M. Patrick Hetzel attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur l'engorgement des tribunaux. Un rapport des États généraux de la justice en juillet 2022 révèle un tableau d'une justice engorgée entraînant régulièrement des condamnations de la CEDH pour des délais non raisonnables. Cela peut avoir des conséquences dramatiques pour les victimes. En moyenne, les délais de jugement d'un dossier d'instruction sont de quatre années (en comptant le temps d'instruction et le délai d'audiencement). Une personne mise en examen et placée en détention provisoire peut exécuter simultanément une peine de prison. Le temps passé en détention provisoire (qui sera décompté sur le temps de prison auquel il sera condamné) se confond alors avec l'exécution de la peine effectuée dans le cadre d'une affaire distincte, il n'y aura pas de cumul de peines. Ce qui conduit au paradoxe de ne pas faire plus de temps de prison en ayant commis deux crimes qu'en en ayant commis un ! Cela est source d'incompréhension pour les concitoyens. Comment admettre que les dernières lois d'application des peines ne permettent plus d'être davantage sévère avec les multirécidivistes qu'avec les primo-délinquants ? Comment accepter qu'un suspect multirécidiviste, condamné lourdement aux assises, soit libéré avant l'exécution de sa peine pour être jugé à nouveau pour une affaire criminelle en 2023, pour des faits qui remontent à 2011 ? Tout cela illustre la nécessité de refonder en profondeur la procédure pénale afin que les délits et les crimes puissent être jugés avec efficacité et dans des délais raisonnables. Il y a urgence à établir des délais butoirs, à simplifier la procédure pour protéger davantage les victimes, à procéder à une révision générale de l'exécution des peines et enfin à réexaminer le système fondé sur des réductions de peines très généreuses. Sans cela, l'augmentation des effectifs et des moyens ne sera d'aucun effet dans l'amélioration du système. Aussi, il lui demande quelles mesures sont prévues dans le projet de réforme pénale afin que les peines retrouvent un véritable sens.
Sur l'imputation de la détention provisoire : Aux termes de l'article 716-4 du code de procédure pénale, la durée de la détention provisoire, à quelque stade que ce soit de la procédure, est intégralement déduite de la durée de la peine prononcée. Toutefois, la chambre criminelle de la Cour de cassation considère que cette déduction ne s'étend pas à la période pendant laquelle le détenu exécutait simultanément une peine d'emprisonnement résultant d'une autre condamnation (Cass. Crim., 14 fév. 2012, n° 11-84.397). La Cour de cassation considère en effet que la mise à exécution d'une peine d'emprisonnement a pour conséquence de suspendre les effets d'un mandat de dépôt délivré pour autre cause (Cass. Crim., 30 janv. 1991, n° 90-83.464). Pour mieux agir sur le risque de récidive et favoriser la réinsertion de la personne condamnée, le principe de l'individualisation de la peine commande d'adapter l'exécution de la peine à la situation de la personne condamnée et de « mobiliser tous les moyens adaptés de réinsertion à l'égard de ces personnes qui révèlent une fragilité particulière, sans pour autant les dédouaner de leur responsabilité ». La loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice du 23 mars 2019 s'inscrit dans cette idée en alignant le seuil des aménagements de peine d'emprisonnement ferme, ab initio ou sur le fondement de l'article 723-15 du CPP, à un an pour les condamnés récidivistes et non-récidivistes. Cette même loi supprime le seuil d'un an, qui était nécessaire pour qu'un aménagement de peine soit ordonné par le juge de l'application des peines à l'égard d'un détenu récidiviste, sous forme de semi-liberté, de placement extérieur (art. 723-1 du CPP) ou de détention à domicile sous surveillance électronique (art. 723-7 du CPP), pour l'aligner sur le seuil de deux ans. Toutefois, l'état de récidive est susceptible de donner lieu à l'application de mesures de sûreté lorsque la dangerosité de la personne est constatée, et permet ainsi le prononcé : - d'une surveillance judiciaire des personnes dangereuses (SJPD) – destinée à assurer la surveillance des condamnés considérés comme dangereux après leur libération – à l'encontre d'une personne condamnée à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à 5 ans (art. 723-29 du CPP). Au 31 décembre 2022, 253 mesures étaient suivies par les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP). Pour 2023, 239 mesures étaient en cours de suivi au 31 mars 2023 ; - d'un placement sous surveillance électronique mobile, dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire (art. 131-36-10 du CP) ou d'une SJPD (art. 131-36-9 du CP et art. 763-10 du CPP) à l'encontre d'une personne condamnée à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à 5 ans, au lieu des 7 années exigées pour les primo-délinquants. Cela représente 38 mesures au 31 décembre 2022 et 35 mesures au 31 mars 2023. En outre depuis la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté, la crainte d'une récidive donne lieu à l'application de deux autres mesures de sureté : la rétention de sûreté et le placement sous surveillance de sûreté. L'arsenal législatif permet ainsi de concilier les impératifs de réinsertion nécessaire des personnes condamnées et de protection des intérêts de la société par une appréciation concrète des situations par les juridictions de jugement et de l'application des peines. Sur les réductions de peines jugées "très généreuses" : La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire a procédé à une réforme en profondeur des règles relatives aux réductions de peine en mettant fin à l'automaticité du crédit de réductions de peine institué par la loi du 9 mars 2004. Il est désormais prévu un dispositif unique de réductions de peine que peut octroyer le juge de l'application des peines, après avis de la commission de l'application des peines, lorsque le condamné donne des preuves suffisantes de bonne conduite et manifeste des efforts sérieux de réinsertion (article 721 du code de procédure pénale). Sur l'exécution des peines jugée défaillante : Le ministère de la Justice est pleinement mobilisé pour garantir l'effectivité des sanctions pénales prononcées et leur exécution dans un délai satisfaisant, indispensables pour assurer la crédibilité de la justice pénale et éviter la réitération d'infractions. Aux termes de l'article 707 du code de procédure pénale, les peines prononcées par les juridictions pénales sont, sur décision ou sous le contrôle des autorités judiciaires, sauf circonstances insurmontables, mises à exécution de façon effective et dans les meilleurs délais. Les réformes législatives successives ont œuvré en faveur de la réduction des délais d'exécution des décisions judiciaires (création puis généralisation des bureaux d'exécution des peines (BEX), création au sein des juridictions des commissions de l'exécution des peines et de l'application des peines (COMEX), délais de convocation raccourcis du condamné devant le juge de l'application des peines ou le service pénitentiaire d'insertion et de probation dès l'audience de jugement (article 474 du code de procédure pénale) ). Le garde des Sceaux attache une importance particulière à ce que les peines prononcées par les juridictions puissent être exécutées rapidement et effectivement. Cet impératif est régulièrement rappelé aux parquets, et récemment encore à l'occasion de la diffusion de la circulaire de politique pénale générale du 20 septembre 2022. Le taux de mise à exécution des peines d'emprisonnement ferme est l'un des indicateurs statistiques pénaux analysés trimestriellement et annuellement par la sous-direction de la statistique et des études (SDSE). Un rapport sur l'état et les délais d'exécution des peines est par ailleurs transmis chaque année au garde des Sceaux par les parquets généraux conformément à l'article 709-2 du code de procédure pénale. Les rapports annuels du ministère public, publiés chaque année, démontrent que les juridictions font preuve de volontarisme, depuis de nombreuses années, afin d'améliorer les délais de mise à exécution des peines, notamment par la priorisation du circuit d'exécution de certaines décisions de justice telles que les condamnations prononcées pour les infraction faisant l'objet d'une politique pénale prioritaire, par la numérisation des pièces d'exécution et par la mise en place d'un suivi statistique et de gestion des stocks. Enfin, le ministère de la Justice intègre pleinement la recherche de l'efficacité des peines dans ses projets législatifs à venir. Ainsi, le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027, prévoit, dans son article 4, que la juridiction qui condamne un majeur pour un délit puni d'une peine d'emprisonnement à une peine de travail d'intérêt général a l'obligation de fixer, en même temps, le quantum maximum de l'emprisonnement ou de l'amende dont le juge de l'application des peines pourra ordonner la mise à exécution en tout ou partie, si le condamné ne respecte pas ses obligations, alors qu'il s'agit aujourd'hui d'une simple faculté. Ce même projet de loi fixe également une trajectoire pluriannuelle des moyens alloués au ministère, avec un objectif cible de 11 milliards d'euros de budget en 2027. Ces nouveaux moyens seront notamment consacrés à doter les prisons de 15 000 places supplémentaires et à renforcer les capacités de l'administration pénitentiaire. Le sens des peines et leur pleine efficacité sont donc au cœur de l'action de la Chancellerie, qui n'a jamais cessé d'œuvrer à leur renforcement.
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