M. Vincent Rolland interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur le sujet de l'usage de lunettes de tir à visée thermique pour les tirs de défense face à la prédation. Les agriculteurs sont les ambassadeurs d'une agriculture de qualité qui fait la réputation des territoires, l'entretien des paysages ainsi que la gestion des sols contre l'érosion. Aux yeux du grand public, cette situation pourrait paraître parfaite mais elle ne l'est surtout pas. La pression qu'exerce le loup sur les élevages est insupportable. Les éleveurs sont à bout ! 60 millions d'euros pour protéger une espèce pourtant en voie d'expansion. Le pastoralisme est en grande difficulté face à la prédation et la santé mentale des agriculteurs se dégrade avec cette crainte permanente de l'attaque. Les agriculteurs ne tiendront plus longtemps avec une pression si importante sur leurs troupeaux, la faune sauvage est également menacée. Il est urgent de trouver des moyens supplémentaires pour la défense des troupeaux. À ce jour, l'utilisation de lunettes de tir à visée thermique est réservée aux seuls lieutenants de louveterie et agents de l'OFB. Les agriculteurs autorisés à tirer (avec le permis de chasser et la formation dispensée par l'OFB) ont actuellement comme seuls moyens, une arme de chasse et une simple lampe pour les tirs de défense nocturnes. Ainsi, il lui demande s'il va autoriser l'usage de lunettes de tir à visée thermique aux agriculteurs accrédités à intervenir lors de ces tirs de défense.
Le loup, est une espèce « strictement protégée » au titre de la convention de Berne et de la directive européenne « habitats, faune, flore », mais son expansion dans un contexte d'activités pastorales remet en question la vitalité de certains territoires. La politique mise en œuvre dans le cadre du plan national d'actions (PNA) pour le loup et les activités d'élevage 2018-2023 vise à concilier un double impératif : d'une part, assurer les engagements en terme de protection du loup et, d'autre part, permettre au pastoralisme d'atteindre ses objectifs économiques, et garantir l'aménagement des espaces ruraux et le lien social indispensable à la vie des territoires. Les efforts menés ont permis de réelles avancées sur ce plan. En premier lieu, il convient d'observer que malgré l'augmentation de la population lupine et son expansion géographique (924 individus en sortie d'hiver 2022 contre 783 en 2021), les efforts menés ont permis une stabilisation des dommages aux troupeaux depuis 2019 (10 826 victimes en 2021 contre 12 451 en 2019). Cependant la tendance observée pour 2022, montre que le nombre d'attaques a augmenté et le ministre chargé de l'agriculture est particulièrement attentif à l'évolution de la situation. Ce bilan conforte l'importance de poursuivre et d'accentuer les actions historiquement menées en matière de protection des troupeaux. L'État accompagne financièrement les éleveurs pour la mise en place de mesures de protection des troupeaux (aide au gardiennage par les bergers, achat de clôtures, achat en entretien de chiens de protection, accompagnement technique) dans le cadre de la mesure prédation relevant de la politique agricole commune (PAC). En 2022, 32,7 millions d'euros (M€) ont été engagés afin d'aider 3 391 éleveurs. Un dispositif d'accompagnement technique des éleveurs a été ouvert en 2018 en vue d'optimiser l'efficacité des moyens de protection. Cette mesure a été principalement utilisée pour accompagner les éleveurs à la mise en place et à l'utilisation des chiens de protection grâce à des conseils personnalisés et des formations collectives. Ils ont ainsi pu bénéficier des savoirs et savoir-faire du réseau national d'expertise sur les chiens de protection mis en place courant 2018 et désormais bien implanté. Par ailleurs, depuis 2020, un soutien plus important a été mis en place pour les éleveurs situés dans les foyers de prédation grâce au déplafonnement des dépenses de gardiennage par des bergers salariés ou prestataires et, pour ceux situés en front de colonisation, les éleveurs ont été nouvellement éligibles à l'aide pour l'acquisition, l'entretien et la formation à l'utilisation des chiens de protection. Par ailleurs, un échantillon de 200 élevages fortement prédatés fait l'objet d'expertises et d'un accompagnement spécifique. Enfin, des brigades de bergers mobiles sont déployées dans les parcs nationaux alpins afin de venir prêter main forte aux bergers en difficulté. En matière d'indemnisation des dommages, près de 4,2 M€ ont été versés en 2022 à la suite de 4 277 constats d'attaques. Pour réduire la pression de prédation sur les troupeaux et tenir compte de la dynamique démographique du loup, le Gouvernement met également en œuvre une politique de tirs dérogatoires à l'interdiction de destruction de l'espèce prévue par le cadre européen. Depuis 2020, le plafond est fixé à 19 % de l'effectif estimé, en se fondant sur les données du suivi hivernal de la population de loups fournies par l'office français de la biodiversité (OFB). Ce cadre d'intervention prévoit la possibilité d'un plafond supplémentaire de 2 % si le seuil de 19 % venait à être atteint avant la fin de l'année, afin de permettre la poursuite des tirs de défense simple toute l'année pour défendre des troupeaux. En 2022, 169 loups ont été prélevés dans ce cadre sur un plafond maximum de 174. Une gestion maîtrisée de ce plafond permet de cibler les prélèvements vers les loups en situation d'attaque et les foyers de prédation. En 2022, au-delà des actions historiques, conscient des conséquences de l'augmentation de la population lupine, des pistes d'évolution ont été identifiées et des nouvelles actions ont été lancées. Dans le cadre de la nouvelle PAC qui a commencé en 2023, le dispositif d'aide à la protection des troupeaux est conservé et intègre des adaptations visant à mieux couvrir les besoins identifiés par les éleveurs, notamment pour les élevages situés dans des foyers de prédation et en zone de plaine. En matière d'indemnisation, une revalorisation des montants liés aux pertes directes relevant de la prédation sera mise en œuvre début 2023. Pour les pertes indirectes (perte de lactation, avortements, etc.), une étude a été engagée afin d'ajuster au mieux les montants d'indemnisation aux préjudices financiers. Par ailleurs, des travaux sont en cours pour simplifier les procédures et réduire les délais de paiement à travers notamment l'utilisation d'une application permettant les constats dématérialisés sur le terrain. Concernant le suivi de la population de loups, des efforts de formation des acteurs du réseau de collecte ont été développés afin, d'une part, de mieux faire connaître et reconnaître la méthode utilisée, identifiée par la Commission européenne comme l'une des plus complètes et efficaces en Europe, et, d'autre part, de renforcer la confiance en l'OFB, opérateur compétent en la matière qui mobilise un réseau sans équivalent de près de 4 000 correspondants en France. En complément de la constitution d'un réseau d'expertise sur les chiens de protection piloté par l'institut de l'élevage visant à conseiller et former des éleveurs à leur utilisation, des travaux ont été engagés pour mettre en place une « filière » chiens de protection. Il s'agit du recensement et de la caractérisation des chiens en activité pour pouvoir disposer, à terme, d'un outil de sélection des reproducteurs, ainsi que de la mise en place d'un réseau d'éleveurs naisseurs. En parallèle, un meilleur suivi des incidents impliquant les chiens de protection a été mis en place depuis l'été 2021. Enfin, le Gouvernement a engagé une analyse des leviers juridiques et règlementaires afin de parvenir à une meilleure adaptation des différents textes qui s'imposent aux propriétaires des chiens, notamment concernant leurs conditions de détention et d'élevage. Le sujet de la révision du statut de « protection stricte » du loup dans les textes internationaux constitue une demande régulière des représentants du monde de l'élevage en tant que solution permettant de mieux réguler la population de loups dans un contexte de forte croissance de l'espèce. Cette préoccupation est partagée par d'autres États membres européens. La perspective d'un déclassement du loup dans les textes internationaux s'avère cependant un objectif d'une part difficilement atteignable à court terme compte tenu des règles de décisions et d'autre part qui ne lèverait pas l'obligation de maintenir l'espèce dans un bon état de conservation en application de la directive européenne dite « habitats, faune, flore ». Pour permettre aux États membres d'organiser au mieux la coexistence entre activités d'élevage et présence du loup, la France défend le principe selon lequel le cadre européen, en particulier le guide interprétatif de la directive « habitats, faune, flore » doit pouvoir donner aux États membres la flexibilité nécessaire. Par ailleurs, elle souhaite que soit mise en place une réflexion prospective sur les conditions permettant de caractériser le bon état de conservation de l'espèce à l'échelle européenne. Dans ce contexte, l'élaboration du futur PNA fait l'objet de discussions avec les organisations professionnelles agricoles et les associations de protection de l'environnement sous l'égide du préfet coordonnateur du plan loup. Elles sont soumises au groupe national loup et activités d'élevage. L'objectif est de conserver un esprit de dialogue et de concertation avec l'ensemble des parties prenantes et de parvenir à un traitement équilibré du dossier au regard des différents enjeux.
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