Intervention de Agnès Buzyn

Séance en hémicycle du mardi 8 octobre 2019 à 21h30
Bioéthique — Après l'article 21

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

À l'heure d'évoquer l'amendement de M. Raphaël Gérard, je remercie tous les députés qui ont beaucoup insisté pour que la loi de bioéthique s'empare de ce sujet, même si nous ne l'avions pas envisagé initialement puisqu'il ne s'agit pas d'une technique médicale nouvelle.

Mais la souffrance des enfants, dont vous nous avez fait part, méritait un geste fort de cadrage de la prise en charge. Je vous remercie, M. Gérard, d'avoir travaillé à la rédaction de cet amendement, que j'accepte bien volontiers.

Je voudrais commencer par un rappel historique. Nous sommes tous très choqués par les histoires que nous avons entendues, à propos d'enfants ayant subi des mutilations non nécessaires, dans des délais trop courts par rapport à leur degré de consentement. Nous pouvons nous accorder pour dire qu'il y a – ou qu'il y a eu – de mauvaises pratiques médicales.

Au fil du temps, la communauté médicale s'est emparée du sujet et a commencé à se structurer. Le premier centre de référence maladies rares consacré au développement génital, qui a vu le jour en 2006 et a été labellisé en 2017, est aujourd'hui un centre de référence national, situé à Lyon. Trois centres de référence sont associés à ce centre coordinateur, tandis que plus de vingt centres régionaux dispensent les bonnes pratiques et sont chargés de les diffuser dans l'environnement hospitalier.

Cette structuration, qui s'est accrue au cours des dernières années, a abouti à ce que l'ensemble des médecins, chirurgiens, psychologues qui s'occupent de ces enfants, tiennent compte de la nécessaire dimension pluridisciplinaire, tant avec les enfants qu'avec les familles, et améliorent progressivement leurs pratiques. Nous sommes typiquement dans un cas de progrès médical, avec un niveau d'exigence dans la qualité des pratiques qui augmente chaque année.

Cette filière de prise en charge des enfants avec ambiguïté sexuelle prend de l'ampleur et se structure : on compte neuf diplômes universitaires ou interuniversitaires, plusieurs conférences scientifiques, plusieurs programmes d'éducation thérapeutique ouverts aux patients et aux familles sur le territoire.

Outre le centre de Lyon que j'évoquais tout à l'heure, les centres coordonnateurs situés à Paris, Bicêtre, Lille et Montpellier sont chargés d'élaborer et de diffuser de bonnes pratiques en matière de diagnostic et de traitement, de mener de la recherche clinique, de tenir éventuellement des registres, d'animer des réseaux, de concevoir des guides d'information et des infographies pour les patients et les familles. Ils sont en lien avec les associations représentant les malades.

La plupart des sous-amendements que vous proposez couvrent le champ de structuration constitutif des centres de référence. Ceux-ci sont précisément labellisés pour améliorer les pratiques professionnelles sur notre territoire. Je tenais à expliquer ce que sont les centres de référence et quelles sont leurs missions pour que vous compreniez pourquoi je refuse certains sous-amendements visant à inscrire dans la loi des missions d'ores et déjà incluses dans la labellisation des centres de référence.

Monsieur Gérard, votre amendement a pour objet de mieux encadrer la prise en charge médicale des enfants en considérant qu'ils relèvent systématiquement des équipes pluridisciplinaires spécialisées, des centres de référence. Il prévoit aussi que la situation de ces enfants doit faire l'objet d'une concertation pluridisciplinaire chargée de proposer des pistes thérapeutiques – y compris l'abstention thérapeutique.

Comme je m'y étais engagée en commission, je suis favorable à cet amendement. Je souhaite qu'il soit cranté au niveau de la loi, ce qui renforcera la prise en compte de ces problématiques par les médecins qui seront mieux informés lorsqu'ils se trouveront face à un enfant avec ambiguïté sexuelle.

Cette voie me semble la plus appropriée pour assurer une prise en charge optimale, pour permettre aux équipes spécialisées de s'emparer de cette question et à tous les enfants de bénéficier d'un accompagnement approprié. Cette mesure législative doit se traduire par un arrêté qui précisera notamment la composition des équipes pluridisciplinaires. Je ne souhaite pas que celle-ci soit fixée par un décret en Conseil d'État, car cela nécessiterait, à chaque apparition d'un nouveau nom dans la liste, d'avoir recours à un nouveau décret, ce qui n'est absolument pas opérationnel. Je demanderai donc le retrait du sous-amendement no 2622 , car un arrêté nous permet de composer, de façon beaucoup plus souple et réactive, la liste des professionnels figurant dans les équipes pluridisciplinaires chargées de ces pratiques.

L'avis du CCNE – Comité consultatif national d'éthique – , sollicité le 1er juillet dernier, servira de guide dans l'élaboration de cet arrêté. Je veillerai à ce que les parties prenantes y soient associées. Votre amendement, monsieur Gérard, prévoit aussi qu'un rapport, relatif à l'activité et au fonctionnement des centres de référence, soit remis au Parlement. J'y suis également favorable, car cela permettra d'évaluer rapidement la qualité de l'organisation mise en place, ce qui constituera une véritable avancée en faveur des bonnes pratiques.

Dans le sous-amendement no 2621 , monsieur le rapporteur, vous souhaiteriez inscrire une exception à la tenue de la RCP en cas d'urgence vitale. Je suis un peu gênée, car, selon le code de déontologie médicale, le médecin doit donner les soins nécessaires en cas d'urgence, notamment vitale. Je crains que le fait de faire figurer cette mention n'affaiblisse le principe des RCP que nous instaurons. Pour cette raison, je vous demande un retrait au profit des sous-amendements no 2624 de M. Touraine et no 2636 de Mme Petit, pour lesquels j'émets un avis favorable.

Je suis défavorable au sous-amendement no 2633 .

Concernant les sous-amendements identiques nos 2626 et 2638 , je suggère un retrait ou émets un avis défavorable.

J'émets un avis de sagesse en ce qui concerne les sous-amendements identiques no 2625 de Mme Vanceunebrock-Mialon et no 2637 de Mme Petit.

Je suis défavorable aux sous-amendements nos 2634 et 2635 .

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