Publié le 9 juin 2023 par : Mme Dalloz, Mme Louwagie, M. Hetzel.
Le I de l’article 6 de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est complété par un 9 ainsi rédigé :
« 9. Les personnes mentionnées aux 1 et 2 garantissent sur leurs services de communication au public en ligne le respect de l’interdiction de procéder à des opérations de vente de produits du tabac manufacturés interdites par le code général des impôts en modérant de façon automatisée l’espace numérique contre la diffusion de contenus révélant des violations des dispositions des articles 565 à 574 du code général des impôts, en procédant au retrait ou en rendant inaccessible tout contenu contrevenant sans délai à compter de sa publication, en mobilisant notamment des moyens humains dédiés et des technologies de contrôle pour la reconnaissance et le filtrage des contenus. Elles garantissent la protection des droits fondamentaux des utilisateurs dans le cas où elles bloqueraient par erreur ou sans fondement juridique des contenus licites par la mise en place d’un dispositif interne de traitement des plaintes et de recours à la disposition des utilisateurs.
« Concomitamment, elles signalent, sans délai ou au plus tard dans un délai maximal de cinq jours ouvrables, tout contenu violant les dispositions susvisées en transmettant aux autorités douanières compétentes et tout contenu illicite selon une procédure définie par décret.
« Cette obligation de retirer ou rendre inaccessible tout contenu contrevenant sans délai à compter de sa publication entraîne celle de retirer les contenus illicites signalés par les autorités douanières compétentes, dans un délai ne pouvant excéder les quarante-huit heures, suivant la réception d’une notification des autorités douanières.
« Sans préjudice de leur droit de saisir le juge, l’utilisateur des services des personnes mentionnées aux 1 et 2 peut saisir l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en cas de litige sur le retrait de contenu.
« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique procède selon les dispositions de l’article L. 331‑32 du code de la propriété intellectuelle. Toutefois, à défaut de conciliation dans le délai d’un mois à compter de sa saisine, elle dispose d’un délai de deux mois à compter de celle-ci pour rendre sa décision.
« Le recours prévu au dernier alinéa de l’article L. 331‑32 du code de la propriété intellectuelle n’est pas suspensif.
« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique n’est pas tenue de donner suite aux saisines abusives, en particulier par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique.
« Le fait, pour une personne physique ou le dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale exerçant l’une des activités définies aux 1 et 2 du I, de ne pas satisfaire aux obligations définies au présent 9 est passible d’une contravention douanière de cinquième classe d’un montant forfaitaire de 1 500 euros par contenu illicite et d’une amende civile de 500 000 euros.
« Les agents des douanes peuvent constater par procès-verbal les contraventions aux dispositions du présent article, et procède à cette fin à tous les actes de recherches et de poursuites nécessaires, le cas échéant au moyen de captures d’écran. »
Le marché parallèle de tabac représente un peu plus de 35 % du marché total des produits du tabac consommés en France, achetés en dehors du réseau des buralistes, pourtant seuls habilités à commercialiser ces produits.
Ce marché illicite mobilise de véritables chaînes parallèles de distribution, y compris sur internet et sur les réseaux sociaux.
Depuis quelques années en effet, la vente illégale de cigarettes sur internet est en pleine expansion, notamment sur des réseaux sociaux comme Facebook et Snapchat, sans que ces plateformes ne prennent les mesures appropriées pour mettre fin à cette utilisation indue de leurs services de communication, les rendant complices de ce marché illicite.
Les produits du tabac font pourtant l’objet d’une interdiction stricte de toute vente à distance, inscrite dans le Code Général des impôts : le caractère illicite de leur vente sur internet et les réseaux sociaux est donc avéré dans tous les cas où elle intervient.
Or, ce commerce parallèle menace la santé de tous les publics, notamment des mineurs particulièrement visés sur certaines plateformes, et prive l’État des recettes fiscales issues de la vente légale de ces produits aux fumeurs adultes (6,2 milliards d’euros de pertes fiscales pour l’État en 2021 d’après le rapport KPMG du 23 juin 2022). En outre, ces réseaux peuvent également être animés par le crime organisé, portant atteinte à l’ordre public, élément reconnu dans le Plan Tabac 2023 – 2025 et effectivement récemment décrit comme une « plaie pour la sécurité, la santé, le réseau des buralistes et pour les finances publiques » par le Ministre délégué chargé des Comptes publics.
Il faut donc responsabiliser les plateformes de partage de contenus en ligne face à leur participation de fait à l’essor du commerce parallèle de tabac. Ces plateformes doivent mettre en œuvre les moyens de limiter le risque de dissémination de contenus illicites que leur activité génère, et ainsi participer activement à lutter contre ce fléau. Elles disposent aujourd’hui de moyens techniques de plus en plus performants pour cela, grâce à des outils de reconnaissance et de filtrage automatiques.
Le présent amendement vise donc à introduire à l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique :
- une obligation pesant sur les plateformes de repérer, retirer ou rendre inaccessibles les contenus liés à la vente illicite de produits du tabac, dans le respect des droits fondamentaux des utilisateurs, une obligation de signaler les contenus illicites aux autorités douanières,
- la possibilité pour les utilisateurs de contester devant l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique le retrait de contenu jugé illicite, sans que l’Autorité soit tenu de donner suite aux saisines abusives,
- une contravention douanière de cinquième classe d’un montant forfaitaire de 1.500 euros par contenu illicite et d’une amende civile de 500.000 euros, en cas de manquement des plateformes à ces obligations.
Cette responsabilisation des plateformes de partage de contenus en ligne face à l’essor du commerce illicite de tabac va par ailleurs dans le sens de la décision prise par la cour d’appel de Paris le 29 mars 2023 d’incriminer la plateforme Google pour avoir contribué à la « fourniture de moyens en vue de la vente de billets de spectacles, réalisées de manière habituelle, sans l’autorisation du producteur ou de l’organisateur du spectacle ».
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