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Hubert Wulfranc
Question N° 8145 au Ministère de l’économie (retirée)


Question soumise le 23 mai 2023

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M. Hubert Wulfranc appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les modalités de rémunération de l'épargne réglementée, en particulier du livret A. L'attachement au livret A n'est pas le seul fait des foyers aisés comme le démontrent les données fournies par l'Observatoire de l'épargne réglementée : sur 2,6 millions de livrets A ouverts en 2020, les étudiants et mineurs en représentent 34 % alors qu'ils constituent 8 % de la population ; 52 % des ouvertures sont le fait des étudiants, chômeurs et inactifs tandis que les entrepreneurs n'en représentent que 2 % et les retraités 7 %. Depuis le premier quinquennat du Président de la République en fonction, le taux de rémunération du livret A ne garantit plus aux épargnants un taux de rémunération au moins égal à celui de l'inflation. Précédemment, la formule de calcul établissait un taux au moins égal à l'inflation et augmenté d'un quart de point, sauf en cas d'écart trop important entre l'évolution des prix à la consommation et les taux interbancaires, la rémunération étant alors alignée sur l'inflation. Alors que le taux annuel du livret A était resté systématiquement supérieur ou quasi équivalent au niveau de l'inflation depuis 1984, celui-ci est passé durablement sous le seuil de l'inflation depuis 2017 (0,75 % contre une inflation à 1 % en 2017 - 0,75 % contre 1,8 % en 2018 - 0,75 % contre 1,10 % en 2019 - 0,52 % contre 0,5 % en 2020 - 0,50 % contre 1,6 % en 2021 - 1,38 % contre 5,2 % en 2022). Depuis sa création en 1818, le taux de rémunération du livret A n'était jamais descendu sous le seuil de 0,75 % et ce, jusqu'en 2020. Le mouvement de hausse du taux de rémunération du livret A entamé en 2022 reste largement insuffisant pour compenser la hausse généralisée des prix. Alors que l'inflation mesurée par l'INSEE était de 6,3 %, le taux du livret A est passé au 1er février dernier à 3 % contre un taux de 3,3 % si le mécanisme d'indexation avait été respecté. Si les économies placées sur le livret A par les ménages modestes et les classes moyennes se dévalorisent déjà du seul fait de l'application du mécanisme d'indexation fixé par le Gouvernement, celles-ci sont également rognées par les décisions du Gouvernement qui s'exonère d'appliquer son propre mécanisme d'indexation comme le permet l'arrêté du 27 janvier 2021. En effet, cet arrêté relatif aux taux d'intérêt des produits d'épargne réglementée permet de déroger au mécanisme d'indexation du livret A en cas de circonstances exceptionnelles, une condition aux contours juridiques flous offrant une large latitude au gouverneur de la Banque de France pour proposer au Gouvernement de minorer, voir bloquer, toute hausse des taux de l'épargne réglementée. En fixant à 3 % le taux du livret A au 1er février 2023, contre 3,3 % comme prévu en application du mécanisme d'indexation, c'est une perte de 1,1 milliard d'euros supplémentaire en rythme annuel qui a été infligée aux épargnants. Au regard du niveau de l'inflation et de la hausse des taux interbancaires, le taux de rémunération du livret A devrait mécaniquement augmenter au 1er août 2023 à 4 %, voire même 4,3 %. Le directeur de la Caisse des dépôts et consignations s'est pourtant fait le relais du lobby bancaire le 25 avril 2023 sur France Info en déclarant souhaiter que le taux de rémunération, pourtant nettement inférieur au niveau d'inflation, « reste stable dans la durée », autrement dit, qu'il ne soit pas majoré au 1er août 2023. Le même directeur de la CDC ajoutant que « ce n'est pas la peine de faire du yo-yo avec le taux du livret A ». En cela il se fait l'allié objectif de la presse économique qui relaie depuis quelques jours la campagne active du lobby bancaire qui entend bloquer toute revalorisation du taux du livret A. Ainsi, Les Echos ont récemment titré « Livret A : les banques montent au créneau pour éviter une nouvelle hausse ». Comme leurs consoeurs européennes, les banques françaises profitent pourtant de la hausse des taux des prêts bancaires, certaines ayant même réalisé des bénéfices records en 2022 à l'image de BNP Paribas. L'exemple du groupe BPCE, mis en exergue par la presse spécialisée, illustre l'ineptie de l'argumentaire développé autour de la situation des banques françaises. En effet, si BPCE a dû débourser 700 millions d'euros supplémentaires en 2022 pour faire face à la hausse du taux du livret A, le groupe a néanmoins réalisé sur la même période un bénéfice net de 4 milliards d'euros, bien qu'étant historiquement le groupe bancaire le plus exposé aux conséquences des variations du taux du livret A. L'argumentaire développé autour de l'impact d'une hausse du livret A sur le coût de production du logement social doit également être relativisé. Les prêts délivrés par la CDC aux organismes HLM sont amortis sur une très longue durée, entre 30 et 50 ans, ce qui limite l'impact des variations du taux du livret A. De plus, les frais financiers des organismes de logement HLM se répercutent sur les loyers des locataires HLM qui sont souvent eux mêmes détenteurs d'un livret A ou d'un livret d'épargne populaire. La défense du logement social ne peut pas s'accommoder d'un étranglement des épargnants modestes, qui sont eux-mêmes les locataires du logement social. Une bonne partie de la masse d'épargne populaire centralisée par la CDC au sein du fonds d'épargne est investie en titres obligataires (110 milliards d'euros en 2021) émis par les États (principalement des titres représentatifs de la dette publique française) et les grandes entreprises ainsi qu'en actions émises par les entreprises privées (14 milliards d'euros). L'État fait porter à l'épargne populaire centralisée une partie significative de l'effort de financement de la dette publique et de l'investissement dans le capital privé, tout en contraignant sa rémunération en deçà de l'inflation au travers de la fixation de son taux d'intérêt alors que, précisément, le taux de ces placements obligataires est généralement indexé sur l'inflation. L'attaque initiale contre l'épargne réglementée est imputable à la politique de « banalisation » du livret A découlant de la mise en application de la loi du 4 août 2008 qui répondait aux demandes des grandes banques privées. Ces dernières souhaitaient accéder à la très vaste clientèle des titulaires de livret A, majoritairement peu encline à prendre des risques sur ses économies. Cette première étape franchie, s'en est suivie une baisse continue des taux de rémunération de l'épargne réglementée en vue de réorienter une partie de cette épargne sur des produits financiers, notamment boursiers, présentant des risques de pertes en capital pour les déposants, mais plus rémunérateurs pour les banques. Aussi, à défaut d'obtenir une modification de la règle de calcul du taux de rémunération du livret A qui permettrait d'assurer un rendement au moins égal, au taux d'inflation mesuré, il lui demande de bien vouloir appliquer au moins a minima la formule d'indexation du livret A en vigueur au 1er août 2023.

Retirée le 16 janvier 2024 (fin de mandat)

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