière de distribution selon leurs intérêts financiers, au détriment de l’intérêt général et des besoins de santé.

Nous devons tirer leçon d’un mode de régulation du marché du Gouvernement qui fait la part belle aux intérêts financiers des industries pharmaceutiques. Alors que selon le rapport de l’Assurance Maladie pour 2024 les dépenses de médicaments de l’enveloppe « ville » s’élèvent à 29 milliards en 2022 et ont progressé de 2,2 % en moyenne depuis 2017, nous devons mettre fin à une gestion privée du marché du médicament et réorienter notre politique du médicament vers un objectif : celui de garantir notre souveraineté sanitaire afin d’assurer l’accès aux soins pour toutes et tous.

Dans cette optique, nous appelons donc à créer un pôle public du médicament, seul garant possible de cette indépendance. Ce pôle, rattaché au Ministère de la Santé, permettra d’organiser la relocalisation des médicaments afin de freiner notre dépendance à un marché international extrêmement volatile, et polluant, et d’abord guidé par la recherche du profit. Tout en intégrant pleinement une logique de sobriété énergétique, il garantira également un approvisionnement permanent des médicaments en particulier des médicaments « matures » délaissés par les industriels car peu rentables mais pourtant essentiels. Enfin, ce pôle public du médicament sera chargé de réorienter les millions dépensés chaque année dans des crédits d’impôt recherche, véritable niche fiscale pour les industriels, vers un financement de la recherche publique, d’abord tournée vers l’intérêt général.

Par cet amendement, le groupe Écologiste propose ainsi de se saisir de l’examen de cette proposition de loi pour entamer au plus vite une réflexion sur la création de ce pôle public du médicament pour mettre fin à une gestion privée du marché du médicament et réorienter notre politique du médicament vers un objectif : celui de garantir notre souveraineté sanitaire afin d’assurer l’accès aux soins pour toutes et tous.

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