M. Dominique Potier interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les dangers du brandjacking et sur les dérives des nouvelles méthodes publicitaires présentes sur le web. En achetant un mot-clef à Google via AdWords, le géant américain permet de faire apparaître en tête des résultats de son site, le mot pour lequel vous avez payé. En utilisant ce procédé, des compagnies capitalisent sur la notoriété d'une autre entreprise en achetant les mots-clefs de marques concurrentes populaires. Ce phénomène, dénommé brandjacking, consiste à s'accaparer certains mots-clefs sur un moteur de recherche de sorte à rediriger l'utilisateur vers son propre site, alors même que celui-ci recherchait le lien d'un site concurrent. Ce « parasitisme » numérique nuit aux compagnies qui engagent des moyens financiers dans des campagnes publicitaires et se font voler leur public cible par des concurrents déloyaux. Cette surenchère permanente oppose des sites analogues ou des sites de contrefaçons qui veulent bénéficier de la popularité d'un adversaire. En outre, cette situation permet à Google de générer des sommes colossales par le biais de cette nouvelle « guerre du référencement ». Entre parasitisme et usurpation d'identité, des entreprises françaises subissent des manques à gagner qui peuvent parfois se chiffrer en millions d'euros par an. Au vu de cette situation, il demande au Gouvernement quelles mesures il entend prendre pour mettre fin à ces pratiques iniques.
Le terme anglais brandjacking désigne, de façon générale, le fait d'utiliser de façon illicite une marque, ce qui peut prendre différentes formes. En ce qui concerne plus particulièrement la pratique décrite par la question écrite, à savoir le fait d'afficher des publicités relatives aux offres d'une entreprise à partir de l'utilisation de mots-clés correspondant non pas à la marque de cette entreprise, mais à celle d'un concurrent de cette entreprise, il est important de souligner d'emblée que la jurisprudence européenne a consacré une solution équilibrée dans un arrêt de principe (CJUE, Interflora Inc. et Interflora British Unit contre Marks & Spencer plc et Flowers Direct Online Ltd,Affaire C-323/09, 22 septembre 2010). Il résulte de cette jurisprudence que le titulaire d'une marque renommée « n'est pas habilité à interdire des publicités affichés par des concurrents à partir de mots clés correspondant à cette marque et proposant, sans offrir une simple imitation des produits ou des services du titulaires de ladite marque, sans causer une dilution ou un ternissement et sans au demeurant porter atteinte aux fonction de la marque renommée, une alternative par rapport aux produits ou aux services du titulaire de celle-ci ». Autrement-dit, la pratique susmentionnée n'est pas illicite en soi, mais elle peut l'être si compte-tenu de son contexte et de ses modalités, il apparaît qu'elle porte atteinte effectivement à la protection légitime d'une marque, ceci devant être apprécié au cas par cas à l'aune d'un certain nombre de critères. Dans son arrêt du 22 septembre 2010 précité, la CJUE a fourni aux juges nationaux qui sont compétents pour connaître des litiges afférents à ce type de pratiques un certain nombre de précisions sur la façon dont il convient de les appréhender, notamment en ce qui concerne le point de savoir s'il est porté atteinte aux fonctions de la marque « et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ». Les orientations de cet arrêt de principe sont mise en œuvre notamment en France, où la Cour de Cassation a pu, sur cette base, développer une jurisprudence. Le gouvernement est néanmoins très attentif aux préoccupations que continue de soulever la pratique de brandjacking. Celles-ci sont prises en compte dans les réflexions engagées au sein du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique au sujet du fonctionnement général du marché et des services de publicité en ligne, en lien étroit avec l'ensemble des parties prenantes.
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