M. Damien Abad attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie, sur les critères d'évaluation des offres des entreprises dans le cadre des marchés publics. En effet, le critère prix semble trop souvent déterminant pour la sélection d'une entreprise plutôt qu'une autre, même lorsque la différence est très faible sur les montants proposés. Ceci est particulièrement manifeste lorsque les commandes sont passées dans le cadre de centrales d'achats et notamment dans le domaine hospitalier. Sur ce secteur plus précisément, c'est d'autant plus dommageable que les entreprises nationales ont su se mobiliser, s'adapter et apporter rapidement des solutions pragmatiques pour pallier les pénuries de matériels et de ressources auxquels devaient faire face les structures de santé. C'est pourquoi M. le député propose de réfléchir à des modalités pour que les autres critères comme la localité ou la qualité du service fourni puissent être mieux pris en considération, ce qui irait dans le sens de la volonté affichée par le Président de la République et son Gouvernement de soutenir l'activité des entreprises locales et les productions locales et nationales. S'ajoute à cela les fortes contraintes auxquelles doivent faire face les entreprises industrielles françaises, notamment après la crise sanitaire (difficultés d'approvisionnement) et la crise énergétique. Aussi, il souhaiterait savoir si le Gouvernement envisage de faire évoluer les critères de sélection dans le cadre des appels d'offres pour une meilleure prise en compte des éléments de proximité et d'expertise technique locale pour la sélection des entreprises.
Le Gouvernement partage la volonté exprimée de soutenir l'activité locale et de permettre à notre industrie de faire face aux questions d'approvisionnement et énergétiques. L'acheteur peut déjà attribuer son marché sur des critères autres que le prix. Afin de renforcer la prise en compte des aspects qualitatifs, environnementaux et sociaux des offres lors de l'attribution des marchés publics, la loi relative à l'industrie verte du 23 octobre 2023 a consacré ces critères à l'article L. 2152-7 du code de la commande publique. Ainsi, l'acheteur peut fixer des critères visant à promouvoir un niveau de qualité très élevé, par exemple en matière environnementale ou sociale, domaines dans lesquelles les entreprises françaises et européennes sont très compétitives. Au stade de la définition de son besoin, l'acheteur peut également se référer à des exigences contraignantes susceptibles d'être favorables aux entreprises locales, notamment dans la détermination des spécifications techniques ou des conditions d'exécution du marché dès lors que ces exigences sont liées à l'objet du marché et ne sont pas discriminatoires. De plus, l'obligation d'allotissement facilite l'accès des petites et moyennes entreprises (PME) à la commande publique tout en contribuant à diversifier les sources d'approvisionnement. En tout état de cause, dès lors que cela est nécessaire à la bonne exécution du marché, le droit de la commande publique autorise d'ores et déjà les acheteurs à utiliser des critères de sélection des offres et de conditions d'exécution visant à garantir la sécurité des approvisionnements ou encore la rapidité d'intervention. En outre, l'Union européenne s'est dotée, pendant la présidence française, d'un nouvel instrument de politique commerciale visant à garantir aux entreprises européennes un accès et des conditions de concurrence équitables au sein des marchés publics de pays tiers, favorisant ainsi une plus grande réciprocité dans l'ouverture des marchés publics. Issu d'un long processus législatif débuté en 2012, le règlement (UE) 2022/1031 du Parlement européen et du Conseil du 23 juin 2022 relatif aux marchés publics internationaux (dit « règlement IPI »), entré en vigueur le 29 août 2022, permet, au cas par cas, de restreindre l'accès à la commande publique européenne aux opérateurs venus d'États tiers (hors accord avec l'Union européenne) appliquant eux-mêmes des mesures restrictives ou discriminatoires à l'égard des entreprises européennes. En pratique, ces États feront l'objet d'une « mesure IPI » décidée par la Commission, mesure que les acheteurs devront appliquer afin d'exclure les entreprises concernées ou de baisser leurs notes lors de la procédure d'attribution. De la même manière, le règlement (UE) 2022/2560 du 14 décembre 2022 relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur, également adopté sous la présidence française, permet désormais de contrôler les subventions étrangères qui influencent des décisions d'investissement, facilitent l'acquisition d'entreprises européennes (concentrations) et permettent de présenter des offres déloyales à des marchés publics. Enfin, des négociations sont en cours s'agissant d'une proposition de règlement dit NZIA (Net Zero Industry Act), qui permettrait notamment, en l'état des discussions, au titulaire de marchés portant sur des technologies renouvelables, de ne pas utiliser, dans le cadre du contrat, plus de 50 % de produits issu d'un État tiers. Ainsi, la réglementation des marchés publics permet de valoriser la qualité technique des offres et leurs performances en matière sociale et environnementale. En accordant à ces critères une pondération supérieure à celle du prix, les acheteurs peuvent lutter contre la concurrence déloyale des entreprises étrangères et défendre le savoir-faire de nos entreprises. En revanche, les principes constitutionnels de la commande publique et le principe de non-discrimination s'opposent à l'utilisation de considérations géographiques dans le but de favoriser les opérateurs économiques à raison de leur localisation. Les juges européen et national censurent ainsi régulièrement les conditions d'exécution ou les critères d'attribution reposant sur l'origine des produits ou l'implantation géographique des entreprises qui ne sont pas justifiés par l'objet du marché. Par conséquent, toute modification du droit de la commande publique instituant un droit de préférence locale présenterait un fort risque tant d'inconstitutionnalité que d'inconventionnalité.
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