Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Réunion du mercredi 16 mars 2022 à 10h10
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Madame la présidente, je vous remercie d'avoir indiqué que la commission des lois doit aller le plus loin possible pour comprendre le déroulement des faits et favoriser la manifestation de la vérité. À la suite de cette tentative d'assassinat, qui a suscité beaucoup d'émotion et de colère en Corse, j'ai une pensée pour Yvan Colonna, qui est entre la vie et la mort, et pour sa famille.

Pour nous, le mot « dysfonctionnements » est très faible. Il faut revenir à la genèse de cette affaire, au refus obstiné de lever le statut de DPS, lequel – M. François Pupponi fera une démonstration qui me paraît imparable – présente, on le sait aujourd'hui, une dimension politique. Cet état de fait est lié au traumatisme réel causé par l'assassinat de Claude Érignac et par la haine qu'ont pu nourrir certaines personnes, au sein de l'appareil d'État. Il demeure des zones d'ombre béantes, qu'il faut éclaircir, car cela a des incidences sur le plan humain et politique dans la Corse d'aujourd'hui.

Nous avons une intime conviction, mais peut-être pourra-t-on nous rassurer et nous montrer qu'elle est erronée. La tentative d'assassinat d'Yvan Colonna a duré dix à onze minutes, jusqu'à l'appel des secours. Je vous remercie, monsieur le directeur, pour l'extrême précision de vos propos. Vous venez de décrire des faits qui rendent les choses encore plus choquantes, à savoir que la porte était ouverte et que l'agresseur a été accompagné. Michel Castellani et moi avons visité la centrale d'Arles. Nous connaissons la salle de sport, qui est très petite et très proche du couloir. Nous connaissons l'emplacement des caméras. Nous savons l'extrême rigueur de cet établissement. Le fait que personne n'ait rien vu nous paraît impossible, mais il faudra le démontrer – nous sommes là pour essayer de faire apparaître la vérité.

Aussi ai-je deux questions à poser sur le régime de faveur incontestable dont a bénéficié Franck Elong Abé. Tout d'abord, ce djihadiste confirmé, au parcours chaotique – guerrier en Afghanistan, il a été remis aux autorités françaises en 2014, a écopé d'une condamnation à neuf ans de prison pour terrorisme, puis d'une condamnation à quatre ans pour l'agression d'une jeune femme médecin, et a changé cinq fois de prison –, avait un contrat de travail rémunéré, ce qui n'était pas le cas d'Yvan Colonna, auxiliaire bénévole. Or son statut de terroriste djihadiste ne lui permettait pas, en théorie, d'exercer une activité rémunérée ou de suivre une formation professionnelle. Pourquoi cette personne a-t-elle pu bénéficier d'un tel contrat ?

Ensuite, pourquoi a-t-on accordé à ce monsieur des réductions de peine ? Alors qu'il a été condamné à un total de treize ans et demi de prison, il devait sortir en 2023, soit neuf ans seulement après sa remise aux autorités françaises. Seuls des détenus modèles peuvent obtenir un tel traitement – certainement pas des djihadistes, encore moins lorsqu'ils ont provoqué plus de cinquante incidents en prison. Il faudra apporter des réponses aux questions que soulève ce qui s'apparente incontestablement à un régime de faveur.

Par ailleurs, pouvez-vous confirmer qu'il y a bien une commission de surveillance des djihadistes à la centrale d'Arles, censée rédiger deux rapports quotidiens comprenant l'évaluation minutée des activités de chaque djihadiste présent dans la centrale, ces rapports devant ensuite être transmis à la DGSI ? Si tel est le cas, comment se fait-il que la scène du blasphème n'ait pas fait l'objet d'une détection par la DGSI ? Si le cloisonnement entre celle-ci et l'administration pénitentiaire ne vous permet pas de répondre, nous serons peut-être amenés à demander à la présidente de la commission des lois l'audition du directeur de la DGSI.

Pour connaître la vérité, il faudra retracer les allées et venues avant l'acte et rechercher s'il y a bien eu blasphème. L'administration pénitentiaire a la possibilité de conserver les vidéos pendant trois semaines : le fera-t-elle en l'espèce, et pas uniquement en ce qui concerne le jour de l'agression, dans le but d'établir la vérité ?

Enfin, pouvez-vous nous garantir qu'il n'y a pas eu de témoin direct de la tentative d'assassinat d'Yvan Colonna ? C'est une question grave, à laquelle des réponses claires devront être apportées. Nous sommes tous ici pour que la vérité éclate et pour que la justice, la vraie, triomphe.

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