Intervention de Annie Genevard

Réunion du mercredi 13 janvier 2021 à 14h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Genevard :

Je voudrais vous livrer quelques éléments avant de vous poser ma question. Notre texte de loi comporte des dispositions visant à la neutralité dans le monde du travail pour les entreprises publiques, les entreprises chargées d'un service public. De mon point de vue, il était légitime de se poser la question de savoir s'il était intéressant, pertinent, judicieux, utile d'étendre cette disposition de neutralité religieuse aux entreprises privées. Je ne vois pas pourquoi, par nature, par principe, par hypothèse, on ne se poserait pas cette question.

Je me suis penchée sur un document datant de 2019 évoquant la situation du fait religieux en entreprise. J'ai retenu quelques items dans cette étude réalisée auprès de quelques milliers de personnes. À la question « quelle est la présence du fait religieux dans les situations de travail ? », 70 % des répondants affirment que cette présence est régulière ou occasionnelle. La deuxième question était la suivante : « quel impact le fait religieux a-t-il sur les relations au travail et sur l'action managériale ? » 54 % des personnes interrogées estiment que cela nécessite une intervention managériale. « Le fait religieux rend-il votre activité managériale plus complexe ? » 63 % des personnes interrogées ont exprimé leur accord avec cette proposition. Enfin, « quelle place doit-on accorder au fait religieux en entreprise ? » 64 % des personnes interrogées estiment que le principe de laïcité devrait s'appliquer aux entreprises privées.

Peut-être faudrait-il renouveler cette enquête, mais voici les éléments dont nous disposons. Vous avez évoqué la « loi El Khomri », qui a constitué une avancée, puisqu'elle précise qu'il peut y avoir un règlement intérieur contenant des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés, à la condition que ces restrictions soient justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise, et si elles sont proportionnées aux buts de l'entreprise. On voit que très peu d'entreprises se dotent d'un règlement intérieur. Cela a été dit par mon collègue. Lorsqu'elles veulent appliquer ce règlement intérieur, c'est sous conditions. Lorsqu'une personne procédurière saisit une juridiction européenne, la liberté religieuse l'emporte pratiquement toujours sur la neutralité religieuse en entreprise.

J'entends bien, messieurs les présidents, que ce sujet ne remonte guère. Nous pourrions nous en réjouir. Cela signifierait que l'entreprise est épargnée par un phénomène qui se répand sur l'ensemble de la société française. Je m'interroge néanmoins. Ce n'est pas que je souhaite légiférer sur la question par principe, mais nous découvrons aujourd'hui avec effarement que la moitié des professeurs de France s'autocensurent par crainte d'incidents religieux. Comment la France en est-elle arrivée là ? C'est pourquoi je vous interroge. Est-il pertinent de prévenir ? Faut-il laisser les choses se résoudre ainsi ? Le législateur ne serait-il pas utile en posant clairement certaines règles en matière de neutralité religieuse en entreprise ?

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