M. Julien Odoul attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la censure de l'essentiel des pouvoirs de fouille des douanes françaises. En effet, en juin dernier, le Conseil constitutionnel avait été saisi par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant l'article 60 du code des douanes, autorisant le contrôle des marchandises, des moyens de transport et des personnes et l'avait en septembre déclaré inconstitutionnel. Cette QPC faisait suite à une affaire judiciaire concernant le transport de 47 000 euros en espèces dans l'habillage de la portière d'un véhicule contrôlé par les douanes le 10 février 2020 au péage de l'A20 de Vierzon Nord. Prévue à l'audience du tribunal correctionnel du 18 mars, l'affaire n'avait pas été jugée sur le fond en raison de la demande de QPC de l'avocate de la défense, Maître Eugène Bangoura. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel indique que l'article 60 du code des douanes « autorise les agents des douanes à procéder à la visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes« et que « la lutte contre la fraude en matière douanière [...] justifie« ces opérations. Néanmoins, le Conseil constitutionnel a estimé qu'« en ne précisant pas suffisamment le cadre applicable à la conduite de ces opérations [...] le législateur n'a pas assuré une conciliation équilibrée entre, d'une part, la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, la liberté d'aller et venir et le droit au respect de la vie privée« . Par conséquent, les Sages ont déclaré l'article 60 du code des douanes contraire à la Constitution, en estimant que « l'abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles entraînerait des conséquences manifestement excessives« . En ce sens, l'abrogation de l'article 60 a été reportée au 1er septembre 2023, date jusqu'à laquelle le législateur dispose pour se mettre en conformité avec les principes constitutionnels. Cette décision pose un véritable problème de censure de pouvoirs qui sont pourtant essentiels à la douane française pour traquer les trafiquants de drogue sur notre territoire et la saisie des stupéfiants. Ainsi, depuis quelques mois, la référence à l'article 60 est avancé dans les plaidoiries des dossiers de « stups » liés à des saisies douanières et a plongé les procédures dans un flou juridique inédit. En misant sur l'obsolescence du cadre légal des fouilles, les défenseurs des trafiquants présumés ont obtenu plusieurs relaxes, voire des annulations pures et simples de saisies. Ce fut le cas à Lille le 13 octobre 2022, où la remise en cause de l'article 60 a permis la relaxe d'un homme arrêté dans un fourgon convoyant du matériel destiné à un réseau de passeurs du littoral. A Reims, c'est une saisie de 2,3 kilos de cocaïne qui a été frappée de nullité, dans un jugement rendu le 9 décembre 2022, invoquant la Déclaration des droits de l'Homme. L'un des deux passagers, contrôlé alors qu'il dormait dans le véhicule, portait la marchandise scotchée sur le ventre et sur le dos. En clair, ce flou juridique enlève non seulement un pouvoir massif à la douane mais empêche surtout les trafiquants d'être jugés et emprisonnés. Pour toutes ces raisons, M. le député souhaite connaître l'avancée des réflexions de M. le ministre sur la réécriture de l'article 60 du code des douanes pour permettre aux douanes françaises d'exercer leurs pouvoirs de fouille et continuer de traquer les trafiquants de drogue ou autres délinquants afin qu'ils puissent être jugés et condamnés.
Par décision n° 2022-1010 QPC du 22 septembre 2022, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions de l'article 60 du code des douanes étaient contraires à la Constitution. Tout en soulignant les garanties qu'apporte déjà la jurisprudence de la Cour de cassation, il a considéré que l'exercice du droit de visite par les agents des douanes n'était soumis à aucune condition propre à en circonstancier l'application. Toutefois, compte tenu des conséquences manifestement excessives qu'aurait entraîné une déclaration immédiate d'inconstitutionnalité de ce droit de visite, il a reporté au 1er septembre 2023 la date d'effet de sa décision. Cette décision n'emporte donc aucun effet d'ici au 1er septembre 2023. Le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces a été adopté à l'unanimité le 5 juillet 2023. L'article 2 de ce projet de loi procède à la réécriture de l'article 60 du code des douanes afin de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel. Les pouvoirs des douanes se voient donc non seulement confortés mais aussi renforcés.
1 commentaire :
Le 16/08/2023 à 15:27, Galion86 a dit :
comment expliquer alors que certains juges invalident les procédures douanières sur la base de la QPC du 22 septembre 2022 ? Faut-il leur rappeler la lecture complète des arrêts du Conseil Constitutionnel ?
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