Publié le 13 octobre 2023 par : M. Fournier, Mme Pochon, M. Peytavie, Mme Rousseau, Mme Garin.
I.- A compter du 1er janvier 2024, et pour une durée de trois ans, l’Etat peut autoriser dans cinq départements au plus une expérimentation visant à instaurer une sécurité sociale de l’alimentation dans le cadre de la lutte contre la précarité alimentaire mentionnée à l’article L266-1 du code de l’action sociale et des familles. Elle doit remplir les critères suivants :
1° Nombre de bénéficiaires compris entre 300 et 500 habitants
2° Mise en place d’un système de cotisation libre allant de 1€ à 150€ et d’une allocation d’un équivalent monétaire de 150€ redistribuée à tous les bénéficiaires
3° Mise en place d’une caisse locale de sécurité sociale de l’alimentation
4° Mise en place d’un système de conventionnement des réseaux de distribution à partir de critères de production, de transformation et distribution de l’alimentation fixés préalablement par une partie des bénéficiaires. Ces entités conventionnées peuvent inclure des agriculteurs, des transformateurs, des restaurateurs, ou des distributeurs.
II. La caisse locale de sécurité sociale de l’alimentation peut déroger temporairement aux dispositions sur la passation de marchés publics prévue à l’article L.111-1 du code de la commande publique ainsi qu’aux dispositions sur les aides économiques prévues à l’article L.1511-2 du code général des collectivités territoriales.
II. L’expérimentation est mise en place avec le concours financier de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale et d'organismes publics et privés volontaires.
III. – Jusqu’au 31 mars 2024, les collectivités territoriales volontaires peuvent présenter leur candidature à l’expérimentation prévue par le I de cet article. Elles joignent à cette délibération un dossier décrivant les expérimentations envisagées, les objectifs poursuivis, les résultats attendus, les dispositions législatives et réglementaires auxquelles ils entendent déroger ainsi qu’un protocole d’évaluation. La liste de ces communes est arrêtée par le ministre des solidarités et des familles au plus tard le 30 avril 2024.
IV. Au plus tard douze mois avant le terme de l'expérimentation, un comité scientifique réalise l'évaluation de l'expérimentation afin de déterminer les bénéfices d’une éventuelle reconduction. Son rapport évalue notamment les effets de l'expérimentation sur l’insécurité alimentaire parmi les participants, l’évolution des comportements alimentaires, et le coût pour les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les organismes mentionnés au II du présent article, par comparaison avec les coûts liés aux dispositifs classiques d’aide alimentaire. Les membres du comité scientifique sont nommés par arrêté du ministre chargé des solidarités et des familles. Ils siègent à titre bénévole.
V. La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
VI. La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Cet amendement vise à permettre l’expérimentation de dispositifs de sécurité sociale de l’alimentation (SSA) dans la continuité des dispositifs déployés par plusieurs communes françaises.
En France, la précarité alimentaire est en nette augmentation. Dans un contexte de forte inflation, 16% des Français déclarent ne pas avoir toujours à manger selon les résultats d’une étude du Crédoc menée en novembre 2022.
L'aide alimentaire en France (et en Europe) est la réponse principale à l'insécurité alimentaire, mais elle présente de nombreuses lacunes. Une personne sur deux en précarité alimentaire n’y a pas recours. Par ailleurs, la couverture qu'elle offre aux bénéficiaires est partielle, en moyenne seulement 40% de leurs besoins caloriques. Cette aide est également distribuée de manière inégale en raison de la multitude de structures associatives impliquées, chacune ayant son propre mode de fonctionnement. Enfin, il est important de prendre en compte le sentiment de honte éprouvé par les bénéficiaires, ce qui constitue une explication importante du non-recours.
Si le droit à l’alimentation existe, comme le précise le « Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux, et culturels » ratifié par tous les pays dont la France, il ne se résume pas au droit de recevoir des aliments. Le pouvoir de choisir son alimentation, sans simplement recevoir ce que les autres ne veulent pas, est une question de dignité et un vecteur de lien social essentiel. De plus, c’est un enjeu de santé publique. De nombreux ménages aux budgets alimentaires limités ne peuvent réellement choisir leur alimentation et dépendent d’une nourriture de mauvaise qualité issue de l’agro-industrie dont la mainmise sur l’ensemble de la chaîne agro-alimentaire broie l’agriculture paysanne et freine le développement des circuits courts et durables.
L’accès universel à des produits de base de qualité, indépendamment des conditions de revenus, l’assurance de prix rémunérateurs pour les producteurs, la transformation de la production agricole vers des pratiques plus durables, la reconstruction de filières agricoles souveraines à l’échelle des territoires, forment autant d’enjeux qui ont donné lieu à la mise en œuvre d’une sécurité sociale de l’alimentation.
En réponse à la vulnérabilité de notre système alimentaire, le projet SSA a séduit des communes comme Lyon, Bordeaux, Paris ou Montpellier, qui ont expérimenté des dispositifs d’accompagnement pérenne des bénéficiaires. A Montpellier, une caisse alimentaire commune a été élaborée démocratiquement par les habitants et plus d’une vingtaine d'associations implantées sur le territoire. Le principe est simple : chaque participant cotise librement, chaque mois, selon ses moyens, de 1 à 150 euros, et reçoit en retour une allocation alimentaire de 100 euros par mois, utilisable dans des commerces conventionnés. 350 citoyens ont été sélectionnés pour participer à cette expérimentation. La somme reçue pourra ainsi être utilisée dans des réseaux de distribution conventionnés, et choisis démocratiquement par la Caisse, pour des produits alimentaires locaux et issus de l’agriculture paysanne. En parallèle, les bénéficiaires sont accompagnés durablement par des associations.
Cet amendement vise à rappeler l’engagement des écologistes pour une démocratie alimentaire. Nous attirons l’attention des parlementaires sur la nécessité de pérenniser le déploiement de ces dispositifs, en accompagnant juridiquement, logistiquement et financièrement les territoires volontaires dans l'expérimentation d’une sécurité de l’alimentation. Ces expérimentations, soutenue par de nombreux collectifs nationaux (Civam, Confédération paysanne, Territoires à vivre…) et évaluées par des chercheurs et des universitaires, permettront d’éclairer la décision publique et de contribuer au débat national sur les solutions d’accès à une alimentation durable et de qualité.
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