Publié le 17 mai 2023 par : M. Bayou, Mme Arrighi, Mme Belluco, M. Ben Cheikh, Mme Chatelain, M. Fournier, Mme Garin, M. Iordanoff, M. Julien-Laferrière, Mme Laernoes, M. Lucas, Mme Pasquini, M. Peytavie, Mme Pochon, M. Raux, Mme Rousseau, Mme Regol, Mme Sas, Mme Sebaihi, M. Taché, Mme Taillé-Polian, M. Thierry.
L’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « renseignement », sont insérés les mots : « et aux exportations d’armements et de biens à double usage » ;
b) Après la première phrase du deuxième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle exerce également un contrôle parlementaire a posteriori de la politique du Gouvernement en matière d’exportation de matériels de guerre et matériels assimilés, de transfert de produits liés à la défense ainsi que d’exportation et de transfert de biens à double usage, y compris dans le domaine des programmes de coopération au regard des engagements internationaux de la France » ;
c) Après le 7° , est inséré un 8° ainsi rédigé :
« 8° Des éléments d’informations issus du Gouvernement concernant la délivrance des autorisations d’exportation et de licences relatives aux matériels de guerre et assimilés ainsi qu’aux biens à double usage, le type et le nombre d’équipements exportés, les destinataires finaux, les utilisateurs finaux, l’utilisation finale déclarée, les notifications de refus, toutes mesures de suspension, modification ou abrogation de licence ainsi que leur justification. »
2° Le premier alinéa du II est ainsi modifié :
a) À la première phrase, chacune des deux occurrences du mot : « quatre » est remplacé par le mot : « cinq » ;
b) À la deuxième phrase, les mots : « et de défense » sont remplacés par les mots : « , de défense et des affaires étrangères ».
3° Après le 8° du III, sont insérés des 9° , 10° et 11° ainsi rédigés :
« 9° La commission interministérielle des biens à double usage ;
« 10° Le comité ministériel de contrôle a posteriori des exportations de matériels de guerre ;
« 11° Les représentants du personnel et des organisations représentatives des entreprises exportatrices d’armements. »
Cet amendement vise à une extension du champ de compétence de la délégation au renseignement dans le but d'y ajouter des prérogatives relatives à l'exportation d'armements et des biens à double usage.
L’amendement s’inscrit dans la droite ligne du rapport d’information sur le contrôle des exportations d’armement présenté par M. Jacques MAIRE et Mme Michèle TABAROT et sa proposition n° 30 « Instituer une délégation parlementaire au contrôle des exportations d’armement et de biens à double usage, bicamérale et en format restreint ». Il s’inscrit également dans de nombreuses propositions de loi déposées tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat par plusieurs groupes politiques (Proposition de loi n° 3253 visant à renforcer le contrôle par le Parlement des exportations d’armes du député Alexis Corbière ; Proposition de loi constitutionnelle n° 3542 instituant une Commission parlementaire de contrôle des exportations d’armements du député Sébastien Nadot, Proposition de loi n° 878 visant à renforcer le contrôle sur le commerce des armes et relative à la violation des embargos de la sénatrice Michelle Gréaume).
La nécessité de renforcer le poids de l’Assemblée nationale et du Sénat est un constat partagé de manière transpartisane et répond à une double problématique.
L'examen actuel est largement insuffisant. Les parlementaires ne disposent que de la diffusion d’un rapport annuel produit par le Gouvernement sur l’exportation d’armements ainsi que, plus récemment, du rapport annuel sur les biens à double usage. Outre les retards observés, les informations délivrées ne sont pas assez détaillées pour effectuer un contrôle robuste et efficace, ce qui a été confirmé par le rapport de Mr Maire et Mme Tabarot (page 108) : « L’information du Parlement se limite à un rapport annuel du Gouvernement sur la politique d’exportation de la France (...) Il ne permet pas une information réelle du Parlement, au-delà d’une approche statistique et des informations générales qu’il contient », ainsi que par des ONG telles qu’Amnesty International. Amnesty International rappelle également que le rapport annuel au Parlement sur les biens à double usage présente aujourd’hui les mêmes manquements, de même qu’il s’avère insuffisant tant sur le processus décisionnel à l’œuvre que sur le cadre juridique en vigueur et ses contours« .
Cette absence parlementaire est d’autant plus inquiétante que la politique française d’exportation d’armements est caractérisée par un manque de transparence, explicité avec justesse dans le rapport de Mr Maire et Mme Tabarot : « ce système est aujourd’hui interrogé, voire critiqué, compte tenu de son opacité et donc des doutes qu’il génère sur sa capacité à assurer le respect par la France de ses engagements européens et internationaux sur le plan du droit international humanitaire ».
Ainsi, une délégation parlementaire permettrait de donner au Parlement toute l’étendue nécessaire pour effectuer un réel contrôle a posteriori de la politique d’exportation d’armements et de biens à doubles usage de la France et ainsi d’avoir la matière nécessaire pour s’assurer que les décisions respectent les engagements internationaux.
Cette délégation permettrait, de manière plus générale, de renforcer le caractère démocratique de la politique de la défense française. L’opacité qui y règne est source de vives critiques. Sans remettre en cause les nécessités du secret-défense, le Parlement est mature et en capacité d’exercer ses prérogatives sur des matières sensibles, comme le prouve le travail de la délégation parlementaire au renseignement. Le rapport de Mr Maire et Mme Tabarot le résume parfaitement : « la crainte d’être exposée ne saurait justifier le maintien d’un rôle marginal du Parlement dans ce domaine. Il faut faire le pari que le Parlement saura, par la qualité du contrôle et le dialogue avec la société civile, consolider le consensus national sur la politique d’exportation de la France ».
Sur la recevabilité :
Un amendement portant création d’une délégation parlementaire est recevable au titre de l’examen de la loi de programmation militaire 2024‑2029. Le Conseil d’État a déjà souligné dans plusieurs de ses avis que la coexistence de dispositions de programmation et de dispositions normatives, dans une même loi de programmation pluriannuelle, ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel. Au sein de la LPM 2024‑2030, le Gouvernement a présenté de nombreux articles normatifs dont la plupart ont un rapport avec les objectifs et orientations contenus dans la partie programmatique et d’autres relatifs à la défense et à la sécurité nationale, comme l’a souligné le Conseil d’État dans son avis n° 406858. L’amendement portant création d’une délégation parlementaire est un article normatif relevant de la défense et de la sécurité nationale, dans le sens où il organise le contrôle de l’exportation d’armements et de biens à double usage qui relève sans aucune contestation de la défense. En ce sens, la LPM 2024‑2029 est un véhicule législatif adéquat.
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