Publié le 13 septembre 2023 par : Mme Garin, M. Peytavie, Mme Rousseau, Mme Taillé-Polian.
À l’alinéa 43, supprimer les mots :
« , ou pendant les trois derniers mois si cette durée excède trois mois, ».
Lors de son examen au Sénat, un amendement de la rapporteure a limité les sommes pouvant être versées rétroactivement lorsque l’allocataire s’est conformé à ses obligations au montant correspondant à trois mois de RSA.
Cette nouvelle modalité de sanction (le versement des sommes retenues pendant la période de suspension) présentée comme atténuant le renforcement des engagements, des obligations et contrôles de l’allocataire perçu désormais comme un simple demandeur d’emploi et non comme allocataire d’un revenu minimum de solidarité, semble donc trop « généreuse » et en limitant à trois mois alors que la durée de suspension peut être supérieure, on en limite volontairement l’effet de rétablissement dans les droits à un revenu minimum.
Et ce, alors que l’accent est mis dans l’article sur la possibilité de supprimer tout simplement l’allocation, qui, si elle n’est pas nouvelle, n’était de fait actionnée dans beaucoup de départements qu’en cas de fraude. Désormais le Président du conseil départemental peut décider la suppression du RSA pour une durée qu’il fixe. Même sans recours frauduleux. Compte tenu de la nature du RSA qui concerne de plus l’ensemble du foyer dont les enfants, on peut relever la philosophie dominante du projet de loi comme un éloignement supplémentaire de la tradition sociale de la république quant à l’affirmation des droits sociaux et il ne semble pas pertinent d’en altérer davantage le principe.
Aussi, les auteur.es de cet amendement pensent salutaire de s’attarder sur les situations des personnes concernées.
Tout d’abord, les personnes seules avec une personne à charge constituent 32 % de l’ensemble des allocataires du RSA. Il s’agit ultra-majoritairement ici de mères de famille monoparentale. Selon la DREES en 2018, le dispositif compte 687 000 mères allocataires dont 323 000 sont mères célibataires d’un enfant de moins de 12 ans (138 000 d’un enfant de plus de 12 ans). Le RSA constitue dès lors l’un des plus significatifs revenus du foyer – voire le seul.
D’autre part, les allocataires du RSA sont surreprésentés parmi les 25‑29 ans à 17 % des allocataires, contre seulement 8 % dans l’ensemble de la population française âgée de 15 à 69 ans.
Selon la Cour des Comptes, de manière constante depuis 2010, 65 % des allocataires du RSA vivent sous le seuil de pauvreté monétaire. Une part 4,4 fois plus élevée que dans la population générale, où cette part est comprise entre 14 % et 15 %. Le RSA est ainsi le dispositif qui, au sein de l’ensemble du système socio-fiscal, contribue le plus à la diminution de l’intensité de la pauvreté monétaire à 40 et 50 % du seuil, en assurant à lui seul, selon la Cour, entre 35 et 40 % de cette baisse, soit davantage que les autres prestations.
Enfin, 62 % des allocataires du RSA non majoré perçoivent le RSA depuis deux ans ou plus et 36 % depuis cinq ans ou plus. 15 % des allocataires perçoivent le RSA non majoré depuis 10 ans ou plus. Il s’agit donc souvent de personnes inscrites de longue date dans des situations de pauvreté et précarité extrême. Le nombre de privations liées aux conditions de vie s’accroît avec le nombre d’années passées au RSA, et le niveau de vie des ménages allocataires se dégrade : lors des deux premières années au RSA, un allocataire sur deux déclare avoir souffert d’au moins cinq privations sur 27 ; lorsqu’il est au RSA depuis au moins trois ans, un allocataire du RSA sur deux déclare neuf privations sur 27.
Au sein des allocataires de l’ensemble des minima, les allocataires du RSA constituent une population particulièrement fragile. Fin 2018, environ deux tiers des allocataires du RSA (68 %) sont pauvres en conditions de vie, 75 % sont en pauvreté monétaire. 54 % cumulent des situations de pauvreté monétaire et en conditions de vie. Ces proportions sont à chaque fois plus élevées que pour les autres allocataires de minima.
Les allocataires du RSA sont plus nombreux à subir des contraintes budgétaires, à restreindre leur consommation ou à subir des retards de paiement.
Les difficultés de logement sont aussi particulièrement élevées chez les allocataires du RSA. Selon la DREES, un allocataire du RSA sur quatre est en difficulté vis-à-vis du logement, contre moins d’une personne sur dix parmi l’ensemble de la population (7 %). Ils vivent plus souvent que les autres dans des logements surpeuplés (33 % contre 23 % pour l’ensemble des allocataires de revenus minima garantis). De ce fait, ils sont plus nombreux à considérer leur logement comme trop petit : 27 % contre 20 % pour l’ensemble des allocataires de revenus minima garantis. Enfin un allocataire du RSA sur deux vit dans un logement présentant au moins un défaut de qualité et 9 % au moins quatre défauts.
Parmi l’ensemble des allocataires du RSA, selon la Cour des Comptes, les femmes seules avec enfants, les étrangers et les résidents de quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) sont davantage touchés par la pauvreté que la moyenne des allocataires. De même, les allocataires du RSA de longue durée sont davantage touchés.
Tenant compte des difficultés financières que rencontre au quotidien les allocataires du RSA, cet amendement des député.es écologistes propose de revenir sur la décision de la commission des affaires sociales et ainsi de ne pas limiter à un montant correspondant à trois mois de RSA les sommes pouvant être versées rétroactivement lorsque l’allocataire s’est conformé à ses obligations.
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