Publié le 23 novembre 2023 par : Mme Élisa Martin, Mme Abomangoli, M. Alexandre, M. Amard, Mme Amiot, Mme Amrani, M. Arenas, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Bex, M. Bilongo, M. Bompard, M. Boumertit, M. Boyard, M. Caron, M. Carrière, M. Chauche, Mme Chikirou, M. Clouet, M. Coquerel, M. Corbière, M. Coulomme, Mme Couturier, M. Davi, M. Delogu, Mme Dufour, Mme Erodi, Mme Etienne, M. Fernandes, Mme Ferrer, Mme Fiat, M. Gaillard, Mme Garrido, Mme Guetté, M. Guiraud, Mme Hignet, Mme Keke, M. Kerbrat, M. Lachaud, M. Laisney, M. Le Gall, Mme Leboucher, Mme Leduc, M. Legavre, Mme Legrain, Mme Lepvraud, M. Léaument, Mme Pascale Martin, M. Martinet, M. Mathieu, M. Maudet, Mme Maximi, Mme Manon Meunier, M. Nilor, Mme Obono, Mme Oziol, Mme Panot, M. Pilato, M. Piquemal, M. Portes, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, M. Rome, M. Ruffin, M. Saintoul, M. Sala, Mme Simonnet, Mme Soudais, Mme Stambach-Terrenoir, Mme Taurinya, M. Tavel, Mme Trouvé, M. Vannier, M. Walter.
L’article L. 512‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Une menace grave contre sa santé, sa vie, sa personne ou son droit à une existence digne en raison d’une dégradation environnementale, soudaine ou graduelle, liée à des phénomènes naturels ou à l’activité humaine ou à des effets des changements climatiques, qui peuvent s’étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle. »
Cet amendement vise à ajouter un quatrième motif pour l’octroi de la protection subsidiaire en France et concernant les réfugiés climatiques.
En effet, à l’heure où les défaillances des politiques mondiales et nationales de lutte contre le changement climatique nous mènent de manière de plus en plus évidente vers un scénario de réchauffement mondial supérieur à 2,5°, accepter de considérer les bouleversements climatiques et environnementaux qui l’accompagnent comme des motifs de départ légitimes recouvre une nécessité impérieuse.
Le présent amendement s’inscrit ainsi en cohérence des alertes émises depuis plusieurs années par les ONG, telles qu’Amnesty international, ou par les Nations Unies. Ainsi, dans sa résolution portant création du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières adopté à Marrakech en 2018, l’Assemblée générale a elle-même évoqué pour la première fois le changement climatique comme un motif de départ forcé. L’Ofpra, établissement public qui dispose d’un regard à 360° sur la nature des motifs de départ des demandeurs d’asile en France, via le recueil de leurs récits, a par ailleurs déjà reconnu de manière épisodique que les victimes de dégradation de l’environnement figurent comme un groupe social distinct parmi ces demandeurs.
Les données dont nous disposons tendent à confirmer ce triste constat. La Banque mondiale prévoit par exemple que 216 millions de personnes pourraient devenir des migrants climatiques internes d'ici à 2050. En outre, l’Internal Displacement Monitoring Center (IDMC) a montré qu’en 2022, les déplacements en raison de catastrophes naturelles ont augmenté de 41% par rapport à la moyenne annuelle des dix années précédentes. Si de tels déplacements sont encore essentiellement internes, ils recouvrent depuis plusieurs années une dimension transfrontalière et internationale en raison de l’aggravation de ces phénomènes, qui fragilisent désormais des régions entières du globe. D’où la nécessité de systèmes d’asile adaptés et de politiques d’accueil dignes.
En dépit de ce sombre tableau, le droit d’asile français ne comporte aucune mention du facteur climatique ou environnemental, et ne peut donc justifier à lui seul aucune protection à ce jour. La nécessité d’intégrer ce critère est pourtant reconnue de manière croissante au niveau international. Ainsi, le Comité des droits de l’Homme de l’ONU a rendu un avis historique en janvier 2020, concluant que les personnes fuyant les effets du changement climatique et des catastrophes naturelles ne devraient pas être renvoyées dans le pays d’origine si leurs droits humains fondamentaux sont menacés, et particulièrement le droit à la vie. En outre, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a considéré en 2019 que « l’absence de définition juridiquement contraignante internationale des « réfugiés climatiques » n’empêche pas d’élaborer des politiques spécifiques visant à protéger les personnes obligées de se déplacer en raison du changement climatique (…) ». Surtout, l’Assemblée a appelé les États-membres « à anticiper les travaux au niveau international par l’élaboration d’une législation nationale qui reconnaîtrait les migrants environnementaux et leurs besoins en matière de protection non seulement par le principe de non-refoulement (…) mais aussi par une protection subsidiaire ».
Parmi nos voisins européens, certains comme la Suède et la Finlande ont un temps élargi leur régime de protection subsidiaire, en prévoyant un mécanisme de protection pour les personnes fuyant une catastrophe écologique ou naturelle. Plus récemment, en 2021, les juges de la Cour de cassation italienne ont tenu compte, au sujet d’une demande de protection humanitaire, des conditions environnementales et notamment celles dans lesquelles les ressources naturelles sont soumises à une exploitation non durable dans le pays d’origine. Élargir le régime de protection subsidiaire en France apparait alors comme une mesure cohérente, dans la continuité d’une prise de conscience générale des Etats européens et des organisations internationales.
Il parait impératif et urgent de reconnaitre que les catastrophes naturelles et changements climatiques et environnementaux créent de la souffrance humaine, menaçant aussi bien la santé, que la vie ou le droit de mener une existence digne de l’individu, le contraignant dans de nombreux cas à se déplacer. Le présent amendement s’inscrit, de ce point de vue, dans le souci de respecter les droits humains, comme le droit à la vie ou encore le droit à disposer d’un environnement propre, sain et durable (reconnu comme tel par les Nations Unies en 2021). Pour toutes ces raisons, nous proposons d’ajouter ce quatrième critère parmi les motifs justifiant l’octroi de la protection subsidiaire.
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