Publié le 29 mars 2024 par : M. Walter, Mme Abomangoli, M. Alexandre, M. Amard, Mme Amiot, Mme Amrani, M. Arenas, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Bex, M. Bilongo, M. Bompard, M. Boumertit, M. Boyard, M. Carrière, M. Chauche, Mme Chikirou, M. Clouet, M. Coquerel, M. Corbière, M. Coulomme, Mme Couturier, M. Davi, M. Delogu, Mme Dufour, Mme Erodi, Mme Etienne, M. Fernandes, Mme Ferrer, Mme Fiat, M. Gaillard, Mme Garrido, Mme Guetté, M. Guiraud, Mme Hignet, Mme Keke, M. Kerbrat, M. Lachaud, M. Laisney, M. Le Gall, Mme Leboucher, Mme Leduc, M. Legavre, Mme Legrain, Mme Lepvraud, M. Léaument, Mme Pascale Martin, Mme Élisa Martin, M. Martinet, M. Mathieu, M. Maudet, Mme Maximi, Mme Manon Meunier, M. Nilor, Mme Obono, Mme Oziol, Mme Panot, M. Pilato, M. Piquemal, M. Portes, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, M. Rome, M. Ruffin, M. Saintoul, M. Sala, Mme Simonnet, Mme Soudais, Mme Stambach-Terrenoir, Mme Taurinya, M. Tavel, Mme Trouvé, M. Vannier.
Après l’article 4 de la loi n° 86 897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, il est inséré un article 4‑1 ainsi rédigé :
« Art. 4‑1. – Tout transfert ou cession de titres à titre onéreux entraînant un changement de contrôle au sens de l’article L. 233‑3 du code de commerce d’une entreprise éditrice dont les publications de presse ou les services de presse en ligne sont mis à la disposition d’un nombre moyen de personnes défini par décret doit être préalablement approuvé, à peine de nullité, par un vote des journalistes professionnels au sens de l’article L. 7111‑3 du code du travail que l’entreprise emploie.
« Si le transfert ou la cession ne reçoit pas la majorité des voix, un autre cessionnaire peut se substituer alors, aux mêmes conditions, au cessionnaire envisagé. À défaut, et dans le même délai de douze mois, l’entreprise doit racheter et annuler les titres dont la cession était envisagée dans les conditions prévues à l’article 1843‑4 du code civil. À l’expiration du délai de douze mois, si les titres n’ont pas été rachetés, la cession initialement envisagée est réputée acceptée. »
Par cet amendement, les députés du groupe parlementaire LFI-NUPES proposent de limiter l’accès d’un actionnaire de contrôle au capital des entreprises de presse les plus significatives par le biais d’un droit d’agrément des journalistes des entreprises de presse qui touchent un certain niveau d’audience dont le seuil sera défini ultérieurement par décret.
En 2022, devant la commission d’enquête du Sénat sur la concentration des médias, Bernard Arnault avait affirmé que « Chaque journal a quand même une ligne. Les Echos est un journal défenseur de l’économie de marché. En tant qu’actionnaire c’est une ligne à laquelle on a adhéré, puis ce sont les rédactions qui la mettent en œuvre. […] Si demain on se trouvait avec un Parisien qui devient un journal sur un extrême ou sur un autre, ou que les Echos en viennent à défendre l’économie marxiste, je serais extrêmement gêné. Il faut que l’actionnaire puisse réagir. Je ne veux pas financer un journal qui devienne le support de l’extrême-droite ou de l’extrême-gauche ». Bernard Arnault indique donc qu'il estime légitime pour un actionnaire d'influencer la ligne éditoriale d'un journal. En tant que financeur, il a un droit de regard.
Autre milliardaire propriétaire de média, même problème d'ingérence. Rodolphe Saadé possède le groupe CMA CGM. Il a annoncé le rachat d'Altice Média, maison mère de BFM notamment, détenu jusqu'à présent par Patrick Drahi. Les Echos révèlent dans un article du 22 mars 2024 que lorsqu'il s'est entretenu avec les journalistes de son groupe, il a affirmé "qu'il n'était pas là pour imposer une ligne éditoriale, sans pour autant nier que si les journalistes traitaient un scandale portant atteinte à CMA CGM, il « ne réagirait pas bien » et le « ferait savoir »". Les journalistes de La Tribune ont dénoncé, dans un courrier interne, le fait que « Faire savoir son mécontentement en cas d'article jugé déplaisant est une ingérence éditoriale grave. Tout comme regretter une trop faible mise en avant des papiers jugés positifs. Tenir de tels propos peut légitimement inquiéter, car ceux-ci sont de nature à intimider les rédactions de l'ensemble des médias du groupe, et à inciter à l'autocensure ».
Quelques jours plus tard, le 22 mars 2024, le directeur de la rédaction du quotidien La Provence Aurélien Viers a été mis à pied en raison d’une « une » sur la visite d’Emmanuel Macron à Marseille. Le journal citait les propos d'un habitant après le départ du Président : « Il est parti et nous, on est toujours là… ». Un correctif a été publié : dans un message aux lecteurs, le directeur de la publication, Gabriel d'Harcourt, a présenté ses excuses. La rédaction du journal a alors décidé d'une grève illimitée et a dénoncé une « ingérence éditoriale inadmissible ». D'autres journalistes du groupe ont également témoigné de leur solidarité.
Impossible dans ces conditions pour les journalistes de travailler dans des conditions qui leur garantissent une totale indépendance vis-à-vis de leur employeur.
Ainsi, nous proposons dans cet amendement que les journalistes disposent d'un droit d'agrément lors d'un changement de contrôle de la propriété d'une entreprise de presse.
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