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L'Afrique est un continent capital pour notre pays, humainement, historiquement, stratégiquement, économiquement, culturellement et intimement. Nos relations avec l'Afrique sont profondes, riches et complexes, parfois conflictuelles et douloureuses, mais toujours interdépendantes et intenses. Aussi, se pencher sur ce sujet n'est jamais superflu et le débat qui se tient aujourd'hui est nécessaire. Je veux s...
...rtant bien inspirée de vous engager davantage pour ce département français, seule terre française habitée du canal du Mozambique, dont le gaz est plus stratégique que jamais pour l'Europe depuis la guerre en Ukraine. Mayotte est par ailleurs vulnérable face à la menace terroriste de Daech, nichée à 500 kilomètres de nos côtes, au Mozambique. Mayotte est aussi un sanctuaire tricolore au large de l'Afrique, un sanctuaire de plus en plus précieux au fur et à mesure que la présence militaire française s'étiole sur le continent. Mayotte et son lagon mériteraient d'être pivot dans la stratégie indopacifique de notre pays : notre île est en capacité d'accueillir un port militaire français en eaux profondes sans subir une cohabitation à la djiboutienne – ce que souligne la loi de programmation militaire....
Notre perception des partenariats entre la France et l'Afrique ne doit pas être surdéterminée par l'agitation de putschistes du Sahel et d'influenceurs prorusses ou salafistes. Deux exemples me paraissent révélateurs. Dans une de ces polémiques franco-françaises dont nous avons le secret, on nous affirmait, il y a quelques semaines, qu'à la suite du coup d'État au Niger, la France avait rompu tout lien de coopération culturelle avec les artistes du Sahel. S...
... France Alumni Mali, le réseau des anciens étudiants maliens en France, que suivent la délégation de l'Union européenne au Mali et l'agence de coopération suisse. Malgré la junte prorusse, c'est un témoignage remarquable des liens qui se tissent encore entre le Mali, la France et l'Europe. Ainsi, c'est en partant de la réalité des liens franco-africains, de celle des besoins et des attentes de l'Afrique, que l'on peut construire une politique durable. Telle est bien la démarche que les ministres nous ont présentée et qu'il nous revient d'approfondir. Depuis 2017, à l'initiative du Président de la République, la France a engagé un vaste aggiornamento de sa politique africaine afin de répondre aux attentes de partenariat gagnant-gagnant, nourrissant des liens durables et plus égalitaires. À rebou...
…complaisamment relayé sur les réseaux sociaux, qui croit trouver la cause de tous les maux de l'Afrique dans notre pays, ou dans l'Europe, et pourquoi pas dans le Président de la République !
Nous devons donc partir des besoins réels en Afrique, en considérant de façon lucide tant les possibilités considérables du continent que les risques qu'elles recèlent. Le problème de bon nombre de pays africains, c'est d'abord la pauvreté et un déficit énorme en infrastructures de base – routes, ponts, énergie –, pour lesquelles nous sommes encore très loin du compte. Comme me le confiait un ami très qualifié issu de la diaspora sénégalaise en Fra...
...e, j'avais remis au Gouvernement un rapport sur la coopération décentralisée, c'est-à-dire sur les échanges entre territoires français et africains – réseaux professionnels, associations, société civile. Il y a là un terreau considérable que certains postes diplomatiques s'efforcent de mobiliser, mais qui reste souvent sous-utilisé. Il permet de dessiner une autre géographie de notre relation à l'Afrique, loin des idées reçues. Relier les territoires et les pays africains est aussi une manière de mettre en avant une France diverse et pluraliste, qui dément la centralisation ou l'autoritarisme caricaturés par nos détracteurs. Ces liens démultipliés permettent de ne plus donner de prise à nos adversaires : nous parlons alors de nous tels que nous sommes, et non d'un fantasme. Nous donnons aussi ac...
...point d'orgue. Les premiers à en prendre bonne note – et comment pourrait-il en être autrement ? – sont les Africains eux-mêmes, qui ne peuvent que constater l'effacement de l'influence française sur le continent. Contrairement au Président de la République, je crois, pour ma part, que la disparition de sa politique africaine constitue un drame pour la France et une très mauvaise nouvelle pour l'Afrique. Comme je n'imagine pas que l'inscription de ce débat à l'ordre du jour par le Gouvernement vise à instruire le procès en incompétence du président Macron, ni que le terme de « partenariats renouvelés » reflète une quelconque volonté de mettre un terme à ce qui nous sert depuis six ans de politique étrangère, permettez-moi de me tourner vers l'avenir et, dans la suite de mon discours de N'Djamena...
...rgence car nos compétiteurs ne nous attendent pas et, comme il est compréhensible, les Africains se tournent vers les puissances qui paraissent le plus en mesure de leur apporter les soutiens dont ils ont besoin. Néanmoins, notre pays dispose sur le continent d'un capital d'histoire et de langue partagées, dont j'ai la conviction qu'il nous permet toujours de nous inscrire dans le temps long de l'Afrique et de ne pas désespérer. J'entends donc proposer ma vision d'une relation entre la France et l'Afrique, qui récuse les repentances infondées et les nostalgies d'antan. Avec la même conviction, je récuse l'inscription de la relation franco-africaine dans un cadre multilatéral désincarné qui impose au continent des modèles politiques, économiques et même anthropologiques qui ne tiennent pas compte...
…que « si je veux que l'Afrique soit la première des priorités internationales de la France, ce n'est ni par charité, ni par cupidité ; c'est, tout simplement, parce que notre intérêt commun rencontre notre amitié réciproque. La France doit avoir une politique africaine et, au sein de celle-ci, des priorités et des alliances privilégiées avec ses amis historiques. » En raison de son histoire, de son savoir-faire technique, de ...
... la dynamisation de la francophonie et le développement de nos échanges commerciaux, qui sont scandaleusement insuffisants – je rappelle que la zone franc n'absorbe que 0,6 % du commerce extérieur français. Et puisque j'évoque la francophonie, permettez-moi de m'arrêter quelques instants sur ce sujet. La francophonie est l'autre grande réalité humaine qui doit structurer notre partenariat avec l'Afrique, car elle trouve sur le continent africain un cadre de développement naturel. À mes yeux, la francophonie n'est pas la roue de secours de l'influence française. Comme le disait Léopold Sédar Senghor ,
...la francophonie devra être la base du développement d'une véritable union francophone. J'ai d'ailleurs eu l'occasion d'en présenter les grandes lignes durant la campagne présidentielle avec, entre autres, un volet économique et financier comportant la création d'une banque de développement de la francophonie, à laquelle serait adjointe une agence francophone de promotion de l'industrialisation en Afrique. Cette dernière pourrait notamment relancer l'initiative d'électrification de l'Afrique, prise il y a quelques années par Jean-Louis Borloo. À plus court terme, je suis convaincue qu'il faut dépasser la notion d'aide publique au développement, dont le sens est étroitement budgétaire, pour redonner tout son lustre au concept de coopération. La coopération rénovée, c'est notamment la promotion des...
... faire, dès maintenant, pour voir aboutir un cercle vertueux qui amènera deux milliards d'Africains à vivre de leur travail, selon leurs propres valeurs, leurs propres identités et leurs propres cultures, sous la gouvernance d'États stables. Il y va de l'intérêt de la France et des pays africains ; plus largement, c'est une nécessité pour la stabilité du monde. De ces intérêts pour notre pays en Afrique – intérêts que nous n'avons pas à cacher, parce qu'ils sont légitimes, et donc compréhensibles par tous – découleront des objectifs logiques, des politiques publiques cohérentes et des moyens adaptés. La politique africaine de la France doit redevenir une réalité ; c'est ainsi que nous disposerons d'un réel instrument de solidarité internationale, mais aussi de rayonnement et de sécurité, au béné...
...lementaire devrait donc être la « première étape d'un processus démocratique, consultatif et transparent pour repenser en profondeur l'avenir de nos relations avec les pays africains », comme y invite une tribune signée par quelques dizaines de responsables d'ONG, de chercheurs et d'anciens diplomates. Cette tribune précise que le rejet exprimé dans des proportions variables aux quatre coins de l'Afrique francophone ne vise pas la France et les Français en général, mais bien la politique menée par notre pays.
Ce déficit démocratique n'est pas un détail : il est au cœur du désastre. Pour qu'enfin on nous accorde ce temps de débat, sans vote, il aura fallu un affaiblissement sans précédent – certains diraient un effondrement – de nos relations en Afrique. La stratégie, ou plutôt l'absence de stratégie de la France en Afrique depuis des années, est d'abord le résultat de décisions et de non-décisions prises dans l'entre-soi élyséen. Il y a eu une suite de choix erronés, de fautes, d'aveuglements. Comment pouvait-on croire, par exemple, que la militarisation quasi exclusive de nos relations avec le Sahel mènerait ailleurs que dans le mur ? Si les ...
Pire, la crise multiforme affectant nos relations avec nombre de pays africains ne se limite pas au Sahel. Dans toute l'Afrique francophone, le crédit est entamé. Nous pouvons en témoigner, pour nous être récemment rendus en République démocratique du Congo, premier pays francophone du monde :
on n'observe pas de rupture, mais la défiance existe et il y a urgence ! Certes, il n'existe pas de solution miracle pour sortir de l'ornière, dans un contexte international où nous ne maîtrisons qu'une partie des paramètres. Mais commençons déjà par changer le fond et la forme de la politique de notre pays en Afrique. D'abord, abandonnons tout paternalisme. À l'Élysée, on n'a pas rompu avec le vieil imaginaire : les sommets convoqués sans ménagement, les sermons aux chefs d'États africains, les gestes et paroles vexatoires qu'on ne se permettrait jamais en Chine ou aux États-Unis.
Les petites blagues condescendantes ont laissé de mauvais souvenirs en Afrique. Ensuite, cultivons l'entraide. Oui, remplissons notre engagement de consacrer 0,7 % du PIB dévolu à l'aide publique au développement ; surtout, inscrivons cette aide dans une logique d'entraide. En République démocratique du Congo, nous l'avons dit sur place, nous sommes venus aussi pour apprendre, pour échanger. Cette démarche a été appréciée, car elle correspond à l'intérêt mutuel des deux pe...
Enfin, redonnons à la politique de la France en Afrique les moyens nécessaires à sa cohérence. Le rapport de nos collègues Fuchs et Tabarot esquisse des pistes. Oui, il faut redonner au ministère de l'Europe et des affaires étrangères un rôle central ; oui, il faut associer le Parlement, cette chambre étant dépositaire de la souveraineté.