M. Bruno Fuchs attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les intimidations et menaces dont les élus, en général et les parlementaires, en particulier, font de plus en plus l'objet. M. le député est bien conscient que parfois, ce sont les propos ou le comportement des parlementaires eux-mêmes, qui, dans ou en dehors hémicycle, contribuent de manière inconséquente ou involontaire, largement à la dégradation de l'image et de la fonction de législateur et donc du respect lui étant due. Ainsi il y a peu, il lui semble regrettable qu'un de ses collègues se soit prêté à une mise en scène déplorable dans le cadre d'un clip haineux l'associant notamment à une infraction caractérisée de trafic de stupéfiants, appelant de ses vœux la mort de 89 députés membres d'un certain groupe politique ainsi qu'au boycott d'un membre du Gouvernement. Fait qui avait amené Cyril Hanouna à réclamer des peines disciplinaires voire l'exclusion de ce député ou la suspension de son mandat. Cependant, M. le député déplore néanmoins ce qui va plus loin qu'une simple crise de confiance entre population et membres de la représentation nationale. En effet, depuis quelques années, attisée notamment par le mouvement des gilets jaunes, les élus, ainsi malheureusement, que leurs familles, ont fait l'objet de menaces de morts, de violences verbales, ou mêmes physiques, tandis que les permanences parlementaires sont régulièrement vandalisées, voire incendiées. Réseaux sociaux, clips, lettres anonymes, tous les moyens semblent bons pour véhiculer l'irrespect, voire la haine vis-à vis-des élus. M. le député s'offusque que tout récemment encore certains de ses collègues aient fait l'objet d'intimidations mettant en jeu un de leur proche, dans le cadre de l'examen du PLFRSS, et interpelle sur le rôle d'un parlement qui ne serait plus en mesure de légiférer sereinement, sur la légitimité de parlementaires qui ne seraient plus à même d'exercer librement et en conscience, leur mandat. En conséquence, le parlementaire du Haut-Rhin s'interroge sur les moyens à mettre en œuvre pour que les élus renvoient à nouveau l'image du sacré républicain, pour que ne plane au-dessus de leur tête que l'auréole du suffrage universel et non l'épée de Damoclès qu'une minorité, certes, mais se sentant de plus en plus « autorisée », agite impunément. Convaincu que lorsque l'on s'en prend à un élu, on s'en prend, en fait, à la République et à la démocratie, M. le député insiste donc sur la nécessité de réfléchir collectivement à un programme d'actions visant à valoriser les différents mandats d'élus de la République, à mettre en œuvre une politique de prévention de tous types de violences faites aux élus, impliquant notamment l'éducation nationale, et à rehausser encore le niveau des sanctions pénales. Il souhaite donc savoir quelles mesures de ce type il entend prendre, en éventuelle collaboration avec d'autres membre du Gouvernement, afin que l'écharpe tricolore n'agrège plus les colères mais inspire de nouveau le respect.
La préservation de la sécurité des élus revêt un caractère fondamental dans notre République car elle permet le plein exercice, en sérénité, du mandat électif et donc la reconnaissance du pluralisme démocratique, qui constitue la garantie du bon fonctionnement des institutions. La gendarmerie nationale, par sa couverture territoriale, assure la sécurité d'un grand nombre d'élus et des locaux associés (domiciles, permanences et mairies). Preuve de l'importance qu'elle prête à cette problématique, elle a lancé une opération qui leur était spécialement dédiée, déclinaison de #répondrepresent et intitulée #presentpourleselus. Au-delà, elle a développé une approche globale répondant à la triple ambition de prévenir les atteintes, de les réprimer plus efficacement et d'accompagner les élus pour qu'ils soient en capacité de mieux appréhender les situations à risques. Sur ce point, la gendarmerie continue de proposer aux élus une formation à la gestion des incivilités pour les sensibiliser aux menaces potentielles lors d'interventions du quotidien. Ce module, élaboré par le GIGN, a rencontré un vif succès : plus de 22 131 élus (au 30 septembre 2023) ont été formés depuis le 1er janvier 2021. D'autre part, la gendarmerie nationale a construit, en lien avec l'Association des maires de France (AMF), une méthode d'analyse des risques synthétisée par l'acronyme « M. A.I.R.E.S », aidant à déterminer l'opportunité, pour l'élu, de s'engager personnellement, ou de solliciter les forces de sécurité intérieure. Cet outil est notamment disponible sur l'application « Gend'Elus », comptabilisant près de 35 000 téléchargements fin septembre 2023. Cette application a été développée spécifiquement par la Gendarmerie pour répondre aux besoins des élus en recensant des fiches pratiques et des conseils pour la gestion des situations du quotidien. La police nationale (préfecture de police et direction générale de la police nationale) est également engagée dans la prévention et dans l'accompagnement des élus. Depuis septembre 2022, l'AMF dispose d'un poste de chargé de mission sécurité et prévention de la délinquance, occupé par un commandant de la police nationale. La direction nationale de la sécurité publique (DNSP) a engagé un partenariat spécifique avec ce référent afin, par son intermédiaire, de mieux faire connaître aux élus les dispositifs de prévention déployés sur le terrain par la police nationale et auxquels ils peuvent recourir ou s'associer (prévention situationnelle, etc.). Depuis mai 2021, la police nationale propose également aux maires et adjoints des villes situées en zone de compétence police, une formation à la gestion des comportements agressifs et violents, des incivilités et à la désescalade des conflits (mises en situation, etc.). Cette formation concerne deux types de public : - Les élus des petites agglomérations, formés par les DDSP. La formation a été élaborée par le RAID en coopération avec l'ENSP et la DNSP : au 1er octobre 2023, 2125 élus (hors Paris et petite couronne) ont été formés. La formation a fait l'objet de retours très positifs de la part des élus et une présentation a eu lieu lors du salon des maires en novembre 2022 ; - les élus des grandes métropoles et les parlementaires, formés par l'ENSP. Une formation d'une journée est animée par des négociateurs du RAID et des experts pédagogiques de l'ENSP. Au-delà de la réponse à apporter aux agressions verbales et physiques, cette session aborde la gestion de l'ordre public lors de grands rassemblements (manifestations culturelles, sportives, etc.). Compte tenu du très fort taux de satisfaction des élus (90 %) et de l'impact positif sur la qualité de la relation entre les élus et l'institution policière, l'ENSP a étendu ces formations aux parlementaires. Deux sessions, sur un format d'une demi-journée chacune, ont été organisées au Sénat en décembre 2022 et février 2023. Au 1er octobre 2023, 103 élus locaux et parlementaires ont bénéficié de cette formation. Cet accompagnement individualisé des représentants peut s'appuyer également sur la mobilisation de la chaîne de prévention situationnelle (référents et correspondants sûreté de la police et de la gendarmerie) qui, par son expertise, peut identifier les principales vulnérabilités des locaux rattachés aux élus, y compris le domicile personnel, et établir des préconisations de sécurisation. Cette démarche peut se doubler d'une inscription dans le module « SIP » de la base de données de la sécurité publique, facilitant l'identification des situations individuelles les plus sensibles et un engagement adapté des moyens opérationnels en cas de besoin. En outre, la sécurité des élus se fonde sur l'entretien d'une relation régulière de proximité avec les forces de l'ordre afin que les préoccupations du moment soient évoquées et prises en compte. L'application « MaSécurité » offre ainsi l'opportunité de mettre en lien direct un élu avec un gendarme ou un policier de son unité de rattachement, par appel téléphonique ou par tchat afin de répondre instantanément aux inquiétudes exprimées. Ce contact numérique s'enrichit des rapports privilégiés permis par l'existence d'un référent « élus » au sein des brigades de gendarmerie et des circonscriptions de police favorisant un lien de confiance. Dans le cadre des instructions de vigilance et de réactivité régulièrement adressées par le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer aux préfets et aux forces de police et de gendarmerie pour que soit assurée la protection des élus de la Nation, les forces de police et de gendarmerie mettent tout en œuvre pour prévenir ces actes et réagir rapidement en cas d'événement. Des enquêtes sont systématiquement diligentées avec tous les moyens d'investigation nécessaires. Des contacts sont pris avec les parlementaires et les élus locaux pour les sensibiliser et rappeler les démarches à accomplir en cas de menace ou d'incident. Une surveillance accrue des abords des permanences des parlementaires ainsi que de leur domicile est assurée. Une veille des réseaux sociaux est menée pour détecter les discours de haine ou les menaces. Des instructions ont été données pour accompagner avec soin les élus au moment du dépôt de plainte, en proposant des plaintes sur rendez-vous ou sur site (par exemple en mairie). Chaque fait est signalé au procureur de la République. Par ailleurs, un Centre d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (CALAE) a été créé officiellement le 17 mai dernier sous l'impulsion de la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité. Ce centre a vocation à collecter, compiler et analyser les menaces et les violences faites aux élus afin de cartographier et de mieux comprendre le phénomène, pour adapter le dispositif de réponse en temps réel. Il rassemblera plusieurs acteurs de la sécurité intérieure (police et gendarmerie nationales, service statistique ministériel de la sécurité intérieure) ainsi que les ministères de la Justice et de l'Education nationale et de la Jeunesse, ainsi que des associations d'élus et de défense des victimes. Dans la continuité de la création de cette structure, un « pack sécurité » a été mis en œuvre au profit des élus. Ce dernier vise notamment à renforcer l'engagement des référents et correspondants sûreté police et gendarmerie à leur profit, à déployer le dispositif « alarme élu », à développer la prise de plainte des élus à leur domicile, à leur permanence ou en mairie. Par ailleurs, a été créé un réseau de 3 400 référents « atteintes aux élus » au sein de tous les commissariats et brigades. Il a été également rappelé aux préfets la vigilance particulière à avoir sur ces atteintes et la mise en place de la démarche « une menace = une évaluation » visant à analyser chaque atteinte contre un élu et à apporter des réponses opérationnelles individualisées en lien avec les procureurs de la République compétents dans chaque département. Des instructions ont d'ores et déjà été transmises aux brigades de gendarmerie et commissariats de police afin de présenter ce centre d'analyse et détailler les mesures du pack sécurité. Il en est de même pour les préfectures auxquelles le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer a demandé une mobilisation toute particulière.
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