Publié le 20 octobre 2023 par : Mme Louwagie, Mme Bonnivard, M. Fabrice Brun, M. Brigand, M. Hetzel, M. Kamardine, M. Viry, M. Bourgeaux, Mme Corneloup, Mme Genevard, M. Dubois, M. Boucard, les membres du groupe Les Républicains.
Après l’article L. 253‑3 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 253‑3‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 253‑3‑1. – Le ministre chargé de la santé est autorisé à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Suivi sanitaire et financier de l’aide médicale de l’État » ayant pour finalités le suivi des conditions d’accès, les soins dispensés, la lutte contre les tentatives de fraude et la lutte contre la fraude à l’aide médicale de l’État.
« La nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l’aide médicale de l’État et les pathologies prises en charge au titre de ce dispositif figurent parmi les données recueillies. Les données ainsi collectées sont rendues anonymes sauf lorsque leur usage vise à lutter contre une fraude, suspectée ou avérée, à l’aide médicale de l’État. Lorsque ces données sont collectées par l’intermédiaire d’un professionnel de santé, le secret médical n’est pas opposable.
« Chaque année, avant le 1er octobre, le ministre chargé de la santé remet au Parlement un rapport exposant les données ainsi recueillies, les mesures mises en œuvre sur ce fondement, le résultat des actions engagées et leur incidence sur les finances publiques.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce décret précise, notamment, la durée de conservation et les conditions de mise à jour des données à caractère personnel et des informations enregistrées, les catégories de personnes pouvant y accéder et les modalités d’habilitation de celles-ci ainsi que, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leurs droits. »
Cet amendement vise à autoriser le ministre chargé de la santé à mettre en œuvre un traitement automatisé de données ayant pour finalités le suivi des conditions d’accès, les soins dispensés, la lutte contre les tentatives de fraude et la lutte contre la fraude à l’aide médicale de l’État. Ce nouveau traitement automatisé de données permettrait de combler certaines lacunes observées dans le suivi des dépenses et des soins de l’AME. Ainsi, à l’heure actuelle :
- La nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l’aide médicale de l’État n’est pas recueillie par l’assurance maladie ;
- Il n’existe pas de donnée publique rendant finement compte des soins prodigués au titre de l’AME ;
- Aucun croisement de données entre la nationalité des bénéficiaires et la nature des soins prodigués n’est possible.
Cette absence de données est regrettée par des voix exprimant des sensibilités différentes. Dans son avis n° 19‑12 du 9 octobre 2019, le Défenseur des droits avait par exemple déploré « le déficit de statistiques publiques concernant les bénéficiaires de l’AME (nationalité, pathologies, non recours). Cette absence de données permet tous les fantasmes, empêche de réfléchir sereinement. ».
Le traitement automatisé de données proposé vise à répondre à ce manque de données. Sa création serait utile en termes sanitaires et financiers.
En termes sanitaires, ce fichier permettrait d’améliorer les politiques publiques de prévention. Si, lors de la crise sanitaire, la nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l’AME avait été connue, le ministère des solidarités et de la santé aurait par exemple pu chercher à vacciner en priorité certains ressortissants de pays concernés par des variants du covid 19 (par exemple les personnes étrangères provenant du sous-continent indien).
En termes financiers, ce traitement de données permettrait de lutter plus efficacement contre la fraude en identifiant des atypies dans la consommation des soins et en les recoupant avec des données sur la nationalité. En 2019, un rapport conjoint de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires sociales a relevé des atypies en matière de soins AME concernant « les accouchements, l’insuffisance rénale chronique, les cancers et les maladies du sang », ces dernières renforçant « de façon convaincante l’hypothèse d’une migration pour soins ». Mais l’absence de données sur la nationalité des bénéficiaires de l’AME ne permet pas d’identifier d’éventuelles filières d’immigration pour soins. Pourtant, le recueil de données de ce type serait utile. En 2021, une importante filière ukrainienne de fraude à l’allocation pour demandeurs d’asile a été démantelée après que les autorités aient identifié un surcroît inexpliqué de demande d’asile ukrainienne en Seine-et-Marne. Plusieurs centaines de demandes d’asile frauduleuses avaient été déposées dans le but de percevoir l’allocation pour demandeurs d’asile. Le préjudice pour l’État est proche de 2 millions d’euros.
Si la collecte de la nationalité des bénéficiaires de l’allocation pour demandeurs d’asile permet d’identifier et de démanteler des filières frauduleuses, la même chose est possible pour l’AME.
La rapporteure spéciale a déposé un premier amendement sur ce thème lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021 puis un second, légèrement modifié lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022. Le présent amendement est identique à celui que la rapporteure spéciale a présenté lors de l'examen du précédent projet de loi de finances.
L’amendement tient compte des observations formulées par la direction des affaires juridiques des ministères sociaux qui a étudié l'amendement que la rapporteure avait déposé en 2021 :
- Il garantit l’anonymisation des données collectées (sauf en matière de lutte contre la fraude),
- Il prévoit un renvoi à un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, pour déterminer les modalités d’application de l’article,
- Il introduit une dérogation au secret médical pour permettre la collecte des données par l’intermédiaire d’un professionnel de santé.
Ces dispositions visent à prendre en compte les contraintes fixées par :
- La loi n° 78‑17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;
- Le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données,
- La jurisprudence du Conseil constitutionnel
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