Intervention de Raphaël Schellenberger

Réunion du mercredi 19 janvier 2022 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Schellenberger :

Cette proposition de loi n'est pas anodine. Il ne s'agit pas simplement de faciliter la vie quotidienne d'un certain nombre de nos concitoyens confrontés, lors de leurs relations avec les services publics pour l'accomplissement de démarches anodines à des difficultés liées par exemple au fait que leur nom de famille est différent de celui que porte leur enfant. La société a changé, la composition des familles a évolué, et la lourdeur de certaines procédures peut conduire à des situations ubuesques, qui s'apparentent même à une forme de violence administrative. Nous avons tous reçu dans nos permanences des mères ou des pères élevant seuls un enfant portant le nom de leur ancien conjoint, ce qui entraîne pour eux des difficultés considérables. Il faut avoir ces situations à l'esprit, et mon groupe est évidemment favorable à ce que l'on remédie aux difficultés rencontrées par ces personnes. Toutefois, il ne faut pas oublier non plus certains grands principes d'organisation de notre société.

Dans nos permanences, nous recevons également des personnes en quête d'identité, à la recherche de leur filiation – car, parfois, notre société cherche aussi ses racines. Or, en matière de nom de famille, les règles juridiques ont été construites sur le grand principe du droit romain en vertu duquel seule l'identité de la mère est certaine – mater semper certa est. Parfois, dans des discussions comme celle-ci, il est bon de rappeler certaines évidences. Cette locution, que nombre de spécialistes de droit civil ont rencontrée au cours de leur carrière, est de celles qui servent à figer des principes, en l'occurrence la capacité à se souvenir d'où l'on vient. Il n'en demeure pas moins qu'il faut aussi apporter des réponses aux personnes pour lesquelles la filiation est synonyme de violence, parfois même d'inceste. Notre société n'accepte plus de tels faits. Il importe de trouver des solutions pour ces cas individuels.

Du fait du vecteur juridique qui est proposé, à savoir une proposition de loi, le texte n'est accompagné ni d'une étude d'impact ni d'un avis du Conseil d'État. Or c'est un pan important du droit de la filiation qu'il est proposé de modifier. L'approche retenue nous paraît donc fragile. Qui plus est, le droit de la filiation et les règles de transmission du nom ont déjà beaucoup évolué au cours des dernières années. Modifier les règles d'attribution du nom de famille, c'est toucher à ce qui constitue le cœur du droit de la filiation.

Nous partageons la préoccupation consistant à faciliter la vie administrative des gens, comme le propose l'article 1er. C'est une nécessité. Nous partageons également la volonté de simplifier la procédure de changement de nom dans un certain nombre de cas difficiles, notamment pour permettre le choix du nom du parent qui n'est pas synonyme de violence ou de maltraitance. Pour autant, il faut se garder de faire preuve d'une trop grande légèreté, comme celle qui consiste à confier la procédure à un simple officier de l'état civil. Si les grandes collectivités ont des services de l'état civil importants, il arrive que, dans les petites communes, le maire soit seul pour effectuer ces missions et se trouve confronté à des situations qu'il connaît personnellement, dans lesquelles il ne lui est pas facile d'apporter une réponse ou de trancher.

Lors de la discussion des articles, nous défendrons plusieurs dispositions. À l'issue de l'examen du texte, la position de mon groupe dépendra de l'équilibre qui aura été trouvé entre la préservation de certains grands principes en matière de filiation et la nécessité de faciliter la vie de nos compatriotes.

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