M. Dominique Potier appelle l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur les conditions de travail et de rémunération des travailleurs saisonniers agricoles. Les entreprises agricoles et viticoles - principalement dans le cadre des vendanges - font couramment appel à des entreprises d'intérim ou de travail détaché qui se chargent de leur adresser de la main d'œuvre et s'occupent de leur hébergement. Le rapport remis en juillet 2021 par le conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) sur les « Nouvelles formes de travail en agriculture » souligne que ces nouvelles relations de sous-traitance ont fait émerger des pratiques abusives et illégales pouvant aller jusqu'à des situations contraires à la dignité humaine. C'est particulièrement le cas des sociétés prestataires recrutant des personnels extrêmement vulnérables, souvent sans titre de séjour. Ces personnes sont ainsi confrontées à des hébergements insalubres, des sanitaires dans des états déplorables et des repas souvent très limités. Ces situations ont fait l'objet de procédures judiciaires et de publications ces dernières années sans améliorations notables. Par ailleurs, de nombreux cas de décès au travail ont été relatés, notamment en Champagne qui a connu cinq décès au cours des dernières vendanges de 2023. S'il est complexe d'établir une corrélation entre la cause des décès et leur activité professionnelle, cette multiplication alerte sur les conditions de travail, ainsi que sur les dérogations accordées par les services des directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS), devenues de plus en plus fréquentes. Chaque année, celles-ci sont accordées aussi bien sur l'amplitude de travail hebdomadaire - pouvant atteindre 60 heures de travail par semaine - que sur l'assouplissement des règles d'hébergement des travailleurs. Majoritairement, ces accidents mortels, à l'instar de l'ensemble des accidents du travail, surviennent en raison de manquements en matière de sécurité, de prévention et de formation, fréquemment relevés a posteriori par les inspecteurs du travail. Fort de ce constat, il souhaiterait savoir quelles mesures entend prendre le Gouvernement pour garantir des conditions de travail dignes des travailleurs saisonniers agricoles et prévenir tout abus.
Le Plan national d'action (PNA) du système d'inspection du travail établi pour 2023-2025 a défini cinq sujets incontournables, dont la lutte contre le travail illégal et la protection des travailleurs les plus vulnérables, ce qui implique notamment le contrôle de leurs conditions d'emploi, de travail et d'hébergement. Dans ce cadre, les services de l'inspection du travail sont fortement mobilisés. Cette mobilisation se traduit notamment par des contrôles de l'emploi saisonnier durant les vendanges, et on note ainsi en 2023 : - d'une part, dans la seule région Grand-Est, 103 entreprises agricoles contrôlées ayant permis de mettre en évidence plusieurs situations de traite d'êtres humains et ayant nécessité le relogement de 300 salariés ; - d'autre part, des contrôles organisés dans le cadre des Journées d'actions communes européennes (JAD), initiées en France par l'Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI). Près de 80% des contrôles du mois de septembre 2023 ont concerné le secteur agricole. En complément de ces actions ciblées sur les vendanges, des contrôles réguliers sont menés par les inspecteurs du travail sur l'ensemble du territoire, dans le cadre des Comités opérationnels départementaux anti-fraude (CODAF), en lien avec la Mutualité sociale agricole (MSA) et la gendarmerie. Par ailleurs, cette mobilisation des services se traduit par d'importantes concertations et réunions d'information organisées en amont de ces contrôles. Sur le sujet de la durée du travail hebdomadaire, les articles L. 3121-21 code du travail et R. 713-11 à R. 713-13 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM) prévoient que les employeurs peuvent obtenir de l'administration du travail l'autorisation de porter cette durée à 60 heures par semaine en cas de circonstances exceptionnelles. Cette autorisation n'est accordée que pour une durée limitée à ces circonstances, sur la base de situations objectives. L'inspection du travail s'attache à contrôler le respect des règles de durée du travail et des limites prévues par cette autorisation et à en sanctionner les dépassements dans le but de prévenir leur répétition. Enfin, en matière d'hébergement des travailleurs agricoles, les règles sont fixées par les articles R. 716-1 et suivants du CRPM, qui prévoient notamment que les travailleurs saisonniers peuvent être hébergés dans des résidences mobiles ou démontables. En outre, des dérogations sont possibles lorsque ces travailleurs sont recrutés pour moins d'un mois. Ainsi, l'inspecteur du travail peut autoriser l'hébergement sous tente entre le 1er juin et le 15 septembre. Cette possibilité est strictement limitée à tout ou partie du territoire de 15 départements dont la Champagne ne fait pas partie. Par ailleurs, sous réserve de la conclusion préalable d'un accord de branche, les Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) peuvent accorder une dérogation collective à certaines conditions d'hébergement (nombre d'occupants par chambre, surface minimale par occupants, nombre de sanitaires par occupants). Une telle dérogation a ainsi été accordée par la DREETS Grand-Est aux viticulteurs et aux Coopératives d'utilisation des matériels agricoles (CUMA) viticoles de la Champagne pour la période 2023-2027, sur les bases de l'accord de branche conclu le 31 mai 2023 pour une durée de 5 ans. Les services de l'Etat sont ainsi particulièrement attentifs à sauvegarder des conditions d'emploi et de travail respectueuses de la dignité humaine tout en tenant compte des contraintes liées à la production agricole.
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