M. Gérard Leseul appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargée de l'enfance, au sujet du choix de mode de garde des enfants dans le cadre d'une séparation des parents et plus particulièrement, sur la nécessité d'encourager la mise en place de la résidence alternée. Chaque année dans le pays, près de 350 000 couples se séparent, ce qui entraîne la mise en place d'un mode de garde adapté pour les 200 000 enfants issus de ces unions. Dans la majorité des cas, le mode de garde consacré est celui de la résidence principale chez l'un des parents avec un droit de visite bimensuel pour l'autre parent. Aujourd'hui, 12 % des enfants de parents séparés vivent en résidence alternée. Ce mode de garde induit que le parent qui n'obtient pas la garde principale n'est en mesure de passer du temps avec son ou ses enfants que 4 jours par mois. Plusieurs études semblent indiquer que le mode de garde en résidence principale peut entraîner des troubles singuliers tels que des difficultés scolaires ou des affections psychosomatiques. Dans sa résolution 2079 du 2 octobre 2015, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe invite les États dans sa recommandation 5.5 « à introduire dans leur législation le principe de résidence alternée des enfants après une séparation, tout en limitant les exceptions aux cas d'abus ou de négligence d'un enfant, ou de violence domestique et en aménageant le temps de résidence en fonction des besoins et de l'intérêt des enfants ». Enfin, dans sa jurisprudence du 1er juillet 2021 (CA de Paris, pôle 3, 1er juillet 2021, n° 20/12170), la cour d'appel de Paris a jugé que « la mise en place d'une résidence en alternance peut être tout à fait bénéfique pour l'enfant en lui permettant de développer avec chacun de ses parents de réelles relations et de continuer à se construire de la manière la plus équilibrée possible, en se nourrissant des apports spécifiques transmis par son père et sa mère ». Pour faire évoluer le régime juridique et instaurer un usage plus important de la résidence alternée, deux propositions de loi ont été déposées. Une première du 12 octobre 2021, visant à instaurer le principe de présomption de résidence alternée pour les enfants de parents séparés et une proposition de loi du 15 novembre 2022, visant à permettre à l'enfant de maintenir des liens équilibrés avec ses deux parents en cas de séparation s'il y a désaccord sur le mode de résidence. Malheureusement, à ce jour, aucune de ces propositions n'a pu être mise à l'ordre du jour des travaux de la chambre. Il appelle son attention sur l'importance de ce sujet et l'interroge, dans l'intérêt des enfants, sur les moyens que le Gouvernement envisage afin d'organiser une discussion parlementaire et de modifier le droit français pour consacrer la résidence alternée comme mode de garde premier des enfants de parents séparés.
L'analyse des statistiques démontre que la résidence alternée progresse de manière significative en France. En 2016, 400 000 enfants mineurs vivaient en résidence alternée (source INSEE Première n° 1728 janvier 2019). Selon l'étude de l'INSEE n° 1841 de mars 2021, en 2020, en France hors Mayotte, 480 000 enfants mineurs partagent de manière égale leur temps entre les deux domiciles de leurs parents séparés. La résidence alternée égalitaire a ainsi progressé de 20 % en quatre ans, de 2016 à 2020. Le droit en vigueur impose, d'ores et déjà, au juge d'envisager la résidence alternée comme première hypothèse puisque l'article 373-2-9 du code civil dispose en son premier alinéa que « la résidence de l'enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l'un d'eux. » Si la résidence alternée peut être encouragée, il est essentiel de conserver la possibilité pour le juge de prendre en compte la réalité de chaque situation familiale et d'apprécier au cas par cas l'intérêt de l'enfant afin d'ajuster sa décision aux multiples configurations familiales. La résidence alternée paritaire ne peut être un modèle unique pour tous. Elle peut être adaptée à la situation de l'enfant dans certains cas et ne pas l'être dans d'autres. Ainsi, elle devra être écartée, par exemple, en cas d'éloignement géographique ou bien dans un contexte de violences. En pratique, dans 80 % des situations, les parents s'accordent sur les modalités d'organisation de la résidence des enfants et la résidence alternée n'est choisie que dans 19 % des cas (enquête statistique du ministère de la justice de novembre 2013 sur des données du 1er semestre 2012). La généralisation par principe de la résidence alternée ne ferait donc pas écho à la pratique la plus répandue au sein des familles. En outre, comme constaté par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes dans son rapport en date du 22 novembre 2017, « Si la résidence des enfants est majoritairement fixée aujourd'hui chez les mères, c'est parce que les pères ne la demandent pas. En effet, 93,4 % des décisions des juges aux affaires familiales sont rendues conformément à la demande des pères et 95,9 % conformément à la demande des mères. » Le juge est lié par les demandes des parties. Il appartient donc aux pères et à leurs conseils de solliciter davantage la résidence alternée s'ils le souhaitent. La résidence alternée doit effectivement être privilégiée, dès lors que chacun des parents a eu un investissement réel auprès de l'enfant du temps de la vie commune et que les conditions de vie de chacun le permettent afin de maintenir, autant que faire se peut, la stabilité du cadre de vie de l'enfant après la séparation de ses parents.
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