Intervention de Renaud Van Ruymbeke

Réunion du jeudi 25 juin 2020 à 15h05
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Renaud Van Ruymbeke, magistrat honoraire :

L'idée de ne pas faire peser sur un seul juge des décisions lourdes de conséquences me paraît tout à fait légitime. On réduit souvent les affaires à un juge, alors qu'ils sont souvent deux ou trois. J'ai eu des aventures diverses dans le cadre des co-saisines. Il faut désigner, sinon des équipes, du moins des juges qui s'entendent et qui ont les mêmes méthodes. C'est une question de ressources humaines : le résultat peut être paralysant, mais la co-saisine ne conduit pas nécessairement à un ralentissement.

En revanche, j'ai souvent dit à des collègues que si l'on est trois à entendre une même personne, cela fait un peu tribunal et c'est lourd : on peut le faire à deux seulement. C'est une question de répartition des tâches. Par ailleurs, la co-saisine devrait permettre d'éviter un excès de personnalisation. Souvent, le juge est attaqué parce qu'il est perçu comme étant seul. Lorsqu'une collégialité existe, on ne peut pas faire ce reproche : normalement, le juge ne prend pas seul les décisions.

On n'a pas multiplié par trois le nombre de juges d'instruction. La charge de travail étant la même, un des juges co-saisis sert de pilote, étudie le dossier. Certains marchent à deux, en co-pilotes, mais l'usage que j'ai plutôt constaté est que celui qui est désigné en premier fait le travail d'investigation et en réfère aux autres, normalement, lorsque des décisions majeures doivent être prises. Par ailleurs, il y a deux ou trois juges lors des auditions particulièrement importantes. On peut aussi se répartir les différents aspects d'un dossier.

Dans les dossiers très lourds et très compliqués, de trente ou cinquante tomes, le problème est que si un collègue voit le volet A et moi le volet B, je ne saurai pas ce qu'il y a dans le volet A. Or il faut qu'il y ait une unité. J'ai toujours considéré qu'il m'appartenait, dès lors que j'étais désigné en premier, de travailler tout le dossier ; sinon, certaines connexions ne peuvent pas être faites. C'est une vraie difficulté.

Depuis l'affaire Cahuzac, notamment, le parquet national financier (PNF) a été créé, et il existe désormais des assistants spécialisés – les juges peuvent bénéficier de leurs compétences techniques, par exemple en ce qui concerne les saisies. Les enjeux sont considérables dans les affaires financières, où des dizaines de millions d'euros se promènent dans les paradis fiscaux.

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