Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Réunion du mercredi 13 janvier 2021 à 14h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • communautaire
  • laïcité
  • neutralité
  • religieuse
  • religieux

La réunion

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COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI CONFORTANT LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE

Mercredi 13 janvier 2021

La séance est ouverte à quatorze heures cinq.

La commission spéciale procède à l'audition d'organisations patronales :

• Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – M. Geoffroy Roux de Bézieux, président

• Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) – M. François Asselin, président

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Je remercie les deux présidents d'organisation patronale, M. Geoffroy Roux de Bézieux, président du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), et M. François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), d'être présents. Malheureusement, l'U2P n'a pas pu désigner de représentant. Nous avons accepté que la réunion se déroule en visioconférence vous concernant. Nous sommes cependant habitués à l'organisation de réunions dans une salle de l'Assemblée nationale et en visioconférence.

Nous avons entendu ce matin les organisations syndicales de salariés, du secteur public comme du secteur privé. Nous avons souhaité vous entendre maintenant, parce que cette loi visant à renforcer le respect des principes de la République, plusieurs articles peuvent concerner les entreprises. En outre, au-delà du texte, il convient de prendre en compte le contexte : montée des communautarismes, tentation du séparatisme, contestation d'un certain nombre de valeurs républicaines (liberté, égalité, fraternité, voire laïcité), ce qui peut se retrouver dans certaines entreprises. Les représentants des syndicats de salariés nous l'ont confirmé ce matin. Nous souhaitons aussi savoir comment les dirigeants d'entreprise, que vous représentez, abordent ce sujet. Êtes-vous confronté à des revendications, à des contestations, voire à des conflits entre employeur et salariés, ou entre salariés, que vous seriez amenés à gérer ? Que pensez-vous des dispositions de la loi qui vous concernent ?

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Geoffroy Roux de Bézieux, président du Mouvement des entreprises de presse (MEDEF)

Je vais donc essayer d'être synthétique en abordant directement les deux articles qui nous concernent dans le projet de loi.

En premier lieu, l'article 1er, qui étend aux délégataires de service public l'obligation de neutralité, ne nous choque pas. Si une entreprise privée (crèche, cantine scolaire...) est opérée par un prestataire privé, il est légitime de considérer que les contraintes du service public s'y appliquent. Un temps d'adaptation sera néanmoins nécessaire, car certaines habitudes n'ont pas été prises. En revanche, nous avons une interrogation juridique, parce que selon une lecture de nos juristes en interne, cette obligation pourrait être étendue à certains marchés publics. Je comprends que l'esprit de cette loi et de cet article n'est pas de toucher les marchés publics et les fournisseurs des biens et services pour ces derniers, mais bien le service public quand il est délégué à une entreprise privée dont les salariés ne sont pas fonctionnaires et astreints à la neutralité religieuse. Sous cette réserve, et si, dans sa rédaction actuelle ou dans les décrets, l'on exclut bien les marchés publics, l'article nous paraît compréhensible et entendable.

Le deuxième article qui nous concerne est l'article 19, sur la haine en ligne. Nous y sommes favorables : il est nécessaire de modérer les contenus sur internet. Seul un juge peut être amené à le faire. Dans un contexte plus calme, celui des médias traditionnels, cette juridiction a fait ses preuves. L'interdiction de la diffamation et de la haine a constitué une jurisprudence qui a fonctionné. Il faut maintenant prendre position sur les réseaux internet.

Le sujet du monopole de l'information par certains médias et le sujet global du monopole des GAFA et assimilés préoccupe d'ailleurs beaucoup le MEDEF. L'économie de marché est l'économie de la concurrence. L'article 19 a donc tout notre soutien. Il convient de modérer internet et les réseaux sociaux. Le recours à un juge, garant de la liberté d'expression et de ses limites, nous semble être le bon système. La tradition française et européenne n'est pas la tradition américaine. Elle nous semble être la bonne manière de faire. De surcroît, le MEDEF se préoccupe des monopoles mondiaux qui se sont créés depuis dix ans par le numérique, et notamment le monopole de l'information que détient Twitter. Comme certains d'entre vous, nous ne sommes pas supporteurs du président Trump, mais nous nous opposons à ce qu'une entreprise privée, quels qu'en soient les mérites, puisse décider, ou non de la liberté d'expression. Le sujet est encore devant nous.

S'agissant du contexte, depuis l'assassinat de Samuel Paty, nous avons relancé une enquête auprès de nos adhérents avec un groupe de travail pour savoir comment est traité le fait religieux en entreprise. Les derniers événements survenus depuis 2015 ont-ils accéléré les tensions ? Plusieurs études ont été menées, démontrant que la situation s'est quelque peu durcie. Je pense notamment à une étude réalisée par l'Institut Montaigne, mais je n'ai pas encore de telles remontées émanant du terrain. Nos adhérents ne font pas état de problématiques majeures à ce niveau. Dans de nombreux cas, les employeurs trouvent une solution pragmatique, en particulier dans les petites entreprises, pour faire cohabiter la liberté d'expression religieuse, puisque nous ne sommes pas tenus à la neutralité dans l'espace privé d'une entreprise, avec le bon fonctionnement de l'entreprise, et la liberté des autres collaborateurs. Les petits points de friction concernent surtout le comportement vis-à-vis des femmes dans certaines fonctions et dans certains secteurs. Nous n'avons pas encore pu établir un bilan des dispositions de la « loi El Khomri » de 2016, qui permet de renforcer le règlement intérieur, dans l'objectif d'imposer une forme de neutralité. Cette loi ne vise toutefois pas à empiéter sur la liberté de conscience, mais doit être au service de la liberté de chacun.

Avant l'été, nous serons en mesure de dresser un bilan de la situation en entreprise. À ce stade, nous ne sommes pas demandeurs de mesures supplémentaires pour l'entreprise privée, qui arrive à gérer ces problèmes de manière non conflictuelle pour l'essentiel. Quelques entreprises ont pu connaître des dérives communautaires, soit par des recrutements par cooptation, soit par une forme de communautarisme, mais elles restent minoritaires. Les MEDEF territoriaux s'appuient tous sur un correspondant sécurité en lien avec la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) pour surveiller le communautarisme et la radicalisation dans les entreprises. Or, après vérification auprès du correspondant national, nous n'observons pas de montée des signalements au cours des douze à dix-huit derniers mois. Pour autant que l'on puisse en juger, il n'existe pas de phénomène particulier en entreprise. Cependant, l'entreprise fait partie de la société. Nous restons vigilants sur ces sujets. Ce qui se passe à l'école, dans le service public ou sur les réseaux sociaux n'est pas complètement étranger au monde de l'entreprise.

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François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

Le sujet traité me semble assez épineux. Je vais m'efforcer d'exposer la position de la CPME avec mes mots. Sur les deux articles de loi qui nous concernent potentiellement, je partage la position exprimée par Geoffroy Roux de Bézieux. Après les attentats contre Charlie Hebdo, les partenaires sociaux avaient été convoqués par le Premier Ministre, Manuel Valls. Myriam El Khomri était présente. La même question nous avait été posée : dans le milieu de l'entreprise, que faut-il mettre en place pour éviter des phénomènes de radicalisation et d'entrisme, islamique entre autres ? Je ne sais pas ce que vous ont dit les syndicats de salarié. À l'époque, la tentation était de négocier des chartes de la laïcité. La CPME a réfléchi à cette éventualité, que l'on pourrait appeler charte de neutralité cultuelle, mais nous craignons que cette démarche provoque l'effet inverse.

Dans notre réseau, nous n'avons pas de remontées relatives à des problématiques d'entrisme religieux ou autres dans les petites et moyennes entreprises. La situation est gérée avec beaucoup de bon sens. Nous disposons d'un outil précieux, le règlement intérieur. C'est au chef d'entreprise d'être le garant de la culture de l'entreprise. S'il perçoit que des éléments extérieurs viennent la perturber, il peut s'appuyer sur un dispositif légal, le règlement intérieur, pour faire en sorte que cette culture d'entreprise soit respectée. Si demain, sur le terrain de la neutralité, et par le biais d'une charte de la laïcité, il faut négocier les jours fériés parce qu'il faut assurer une égalité entre les différentes confessions, l'immense majorité des responsables d'entreprise va se retrouver dans une situation délicate.

Tous les ans, dans mon entreprise, nous fêtons l'Épiphanie, par le partage d'une galette des rois. À l'avenir, me faudra-t-il négocier cet événement en raison de cette charte de la laïcité ? J'accueille des charpentiers dans mon entreprise, qui constituent une forme de caste de métiers. Tous les 19 mars de chaque année, ils fêtent la Saint-Joseph. Je ne sais pas s'ils sont catholiques pratiquants et s'ils sont baptisés, mais ils ne me pardonneraient pas d'oublier cette fête. C'est ce que j'appelle la culture d'entreprise. Chacun s'y retrouve, quelle que soit sa confession.

Une entreprise est une petite communauté humaine, qui s'appuie sur sa propre culture. S'il y a de l'entrisme, il faut se saisir du règlement intérieur pour remettre la situation en ordre. Si nous obligions à négocier une charte de la neutralité ou de la laïcité, j'ai peur que ceux qui veulent en découdre trouvent un terrain magnifique pour agir. Nous savons ce qu'il risque de se passer. Nous avons peut-être besoin d'avoir des relais pour accompagner l'entrepreneur s'il commence à véritablement connaître de telles difficultés. Nous pouvons nous appuyer sur des correspondants sécurité, en relation avec les préfectures. Le MEDEF, la CPME et l'U2P s'appuient sur les mêmes correspondants en préfecture. Lorsqu'un cas survient, nous contactons le correspondant relié à la préfecture pour accompagner l'entrepreneur dans ses difficultés. Par ailleurs, nous devons former et accompagner les entrepreneurs dans l'utilisation du règlement intérieur pour les inciter à bien ancrer et défendre leur culture d'entreprise.

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Il est tout à fait normal, voire indispensable, que les organisations que vous dirigez donnent leur avis et transmettent les signaux nécessaires dans cette phase d'élaboration du projet de loi. Comme cela a été souligné, y compris ce matin, il y a le texte en construction, et le contexte. Je souhaite vous poser deux courtes questions sur ce contexte.

Ma première question revêt une portée un peu générale. L'âge avançant, je possède des éléments de comparaison me permettant de couvrir plusieurs décennies. Ne considérez‑vous pas que ces questions, qui ne sont pas uniquement celles de la laïcité, mais qui visent à faire vivre les principes républicains dans tous les lieux d'activité collective, relèvent aujourd'hui d'une responsabilité sociale élargie des entreprises elles-mêmes, en faisant un enjeu, un objet, un sujet de négociation avec les organisations syndicales d'activités des comités d'entreprise, indépendamment des signaux faibles ou des signaux forts que vous pouvez ressentir ? Il y a quelques décennies, les entreprises s'appuyaient sur des organisations syndicales très fortes, avec des comités d'entreprise très forts et des solidarités collectives, entreprise par entreprise, par branche, mais ces organisations se sont émoussées et n'ont pas été remplacées. Il existe donc un espace pour des entreprises qui ont pour objectif de créer un climat de défiance à l'égard de la communauté nationale.

Ma seconde question est la suivante : dans l'application de la loi, par exemple si l'article 1er demeure en l'état, redoutez-vous que des problèmes puissent survenir dans les entreprises dont certaines exercent une délégation de service public dans une partie de leur activité ? Les personnels sont alors évidemment concernés, ainsi que leur hiérarchie par l'article 1er du projet de loi. Cependant, une autre partie des activités ne relève pas d'une délégation de service public. Ne sentez-vous pas des problèmes que nous aurons à régler avec les organisations syndicales et les représentants du personnel dans le cadre de la mise en œuvre de cette loi ? Je connais très peu d'entreprises, qui ont, via des règlements intérieurs, des documents, des chartes votées par les représentants du personnel, formalisé ce volet républicain de la vie au travail. Avez-vous dressé un bilan à cette aune ? Pensez-vous qu'il existe des marges de progression possibles ?

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Je voudrais vous livrer quelques éléments avant de vous poser ma question. Notre texte de loi comporte des dispositions visant à la neutralité dans le monde du travail pour les entreprises publiques, les entreprises chargées d'un service public. De mon point de vue, il était légitime de se poser la question de savoir s'il était intéressant, pertinent, judicieux, utile d'étendre cette disposition de neutralité religieuse aux entreprises privées. Je ne vois pas pourquoi, par nature, par principe, par hypothèse, on ne se poserait pas cette question.

Je me suis penchée sur un document datant de 2019 évoquant la situation du fait religieux en entreprise. J'ai retenu quelques items dans cette étude réalisée auprès de quelques milliers de personnes. À la question « quelle est la présence du fait religieux dans les situations de travail ? », 70 % des répondants affirment que cette présence est régulière ou occasionnelle. La deuxième question était la suivante : « quel impact le fait religieux a-t-il sur les relations au travail et sur l'action managériale ? » 54 % des personnes interrogées estiment que cela nécessite une intervention managériale. « Le fait religieux rend-il votre activité managériale plus complexe ? » 63 % des personnes interrogées ont exprimé leur accord avec cette proposition. Enfin, « quelle place doit-on accorder au fait religieux en entreprise ? » 64 % des personnes interrogées estiment que le principe de laïcité devrait s'appliquer aux entreprises privées.

Peut-être faudrait-il renouveler cette enquête, mais voici les éléments dont nous disposons. Vous avez évoqué la « loi El Khomri », qui a constitué une avancée, puisqu'elle précise qu'il peut y avoir un règlement intérieur contenant des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés, à la condition que ces restrictions soient justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise, et si elles sont proportionnées aux buts de l'entreprise. On voit que très peu d'entreprises se dotent d'un règlement intérieur. Cela a été dit par mon collègue. Lorsqu'elles veulent appliquer ce règlement intérieur, c'est sous conditions. Lorsqu'une personne procédurière saisit une juridiction européenne, la liberté religieuse l'emporte pratiquement toujours sur la neutralité religieuse en entreprise.

J'entends bien, messieurs les présidents, que ce sujet ne remonte guère. Nous pourrions nous en réjouir. Cela signifierait que l'entreprise est épargnée par un phénomène qui se répand sur l'ensemble de la société française. Je m'interroge néanmoins. Ce n'est pas que je souhaite légiférer sur la question par principe, mais nous découvrons aujourd'hui avec effarement que la moitié des professeurs de France s'autocensurent par crainte d'incidents religieux. Comment la France en est-elle arrivée là ? C'est pourquoi je vous interroge. Est-il pertinent de prévenir ? Faut-il laisser les choses se résoudre ainsi ? Le législateur ne serait-il pas utile en posant clairement certaines règles en matière de neutralité religieuse en entreprise ?

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Ma première question concerne l'article 1er, évoqué par M. Roux de Bézieux. Elle porte sur le champ de cet article. Le contrat de la commande publique a été défini par l'article L. 2 du code de la commande publique : « sont des contrats de la commande publique les contrats conclus à titre onéreux par l'acheteur ou une autorité concédante pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, avec un ou plusieurs opérateurs économiques ». Il me semble qu'il y a un vrai problème de périmètre d'application de l'article 1er. Si nous le laissons en l'état, il me semble aller trop loin. Si vous sous-traitez l'entretien de votre immeuble, qui est un service public, tel qu'est rédigé le texte, cet article s'applique. N'est-ce pas aberrant ? Vous avez évoqué cette question, mais vous n'êtes pas allé jusqu'au bout. C'est pourtant la question qui nous est posée en tant que législateur.

À mon grand étonnement, vous n'avez pas évoqué la seconde question que je souhaite poser. Elle porte sur l'article 6. Vous bénéficiez de subventions publiques, directement ou indirectement, comme les syndicats de salariés. Or on ne pourra plus verser de subvention si vous ne signez pas un contrat d'engagement républicain, selon les termes de l'article 6. Ce contrat prévoit le respect des principes de liberté, d'égalité, notamment entre les femmes et les hommes, de fraternité, de respect de la dignité de la personne humaine et de sauvegarde de l'ordre public. Cela fait l'objet de nombreux débats. Qu'en pensez-vous ? Êtes‑vous prêts, en tant qu'organisation patronale, à demander à vos associations de signer un contrat d'engagement républicain ? La République est-elle un contrat ? Il me semble que la réponse est clairement négative. Ne faudrait-il pas parler d'engagement, plutôt que de contrat d'engagement ?

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Je tiens à rassurer les deux présidents de syndicats patronaux. L'article 1er porte bien sur un contrat de commande publique au sens de l'article L. 2 du code de la commande publique, qui a pour objet en tout ou partie l'exécution d'un service public. Ce n'est pas l'ensemble des entreprises qui répond à une commande publique. Il convient de clarifier ce point. Par exemple, si l'entreprise de M. Asselin doit accomplir différents travaux de charpente, elle n'entre pas dans l'exécution d'un service public, même si elle le fait pour une collectivité publique.

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La SNCF n'est pas un service public, mais elle a deux services publics en son sein, les trains express régionaux et les trains d'équilibre du territoire. Si nous interprétons correctement l'article 1er, ses personnels sont soumis à l'obligation de signer une convention d'engagement républicain sur ces deux composantes, mais le fret, par exemple, n'est pas un service public. Comment percevez-vous l'application de cet article ?

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Vous avez fait part de remontées de terrain avec franchise et clarté, mais ces dernières n'attestent pas d'une dynamique problématique à vos yeux. Vous considérez qu'il n'y a rien à signaler à ce sujet. Votre propos n'est pas de dire qu'il n'y a pas de problème, puisque cela n'existe pas dans un grand pays, mais la dynamique générale perçue sur le terrain tend à montrer que les choses se passent bien. Vous avez évoqué les termes de bon sens ou de règlement intérieur. Ai-je bien compris ? Cette conclusion me semble intéressante.

Par ailleurs, je demande des éléments chiffrés depuis le début de ces auditions, afin de confirmer ces constats, mais je n'en ai pas, ou très peu. Il y en a très peu, hormis des sondages que je conteste. Je crois ainsi que ma collègue Annie Genevard ne comprend pas ce qu'est le métier d'enseignant. Qu'importe. Quoi qu'il en soit, on ne travaille pas sur la base de sondages. J'espère que tous les législateurs seront d'accord avec moi.

Cela dit, je reviens sur les propos de notre ami Charles de Courson, qui soulève un véritable sujet. Dans ce tout ou partie dû à la commande publique, comment comptez-vous vous en sortir ? Certes, le président de Rugy estime que certaines activités ne relèvent pas du service public. Cependant, nous pourrions nous imaginer avoir des salariés d'une entreprise privée auxquels la neutralité religieuse n'est pas demandée. Or vous héritez d'une commande publique susceptible de vous exposer vis-à-vis du public. Allez-vous indiquer à certains salariés que vous ne pouvez pas les prendre sur cette mission ? Comment exiger de ces salariés qu'ils ôtent leurs signes religieux ? N'y a-t-il pas une dimension difficile à gérer, dans la mesure où, en dépit des éléments de clarification contenus dans cet article, il reste une part d'arbitraire et d'interprétation qui ne va pas contribuer à résoudre les problèmes ? Dans votre demande, et eu égard à la situation sur le terrain, n'y a-t-il pas une nécessité de clarification ? Je pense notamment à l'article 1er, relatif à la neutralité des services publics, en lien avec les commandes publiques. J'ai peur qu'il en résulte une certaine tension et une incompréhension.

Comme l'a souligné ma collègue Annie Genevard, j'ai des exigences sur le service public, qui représente l'État et la République, mais concernant les entreprises privées, elles font ce qu'elles veulent dès lors qu'elles respectent la loi. Quel regard aviez-vous lorsque le ministre de l'intérieur, M. Darmanin, s'est ému de l'émergence d'un commerce d'alimentation communautaire ? Avez-vous un regard concernant l'évolution de ce business ? Il s'agit de mettre en évidence une éventuelle croissance du nombre de consommateurs. Ces informations peuvent constituer des éléments probants et nous donner des outils probants de compréhension sur les dynamiques.

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Geoffroy Roux de Bézieux, président du Mouvement des entreprises de presse (MEDEF)

Concernant l'idée que les entreprises doivent répondre au pacte républicain dans une responsabilité sociale élargie, je ne peux qu'être d'accord. Leur première mission, quand elles réussissent à se développer, est de créer de l'emploi dans les territoires et de contribuer au pacte républicain par l'emploi et par la création de richesse. Je suis en revanche très défavorable à ce que le fait religieux devienne un objet de discussion en comité social et économique (CSE). Je ne sais pas si mes collègues des syndicats de salariés ont répondu favorablement à cette demande, mais je ne crois pas que nos salariés soient demandeurs. Les règlements intérieurs sont discutés en CSE. Faire du fait religieux un élément de discussion obligatoire ne répond pas aux besoins des chefs d'entreprise et des salariés. Je ne nie pas l'existence de difficultés, mais j'ai le sentiment que nous parvenons à les surmonter par du bon sens, du pragmatisme et de la proximité.

Sur les différences au sein d'une même entreprise, évoquées par MM. Charles de Courson et Alexis Corbière, c'est effectivement un sujet. Si certains salariés peuvent arborer des signes religieux, parce que le règlement intérieur le permet ou parce que ce n'est pas un sujet d'entreprise, cela peut s'avérer plus compliqué sur un autre lieu de travail, par exemple dans le cadre d'une délégation de service public. C'est pourquoi je demandais une certaine souplesse dans l'application du règlement. Il faut prendre en considération une certaine unité de comportement sur un lieu de travail permettant de résoudre ce problème.

Quant aux règlements intérieurs, une étude de l'Institut Montaigne montre que 21 % des entreprises ont établi des règlements intérieurs et/ou des chartes. La plupart des grandes entreprises l'ont fait, mais peu de petites entreprises. L'un des objectifs de notre enquête sera de voir comment cela a été fait et d'essayer de proposer des modèles à suivre, en lien avec les dispositions de la « loi El Khomri ».

Concernant l'intervention de madame Annie Genevard sur l'Institut Montaigne, cette enquête, datant de novembre 2019, montre une montée en puissance des sujets, mais elle démontre aussi que nous parvenons à les traiter dans la majorité des cas, hormis dans le cas compliqué de la discrimination envers les femmes ou du refus de travailler avec une femme, de lui serrer la main ou de cohabiter dans un même lieu de travail. Ce problème est difficile à résoudre par les managers. La « loi El Khomri » peut néanmoins nous aider. Certes, le principe de laïcité à la française n'est pas partagé par nos voisins européens, mais la discrimination contre un sexe l'est. Je ne sais pas s'il y a eu des cas de licenciement pour refus de travailler avec une femme. Certains cas ont-ils été soumis aux prud'hommes, voire à l'Europe ? Je l'ignore, mais nous essayons de rassembler des éléments à ce sujet. Il me semble qu'il s'agit du point difficile à l'heure actuelle dans le management de terrain.

Vous citiez le chiffre de 54 % de personnes interrogées favorables à un règlement sur la laïcité. Je rappelle qu'il existe une grande différence entre laïcité et neutralité religieuse. La laïcité s'applique dans l'entreprise, puisque chacun doit être libre de ses croyances, mais la neutralité religieuse, qui s'applique à la Fonction publique, est différente. À date, mais avec beaucoup de prudence puisque la situation a évolué depuis 2015, je considère que cette disposition de la « loi El Khomri » devrait nous aider.

Sur la remarque de M. de Courson relative aux entreprises concernées par la disposition sur les services publics, je laisse les juristes de l'Assemblée nationale en débattre entre eux. Nous comprenons que le service public est concerné, mais non la commande publique. Il convient de détourer cette obligation de manière précise, pour éviter qu'une femme de ménage ou un agent de sécurité travaillant pour un ministère soient astreints à cette obligation de neutralité.

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Je pense que votre exemple relatif à l'agent de sécurité dans un ministère est mal choisi. En revanche, il s'agit bien de la différence entre commande publique et exercice d'un service public. Il faudra sans doute préciser cet élément. Par ailleurs, je tiens à répondre aux propos de M. de Courson sur la SNCF, déjà soulevés à de multiples reprises dans nos réunions. Il se trouve que les entreprises de transport ont été entendues par la rapporteure en charge de cette partie du texte. Les transports, souvent exercés dans le cadre d'une délégation de service public, représentent un enjeu particulier. Il n'y a aucune ambiguïté : il s'agit d'un service public exercé dans le cadre d'une délégation de service public. Cependant, certains transports sont réalisés dans un cadre entièrement privé, que ce soit les transports routiers, aériens ou ferroviaires.

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Geoffroy Roux de Bézieux, président du Mouvement des entreprises de presse (MEDEF)

Je ne suis pas d'accord avec votre remarque sur l'exemple mal choisi. Je pense au contraire que l'exemple est bien choisi. Un agent de sécurité n'exerce pas un service public. Il se trouve à l'entrée de la préfecture et fouille les sacs. Ce n'est pas un service public. Selon moi, il ne doit pas être concerné. Si la rédaction de l'article l'englobe, davantage d'entreprises seront concernées, ce qui compliquera le dispositif. En effet, cette disposition concernera des personnes qui se rendront sur des lieux de travail différents. Selon ma compréhension, le service public est relatif au service apporté au public, et non aux fonctions back-office ou périphériques de la fonction publique. Ce point doit être clarifié.

Quant à l'article 6, le MEDEF considère que les subventions, c'est-à-dire les cotisations à l'Association de gestion du fonds paritaire national (AGFPN), sont ciblées sur une partie de l'activité au service de certains organismes publics, comme Pôle emploi. Pour le reste, il s'agit d'une activité de droit privé, reposant sur des cotisations privées. Cela étant, s'il faut signer une charte d'engagement républicain, nous le ferons volontiers.

Je précise que le propos rassurant exprimé par la DGSI porte sur la radicalité au sein de l'entreprise, mais nous constatons malgré tout une montée en tension. L'Institut Montaigne le souligne clairement, puisqu'en dix ans, nous sommes passés de 56 % de cadres et managers de terrain affirmant qu'il n'y avait pas de problèmes liés au fait religieux en entreprise, à 30 %. La montée en tension existe, mais, tout en observant une grande prudence, nous avons le sentiment que l'arsenal législatif actuel nous permet de résoudre ces tensions. Les managers parviennent à les surmonter, pas toujours facilement.

Concernant le service public, la mise en œuvre de la loi sera compliquée à gérer à cette aune. Il s'agira de l'une des principales difficultés de la loi pour nous.

Quant au business communautaire, nous avons noté une montée en puissance assez forte de ces activités communautaires, notamment dans le domaine de l'alimentation (halal, casher...). Il ne faut pas que se créent des entreprises communautaires, c'est-à-dire des entreprises recrutant uniquement par cooptation pour des raisons d'association. Nous contribuerions alors à défaire le vivre ensemble et l'esprit républicain. Je rappelle que l'esprit républicain français n'est pas celui des États-Unis. Notre esprit est universaliste. Nous souhaitons que les entreprises soient universalistes, où toutes les confessions et les non‑croyants peuvent cohabiter. Les entreprises ne doivent pas se créer par affinité religieuse.

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François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

À travers les remarques des uns et des autres, il apparaît que l'entreprise est un acteur de la société, comme tout autre corps intermédiaire. Nous avons notre responsabilité sociétale, que nous nous efforçons d'exercer au mieux. Nous avons tendance à vouloir permettre à l'entreprise de régler ce que la société ne peut pas régler. Nous constatons des problèmes d'égalité femmes/hommes ou de seniors. Comme il y a un mandataire à la tête de l'entreprise, nous lui demandons de résoudre des problèmes que la société peine à résoudre. Or, parfois, l'entreprise y parvient. Nous recrutons parfois des jeunes qui ne savent pas lire, pas compter, ou qui ont des problèmes de comportement ou de savoir‑être, et nous parvenons à en faire des hommes et des femmes debout. Cette question de montée du radicalisme peut imprégner les entreprises, mais si toute la société n'agit pas, l'entreprise ne pourra pas y parvenir seule. Vous connaissez la publicité de McDonald's qui disait « venez comme vous êtes ». Elle est un peu courte, puisque, dans l'entreprise, il faut venir comme on est, à condition d'accepter ce que nous sommes. Cela renvoie à une remarque très juste de la part de plusieurs d'entre vous : combien de chefs d'entreprise ont-ils formalisé leur projet d'entreprise et les valeurs que porte leur entreprise ? C'est un premier exercice à faire en tant que chef d'entreprise que de définir la culture d'entreprise, sur la base de laquelle se décline le règlement intérieur lorsqu'il a besoin d'être rédigé ou amendé.

Concernant l'allusion faite par Mme Genevard à l'enquête, je ne remets pas en cause les chiffres communiqués, mais je vous confirme que nous ne constatons pas de problématique considérable sur ces sujets. Il y a quelques années, j'ai rencontré un de nos adhérents, également adhérent du MEDEF, le président de l'entreprise Paprec. Il était confronté à ce problème d'entrisme et de communautarisme dans son entreprise. Il voyait de plus en plus de femmes se voiler au sein de son entreprise. L'encadrement lui avait répondu qu'il était de plus en plus compliqué, pour les femmes de confession musulmane, de rester sans voile, en raison de certaines pressions en interne. Avec l'appui des partenaires sociaux, il avait utilisé le règlement intérieur pour la mise en place d'une charte de la laïcité pour régler ce problème d'entrisme. Il existe déjà des outils permettant de régler ce problème.

Sur la liaison sphère publique-secteur marchand, j'attends que mon entreprise soit nationalisée. Je deviendrai alors gérant d'un kolkhoze, et peut-être oligarque dans quelques années. Au niveau de la CPME, nous ne sommes pas allés dans le détail des articles, mais une analyse pourrait s'avérer nécessaire pour bien baliser ces aspects.

Sur la question des marchés communautaires, là où il y a un marché, il y a des marchands. Si une population veut acheter des biens étiquetés communautaires, des marchands répondront à ce marché. La frontière est celle balisée par Geoffroy Roux de Bézieux, puisqu'un problème pourrait se poser si venaient à apparaître des entreprises communautaires. Force est de constater que je ne vois pas d'instrument, dans l'arsenal dont nous disposons, susceptible de l'empêcher. Si un entrepreneur s'affiche de manière très radicale, quels sont les garde-fous pour éviter qu'il fasse de son entreprise une communauté radicale ? Nous ne disposons pas d'outil contre cela, hormis s'il veut faire des affaires dans la sphère publique. Concernant le lien public avec les organisations professionnelles, vous savez que les critères de représentativité, qui vous qualifient comme partenaires sociaux, vous obligent à répondre à des critères républicains, ce qui est écrit dans la loi. Je ne pense pas qu'il y existe un réel danger à cette aune, pour répondre à la question soulevée par M. de Courson.

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Je vous remercie.

Si vous avez des documents écrits d'analyse juridique ou de contexte que vous souhaitez nous transmettre, je ferai évidemment en sorte qu'ils soient communiqués à tous les membres de la commission, ainsi qu'aux députés qui en feraient la demande.

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L'intervention de M. Asselin me semble très éclairante. Elle relève une recrudescence du fait religieux en entreprise. Ceux qui ne le perçoivent pas sont atteints d'une forte cécité, ce qui est regrettable considérant les problèmes créés pour les dirigeants de ces entreprises. J'ai également noté qu'il indiquait, en citant l'exemple bien connu de Paprec, que s'exerçait une pression sur les femmes pour qu'elles mettent le voile. Dans notre société, dans l'entreprise comme dans l'espace public, certaines de nos concitoyennes sont soumises à ces pressions pour qu'elles portent le voile. Ne pas le voir pose problème. À l'occasion d'un projet de loi veillant au respect des principes de la République, nous aurions tort de ne pas traiter ce sujet sur le fond, particulièrement dans le cadre de l'article 1er, qui me semble particulièrement bien rédigé dans cette perspective. Je vous remercie.

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La loi de juillet 1983 sur les droits et obligations des fonctionnaires permet des journées d'autorisation d'absence rémunérées pour des fêtes religieuses. En droit privé, dans les entreprises, je suis assez étonnée. Quand il y a des fêtes religieuses, qui ne sont pas inscrites dans le calendrier national, il n'y a donc pas d'absentéisme ou de demande d'absence. N'avez-vous pas eu ce type de remontées ?

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Geoffroy Roux de Bézieux, président du Mouvement des entreprises de presse (MEDEF)

Cela passe tout simplement par des demandes de congés payés, rémunérés en tant que tels, mais l'employeur n'a pas à savoir quels sont les motifs de cette demande et s'il s'agit de motifs religieux. Je le dis avec prudence, dans la mesure où nous n'avons pas entrepris d'enquête depuis trois ans, mais nous ne notons pas de recrudescence des difficultés à ce sujet.

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François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

Pour répondre à Mme Granjus, si demain les entreprises étaient obligées de négocier une charte de la neutralité ou de la laïcité, nous risquons d'avoir ce problème dans les entreprises, en mettant à égalité tous les jours fériés. Ainsi, le calendrier grégorien sera discuté au même titre que les calendriers d'autres confessions. Nous n'en voulons pas.

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Dans le service public, cet aspect pose d'énormes difficultés, parce qu'il y a de nombreux agents demandant à bénéficier de journées d'autorisation d'absence rémunérées. Ma question est la suivante : dans le privé, ces fêtes existent. J'entends bien que vous ne demandez pas le motif de l'absence, mais n'y a-t-il pas un nombre conséquent de salariés demandant à poser des jours de congé ?

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Notre préoccupation est de savoir si l'organisation du travail peut être amenée à être fortement perturbée, notamment si de nombreux salariés demandent simultanément un jour de congé. La question a déjà été posée dans de nombreuses entreprises. Je pense à la pratique du ramadan, qui peut être amenée à perturber la pratique du travail. Je pense aussi à des demandes d'espace de prière dans les entreprises, ce qui peut gêner certains employeurs ou certains autres salariés. Si dans votre entreprise, monsieur Asselin, un salarié dit qu'il ne souhaite pas fêter la Saint-Joseph, même s'il est charpentier, parce qu'il ne perçoit pas le lien entre son métier de charpentier et le fait d'avoir un saint patron, allez-vous estimer que participer à cette fête relève de la liberté de chaque salarié ? Les revendications religieuses, ou autres, qui ne relèvent pas de l'application des règles communes et du droit du travail peuvent-elles perturber le fonctionnement de l'entreprise ? Je me permets d'ajouter une remarque : les entreprises communautaires existent déjà, mais elles n'adhèrent pas à vos syndicats. Elles se situent en marge de la représentation des employeurs que vous assurez par ailleurs.

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En complément des propos qui viennent d'être tenus, je suis intervenue l'année dernière en tant que représentante des membres de l'Observatoire de la laïcité pour m'exprimer sur le fait religieux dans l'entreprise. La résolution des problèmes relatifs aux congés accordés et aux demandes d'espaces de prière est facilitée par la mise en place d'un règlement intérieur assez bien écrit dans l'entreprise, afin de définir les règles d'emblée. Le problème se pose lorsque les entreprises ne définissent pas d'orientation et se laissent déborder par des demandes de plus en plus prégnantes. Face à une population salariée qui formule davantage de demandes relatives au fait religieux, je pense qu'il est impératif d'accompagner les chefs d'entreprise pour les aider à instituer un règlement intérieur, ce qui contribue à faciliter la vie de l'employeur et du salarié. Cela me semble important pour éviter d'être débordé et de ne plus être en mesure de gérer le quotidien.

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Geoffroy Roux de Bézieux, président du Mouvement des entreprises de presse (MEDEF)

Je vais revenir sur la dernière intervention. Je partage vos propos. Dans certaines entreprises à forte intensité de main-d'œuvre, avec une part importante de salariés musulmans, cette question a pu poser problème, puisque plusieurs salariés demandaient simultanément des horaires aménagés ou des congés. Le dialogue social et l'établissement d'un règlement intérieur ont cependant permis d'établir une forme de régulation ne nécessitant nul durcissement de la loi. Aujourd'hui, 20 % des entreprises ont un règlement intérieur, mais elles couvrent plus de 60 % des salariés. À ce stade, et avec beaucoup de prudence, l'arsenal législatif dont nous disposons nous semble suffire. Je suis néanmoins bien conscient que cette situation est extrêmement évolutive. Nous avons vu ce qui s'est passé entre 2015 et 2020. Il ne faut pas non plus nier l'émergence d'un phénomène générationnel, qu'il convient de prendre en compte. En fonction de l'âge, l'acceptation du fait républicain n'est pas exactement le même. En tant qu'organisations patronales, nous devons être vigilantes. Nous n'avons peut-être pas assez sondé nos adhérents pour avoir des remontées plus précises. Cela peut refléter un petit phénomène d'autocensure sur ces sujets.

Par ailleurs, je tiens à préciser certains de mes propos. L'épicerie casher ou halal est certes une entreprise communautaire, mais cela relève d'une certaine logique. Ma crainte porte sur l'instauration d'un système de recrutement communautaire, comme on a pu le constater dans l'activité des bagagistes de Roissy. Dans une entreprise privée, qui n'a pas de vocation communautaire de par la nature de son activité, et par un système de cooptation excluant un recrutement diversifié, il en résulterait ce phénomène de communautarisation. Cela équivaut au système de numerus clausus dans les ports, dans les années 1950, dans lesquels on ne pouvait être recruté que si l'on possédait telle ou telle carte syndicale – mutatis mutandis. Il y a un danger pour la République, parce que cela communautarise le monde de l'entreprise, qui n'a pas à l'être.

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François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

Nous débattons sur un sujet extrêmement délicat. Il ne faut pas être naïf sur ce plan : certaines personnes veulent du mal à notre République et à ce que nous sommes. L'entreprise est une sorte de microsociété. Pour une entreprise, il faut savoir le projet que le chef d'entreprise veut porter. Finalement, les enjeux de l'entreprise concernent toute la société. En tant que parlementaires et législateurs, vous avez une mission colossale. Il faut collectivement répondre à cette question et savoir ce que nous sommes. Si nous ne le savons pas, d'autres le savent très bien. Si nous sommes d'accord sur l'objectif que nous poursuivons, les outils que nous devons imaginer permettant de contrecarrer cet entrisme et qui n'existent pas à ce stade pourraient servir à ceux qui nous veulent du mal.

C'est pour cela que votre mission est extrêmement complexe et subtile. Les entreprises seules ne pourraient pas y répondre. Nous devons par ailleurs contribuer à cet objectif. Le présent entretien me semble d'ailleurs très intéressant pour inscrire ce sujet au cœur de nos préoccupations. Il est en tout cas préférable d'anticiper ces démarches, car le curatif nous coûte cher.

Je vous souhaite bon courage dans la suite de votre mission, qui est extrêmement importante pour les chefs d'entreprise, mais aussi pour l'ensemble du pays.

La séance est levée à quinze heures dix.

Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République

Réunion du mercredi 13 janvier 2021 à 14 heures

Présents. – Mme Laetitia Avia, Mme Géraldine Bannier, M. Philippe Benassaya, M. Florent Boudié, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Anne Brugnera, M. Francis Chouat, M. Alexis Corbière, M. François Cormier-Bouligeon, M. Charles de Courson, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Laurence Gayte, Mme Annie Genevard, Mme Florence Granjus, Mme Anne-Christine Lang, Mme Valérie Oppelt, M. François de Rugy