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Car le féminisme ne concerne pas exclusivement les femmes : c'est l'histoire multimillénaire d'une émancipation. Voilà pourquoi aujourd'hui, je le répète, nous devons consacrer le droit à l'avortement. La constitutionnalisation de l'IVG s'inscrit dans une longue histoire de privation des femmes à disposer de leur corps, dans la continuité de toutes les mobilisations féministes. Cette victoire est d'abord celle de tous les militants des associations et des collectifs : je veux saluer leur présence dans les tribunes et leur exprimer notre reconnaissance pour leur engagement à faire vivre les droits des femmes au quotidien.
Militantes féministes de tout temps, si ce débat existe et si cette victoire est proche, c'est d'abord grâce à vos combats ! Car derrière la loi, il y a toujours une foule. Et c'est une longue foule de militantes qui a arraché le droit à l'IVG en 1975, leur combat qui a permis le remboursement de l'IVG par la sécurité sociale en 1981, porté à 100 % depuis 2013, et qui a imposé l'allongement des délais de dix à douze semaines en 2001, puis de douze à quatorze semaines en 2022. C'est toujours cette foule qui a arraché, victoire après victoire, le droit des mineurs à avorter sans accord parental, la suppression du délai de réflexion, la c...
Depuis les années soixante et jusqu'au troisième millénaire, le droit à l'IVG aura été un champ de bataille permanent. Nous sommes conscientes qu'il n'y aura jamais de marbre assez puissant pour graver définitivement ce droit, conscientes que la formulation retenue n'est pas celle que nous aurions souhaitée, mais le temps venu, le peuple l'améliorera dans le cadre de la Constituante en y ajoutant le droit à la contraception, corollaire du droit à l'avortement. Mais l'inscr...
...u'au cours des premières semaines de la grossesse, dont le nombre est déterminé par la loi, c'est la liberté de la femme qui prévaut, mais qu'après la fin du délai légalement prévu, c'est la protection de l'enfant à naître qui prévaut. C'est donc cet équilibre délicat qui permet la conciliation de ces deux principes fondamentaux que nous devons préserver quand nous débattons de l'inscription de l'IVG dans notre Constitution. À la lecture du discours tenu par Simone Veil à cette tribune, il y a quarante-neuf ans, je suis convaincue que son intention ne relevait pas du militantisme. Je crois qu'elle visait comme législatrice, de manière pragmatique, responsable et humaine, à mettre fin à des situations de détresse inacceptables pour les femmes, alors que les pratiques illégales d'IVG étaient co...
...rès nombreuses autres dispositions relatives aux droits des femmes ont été présentées et soutenues par des gouvernements de droite. Chez les Républicains, nous revendiquons une exigence forte : celle de nous assurer que l'équilibre de la loi Veil soit toujours maintenu et la liberté de conscience de chacun respectée. Si à titre personnel, en tant que femme, je suis favorable à l'inscription de l'IVG dans la Constitution, j'ai en tant que législateur constituant, un devoir fondamental prioritaire qui l'emporte sur mon avis personnel et sur ma condition genrée : celui de m'assurer que cette inscription de l'IVG – à laquelle, je le répète, je suis favorable – n'aboutisse pas d'une manière ou d'une autre à la réduction, au grignotage, voire à la négation de l'autre droit fondamental qu'est le re...
Mais le Gouvernement a tenu à ajouter dans son texte que la liberté de la femme d'avoir recours à l'IVG lui est garantie. Aussi ouvre-t-il un questionnement sur le caractère opposable de cette liberté,…
..., j'aurai besoin que vous expliquiez comment pourra statuer le Conseil constitutionnel face au cas suivant : une femme ayant découvert sa grossesse tardivement, à la douzième semaine par exemple, et vivant éloignée d'un centre hospitalier ou n'ayant pas pu consulter un médecin ou une sage-femme dans les temps – on sait que cela arrive malheureusement –, estime que sa liberté d'avoir recours à une IVG, pourtant garantie par la Constitution, n'a pas été effective et demande à pouvoir y recourir hors délai. Que décidera le juge constitutionnel ? Comment statuera-t-il ? Nous avons besoin de connaître votre réponse.
Autre doute : aujourd'hui, la liberté de la femme à avoir recours à l'IVG est déjà un principe à valeur constitutionnelle, comme le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie, et ces deux principes ont donc la même valeur au regard de notre Constitution ; or demain, ce texte va y inscrire en toutes lettres l'IVG – je répète que j'y suis favorable –, mais pas le droit de l'enfant à naître. Que dira le juge constitutionnel le jour où il aura à interpréter l'i...
C'est bien pour nous prémunir du premier extrémisme que l'inscription de l'IVG dans la Constitution est à l'ordre du jour et que j'y suis favorable. Même si l'IVG n'est pas en danger juridiquement en France,…
...lle dignité cela demande ! J'espère que nous saurons collectivement en faire preuve, tant le sujet est important – il touche à l'intimité des femmes. N'oublions pas non plus ce que cela signifie. Aujourd'hui comme hier, il nous faut justifier la défense de ce droit et la nécessité d'en garantir la protection. Le 24 novembre 2022, trente-deux députés ont voté contre la constitutionnalisation de l'IVG. Sous couvert d'une meilleure protection des femmes et de leurs intérêts, les arguments avancés n'avaient en réalité pour objet que de limiter ce droit. Cela interroge. Cela effraie. Cela illustre malheureusement que ce droit, que nous pensons fondamental et inaliénable, n'est pas hors d'atteinte, y compris dans nos démocraties. Cela justifie d'autant plus l'impérieuse nécessité de l'inscrire da...
Si Simone Veil avait malheureusement dû s'excuser d'être une femme devant une Assemblée « presque exclusivement composée d'hommes », je ne m'excuserai pas d'être un homme défendant la liberté de recourir à l'IVG. D'une part, parce que c'est un honneur de le faire devant les nombreuses femmes désormais assises dans l'hémicycle – vous l'avez rappelé, madame Bergé : c'était inenvisageable il y a cinquante ans. D'autre part, parce que je suis convaincu que les hommes doivent eux aussi se saisir de ce sujet, comme de tous ceux qui ont trait à l'égalité entre les femmes et les hommes.
... Chabrol avait réalisé en 1988 un film magnifique : Une affaire de femmes. Aujourd'hui, on peut dire que ce n'est pas seulement une affaire de femmes ni même de genre, mais que c'est une affaire de société. Je crois fermement qu'il est de notre rôle non seulement de législateurs, mais avant tout de citoyens et de citoyennes, de nous prononcer résolument pour la constitutionnalisation de l'IVG. Il y va de notre responsabilité et de notre devoir de protéger la liberté, demain, de nos filles et de nos petites-filles à disposer de leur corps. Comme Simone Veil, je rappellerai qu'aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement. Sur ce point, rien n'a changé. Jamais aucun jugement ne doit être porté sur les raisons qui la poussent à y recourir. L'onde de choc provoquée par la déc...
C'est un grand jour aussi pour les socialistes, auteurs de plusieurs textes tendant à renforcer et à protéger l'IVG. En 2018, nous défendions déjà un amendement visant à reconnaître dans le préambule de la Constitution de 1946 le droit d'avoir accès à une contraception adaptée et gratuite ainsi que de recourir librement à l'IVG.
ainsi que toutes celles et tous ceux qui, parmi nous, portent ce combat. Ne laissons personne confisquer cette victoire. À ceux qui prétendent que le droit d'avorter n'est pas menacé en France, je rappelle les exemples des sept États américains ayant, depuis l'arrêt de la Cour suprême, interdit l'IVG, même en cas de viol ou d'inceste. Je leur rappelle aussi l'exemple de nos voisins européens, comme la Pologne, où désormais seules les IVG en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère sont autorisées ; comme la Hongrie, qui oblige les femmes souhaitant avorter à écouter battre le cœur du fœtus ; comme le Portugal, qui impose depuis peu aux femmes un examen psychologique préalable. Personne...
Certes, le droit à l'IVG aurait pu être consacré plus fortement encore si nous avions été plus ambitieux. Nous aurions préféré la consécration d'un droit plutôt que celle d'une liberté, afin de garantir un véritable droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse, sans qu'il soit nécessairement rattaché à la liberté personnelle. Nous n'aurions pas introduit l'IVG à l'article 34 mais nous aurions plutôt consacr...
...nnalisation d'une liberté : celle de recourir à l'interruption volontaire de grossesse, dont disposent aujourd'hui les femmes françaises. Cette liberté n'est, fort heureusement, que très marginalement remise en cause dans notre pays. De récentes manifestations, bien que concentrées et minoritaires, se qualifiant elles-mêmes de « pro-vie », nous rappellent toutefois que la liberté de recourir à l'IVG ne fait pas encore pleinement consensus. D'autres, sans renier la liberté de la femme, estiment que l'IVG n'a pas sa place dans la Constitution. Je leur réponds en reprenant à mon compte l'avis, limpide, du Conseil d'État qui précise en son point 10 que « Le caractère réversible et limité de la protection conférée par la loi ordinaire justifie, pour le Gouvernement, que soit garantie par la Cons...
À ceux qui s'inquiètent d'un éventuel déséquilibre entre deux principes à valeur constitutionnelle – la liberté de la femme et le respect, contre toute forme de dégradation, de la dignité de la personne humaine –, je réponds que ce n'est nullement l'intention de ce projet de loi. Ce dernier n'a qu'un but : encadrer l'office du législateur afin qu'il ne puisse interdire tout recours à l'IVG, ni en restreindre les conditions d'exercice à un point tel qu'il priverait cette liberté de toute réalité. Cette constitutionnalisation, c'est l'assurance pour les femmes françaises que nul ne pourra remettre en cause leur liberté de choisir. Cette liberté est bien trop importante, structurante et essentielle, pour que nous baissions la garde et ne fassions preuve de la grande vigilance à laque...
...e ne fait à ce jour l'objet d'aucune consécration dans nos textes fondamentaux – ni dans la Constitution, ni dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni dans le droit de l'Union européenne. Si le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 27 juin 2001, a fait le choix d'adosser la valeur constitutionnelle de la liberté de la femme d'avoir recours à l'IVG à celle de la liberté de la femme prévue par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le temps est venu de lui conférer une valeur constitutionnelle autonome. Certes, la Constitution n'est pas un catalogue de droits sociaux. « La Constitution, c'est l'esprit d'un peuple, d'une époque et d'une volonté » déclarait Jean-Louis Debré le 4 octobre 2018, à l'occasion du soixan...
Depuis bientôt cinquante ans, les femmes ont acquis, par la loi Veil, le droit de recourir à l'IVG ; pourtant elles se sentent toujours obligées de se justifier. Depuis cinquante ans, cette justification permanente – n'en déplaise à ceux qui prétendent que rien n'est en danger – rappelle que rien n'est gagné ni acquis. Les manifestations contre nos droits, les agressions à proximité des centres IVG, les attaques récurrentes contre le Planning familial, tout cela rappelle cruellement que malgr...
...e qui produit une fracture dans le socle des droits fondamentaux. En pareil cas, les femmes sont toujours les premières victimes. J'insiste, ce sont bien des bascules politiques conjoncturelles qui défont les libertés durement acquises. Cette réalité concerne aussi la France, où des sites incitent les femmes à culpabiliser ou à renoncer à leurs droits, où des déserts médicaux rendent l'accès à l'IVG inégalitaire sur le territoire, et où certains médecins refusent de pratiquer cette intervention ou culpabilisent les femmes. Directement ou indirectement, nous avons toutes connu cette honte que nous ne ressentions pas, mais que certains se sont sentis en droit de nous imposer. Cela passe par nos proches, par nos familles, par notre entourage. Cette honte-là doit changer de camp. Je le répète, ...