M. Hubert Wulfranc appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la politique répressive engagée par la direction du centre hospitalier du Rouvray contre certains agents revendicatifs exerçant au sein de l'établissement public. Le centre hospitalier du Rouvray a été confronté à une grave crise sociale au premier semestre 2018 après des mois d'alerte des organisations syndicales et du collectif des « blouses noires ». Ce conflit portait notamment sur la nécessité de procéder à des recrutements pour permettre aux différentes unités de cet établissement spécialisé en psychiatrie de pouvoir accueillir et traiter dignement les patients, notamment les adolescents. À défaut d'être entendu malgré un mouvement de grève illimitée lancé le 22 mars 2018, sept puis huit agents de l'établissement décidèrent d'engager une grève de la faim en juin 2018 afin de ramener l'agence régionale de santé à la table des négociations avec des propositions sérieuses. Plusieurs grévistes de la faim dont la santé était en jeu ont été hospitalisés après plus de deux semaines de jeûne. La pression médiatique et politique devenant intenable, un protocole d'accord a finalement été conclu avec l'agence régionale de santé de Normandie aboutissant à la création de trente postes supplémentaires. Malgré cet engagement, le climat social est resté tendu du fait notamment de difficultés de recrutements et de la crainte d'un détournement des moyens supplémentaires affectés à l'établissement à d'autres fins que celles convenues dans le protocole d'accord de 2018. En novembre 2019, le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a rendu public son rapport rédigé à la suite de deux visites de l'établissement effectuées les 7 et 18 octobre 2019. Celui-ci dénonce un accès aux soins et aux traitements inégaux en fonction des différentes unités d'hospitalisation, la faute en particulier à l'absence d'un véritable projet médical d'établissement, sans politique d'ensemble ni coordination susceptible de donner du sens aux équipes ainsi que de graves atteintes à la dignité et aux droits fondamentaux des patients. La publication du rapport du CGLPL a eu pour conséquence de renforcer les tensions au sein du centre hospitalier du Rouvray corroborant les revendications des personnels soignant du Rouvray qui dénoncent toujours une situation de sous-effectif chronique ainsi qu'une prise en charge indigne dans certaines unités anciennes aux locaux inadaptés et manquant d'équipement. La crise sanitaire liée à la covid-19 qui a frappé le pays alors qu'il n'était pas préparé à y faire face (pénurie de masque de protection lié au non-renouvellement des stocks stratégiques, gel hydroalcoolique et tenue de protection en quantité insuffisante) a affecté le fonctionnement du centre hospitalier du Rouvray dans un contexte déjà particulièrement tendu. N'ayant pas de masques de protection en quantité suffisante pour équiper les soignants, la direction de l'établissement a adressé une note interne non signée, en mars 2020, demandant aux soignants de laver leurs masques jetables pour les réutiliser après séchage. Cette même note indiquait que les patients malades du covid ne devaient pas être équipés de masque. Cette note, qui n'avait pas vocation à être rendue publique, a néanmoins été communiquée sur les réseaux sociaux par des agents excédés par des mois de tensions avec la direction de l'établissement, ceux-ci craignant d'être exposés avec leurs collègues à un virus extrêmement contagieux, potentiellement mortel sans équipement adéquat. La direction du Rouvray a alors diligenté une enquête administrative pour identifier les personnes ayant mis en ligne la note interne controversée. Si huit personnes ont été convoquées pour être entendues par la direction de l'établissement, seul deux agents ont reçu une sanction administrative à l'issue d'un conseil de discipline pour leur propos. Des sanctions administratives qui ont pris la forme de mise à pied sans solde de 10 et 15 jours. Parallèlement à la procédure administrative, la direction du centre hospitalier du Rouvray a déposé plainte pour manquement à l'obligation de discrétion professionnelle et manquement à l'obligation de réserve. Parmi les agents mis en cause figure des meneurs du mouvement social de 2018. Depuis les principaux membres de la direction de l'établissement en fonction en 2020 ont quitté le centre hospitalier sans que les tensions sociales ne se soient apaisées. Ainsi, des organisations syndicales ont engagé une procédure d'alerte pour danger grave et imminents à propos de la situation de l'unité d'hospitalisation Flaubert. Les auteurs de cette alerte par ailleurs, membre du CHSCT de l'établissement, ont pointé un manque de personnel rendant la situation dangereuse, l'absence des repos réglementaires pour les agents, des menaces de mort et des agressions de patients et de visiteurs, une surcharge de travail empêchant les soignants d'effectuer leurs missions ou encore, des locaux vieillissants ainsi que des problèmes techniques. Un CHSCT extraordinaire a été convoqué le 6 août 2021 au terme duquel syndicats et direction ont acté leur désaccord. L'inspection du travail a depuis engagé une enquête à l'intérieur de l'unité Flaubert auditionnant personnels et direction. Une autre enquête de l'inspection du travail a été déclenchée au premier semestre 2021 concernant le service ressources humaines de l'établissement. L'inspection du travail y a constaté que plus d'un tiers des effectifs de ce service sont en souffrance au travail. L'inspection du travail a demandé la mise en place ou la pérennisation de mesures d'urgence, un plan d'action visant à supprimer les risques diagnostiqués, la mise à jour de la partie du document unique d'évaluation des risques relative à la direction des ressources humaines. Elle constate qu'un très grand nombre de préconisations concernant ce service n'ont pas été suivies d'effet, notamment celles relatives aux exigences émotionnelles, à la dégradation des rapports sociaux et les conflits de valeurs. L'inspection indique que la plupart des facteurs de risques ont pu perdurer et produire leurs effets sur la santé mentale des agents. Enfin, elle reproche à la direction son manque de transparence, le rapport intermédiaire du médecin du travail sur la situation interne au service à propos des aspects santé et sécurité au travail n'ayant pas été communiqué au CHSCT de l'établissement alors qu'il s'agit d'une obligation réglementaire. Loin de vouloir apaiser les tensions la nouvelle direction du centre hospitalier du Rouvray n'a pas daigné retirer la plainte au pénal déposée par l'ancienne direction en 2020. Trois agents du centre hospitalier ont été interrogés en juin 2020 par les services de la police nationale, dont les deux agents précédemment sanctionnés en conseil de discipline. Si aucune charge n'a été retenue contre les deux agents précités, le troisième, membre du collectif d'agents « les blouses noires », collectif à l'origine de la diffusion de la note interne sur le réemploi des masques de protection, a été convoqué à une composition pénale le 16 décembre 2021. Le parquet de justice lui reproche le fait d'avoir intercepté, détourné, utilisé et divulgué des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie électronique au préjudice du centre hospitalier de Rouvray. L'acceptation de la composition pénale valant reconnaissance des faits qui lui sont reprochés l'agent infirmier a opposé une fin de non-recevoir à la composition pénale. Il s'expose dorénavant à un jugement en tribunal correctionnel et peut encourir jusqu'à un an de prison et 45 000 euros d'amendes. En agissant ainsi, la direction du centre hospitalier, qui n'a pas retiré la plainte déposée par l'ancienne direction de l'établissement, entend affirmer son autorité contestée en faisant un exemple pour intimider les agents les plus revendicatifs. Une démonstration de force, qui loin d'apaiser les tensions risque, au contraire, d'ajouter de l'huile sur le feu dans un contexte déjà particulièrement tendu. Aussi, il lui demande quelle disposition entend prendre le ministère pour désamorcer la crise sociale qui couve depuis de nombreux mois au sein du centre hospitalier du Rouvray et notamment une intervention qui pourrait notamment prendre la forme d'une médiation avec la direction de l'hôpital afin que celle-ci accepte de retirer, en signe d'apaisement, la plainte au pénal visant l'agent lanceur d'alerte susceptible d'être déféré au tribunal correctionnel. Plus généralement , il lui demande de lui faire part des initiatives qui seront prises par le ministère et l'ARS auprès de la direction de l'hôpital pour se conformer aux demandes de l'inspection du travail et du contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Le protocole de sortie de crise du 28 juin 2018 prévoyait notamment la création de 30 postes supplémentaires répartis en fonction des besoins de l'établissement. A ce jour, 29 postes sur les 30 ont été pourvus. S'agissant du rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté de novembre 2019, un plan d'action décliné en 5 volets a été établi en décembre 2019, dont le suivi et l'évaluation ont été conduits en lien avec l'Agence régionale de santé (ARS) : suppression des hébergements en chambre à 3 lits ou des locaux inadaptés ; humanisation des conditions d'hébergement des patients ; création de lits d'hospitalisation à la prise en charge des adolescents ; redéfinition des protocoles et respect des bonnes pratiques concernant la liberté d'aller et venir des patients ; mise en place d'actions permettant de mieux informer les patients. Ce rapport relevait spécifiquement l'absence de projet médical d'établissement. Ce dernier a été adopté en mars 2021 et s'articule autour de trois axes majeurs : mobiliser les professionnels autour d'une nouvelle dynamique sociale et une cohésion interne ; humaniser les locaux, les conditions d'accueil et harmoniser les pratiques dans la perspective d'un plus grand respect des patients et d'une amélioration des conditions de travail ; coordonner les parcours pour offrir à tous les patients l'accès à l'ensemble des dispositifs de prise en charge en interne et en externe. Par ailleurs, pour faire face à la dégradation des locaux et le manque d'équipements, dès 2018, une politique proactive d'humanisation des locaux a été mise en œuvre par l'établissement, avec le soutien de l'ARS Normandie. Dès 2019, l'ARS a versé 1 million d'euros destinés à accompagner les projets d'investissement et 250 000 euros spécifiquement pour créer une unité d'accueil des mineurs. En 2020, 337 000 euros de crédits nationaux ont été versés à l'établissement en aide à l'investissement pour l'entretien des bâtiments et 200 000 euros pour l'équipement des systèmes informatiques. Enfin, le centre hospitalier (CH) du Rouvray a été retenu au titre du Ségur de l'investissement pour la création d'une unité de réhabilitation psychosociale pour les patients porteurs de troubles psychiques sévères. S'agissant des procédures judiciaires en cours, l'établissement n'intervient pas dans le fonctionnement de la Justice qui est seule maître de la procédure. Enfin, la nouvelle direction a affirmé souhaiter relancer un dialogue social apaisé et constructif, après plusieurs années de tensions. Le nouveau directeur a d'ores et déjà rencontré toutes les organisations syndicales, qui partagent l'ambition d'un renouveau du dialogue social au sein de l'établissement, seul à même de permettre de faire face aux défis d'aujourd'hui. Le nouveau directeur a en outre pris l'attache de l'inspection du travail pour lui transmettre tous les documents que celle-ci avait demandé dans l'objectif de normaliser les relations entre tous les acteurs et veille à un dialogue constructif avec le CHSCT, légitimement compétent sur tous les sujets relatifs aux conditions de travail.
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